La problématique de la remise en état impossible d’un site pollué par une filiale qui se trouve insolvable, a fait croître le nombre de sites pollués orphelins. La loi du 30 juillet 2003, dite « Bachelot » devait apporter une solution, mais les autorités administratives se sont retrouvées impuissantes dans la prévention des l’insolvabilité des entreprises. Une évolution des textes paraissait inéluctable.

Ainsi, le Grenelle de l’Environnement marque une avancée supplémentaire vers une « éco-responsabilité » des sociétés mères et donc des groupes. Pour la première fois en droit français, la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 » va reconnaître la possibilité de transférer la charge de la remise en état d’un site pollué à la société mère pour toutes les pollutions causées par l’activité de sa filiale qui se trouve en situation de défaillance.

La loi « Grenelle 2 » apporte trois mécanismes principaux :
- Elle prévoit un cadre sécurisé pour les sociétés mères qui possèdent une volonté de gouvernance écologique « engagée » et qui exécutent les obligations de leurs filiales de manière volontaire.
- Elle pose le principe de responsabilité de la société mère à l’égard de sa filiale en matière de remise en état des installations classées.
- Elle prévoit un nouveau régime pour les parcs éoliens qui sont désormais soumis à la législation sur les installations classées.

Cependant, il ne faut pas oublier la présence du droit antérieur qui peut engendrer des difficultés pratiques. En effet, en droit des installations classées, le débiteur exclusif des obligations de remise en état est l’exploitant, qui équivaut à la personne rattachée à l’activité. On parle alors de contrôle opérationnel et non de contrôle économique. Cette notion peut faire obstacle pour la recherche de la responsabilité de la société mère. L’évolution de la notion « d’exploitant » a dû être faite par la jurisprudence afin de tenir compte des successions de sociétés.
De ce fait, depuis un arrêt du Conseil d’Etat, 10 janvier 2005, l’obligation de remise en état d’un site pollué pèse sur l’exploitant, et si celui est introuvable, sur son ayant-droit ou sur celui qui s’est substitué à lui. Cependant, malgré cette évolution, la notion d’exploitant se heurte à la notion de contrôle économique, de manière que les sociétés mères ne puissent pas se voir imposer la charge financière de remise en état.

Une solution qui peut être envisagée est l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, mise en avant par la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 avril 2005. Il faut pouvoir démontrer que la société mère s’est comporté en qualité de dirigeant de fait de sa filiale, en prouvant son immixtion dans la gestion de sa filiale par l’exercice d’actes positifs de direction.

Il faut cependant s’intéresser à l’article L512-17 du Code de l’Environnement qui pose les nouveaux enjeux de la responsabilité des sociétés mères. Cet article a pour but de pallier les difficultés pratiques de l’action administrative. Ainsi, le législateur va ouvrir une voie d’action juridictionnelle qui met en pratique le droit commercial en matière d’obligation de remise en état, permettant d’alimenter les sources du droit des installations classées.

Il prévoit que « lorsque l’exploitant est une société filiale au sens de l’article L233-1 du Code de Commerce et qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le représentant de l’Etat dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l’existence d’une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à l’insuffisance d’actif de la filiale pour lui demander, lorsqu’une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites en fin d’activité ».

Cette action présente des spécificités par rapport aux actions en responsabilité de droit commun, tant dans sa mise en œuvre que dans ses effets, son champ d’application étant limité au transfert de la charge financière de l’obligation de remise en état des sites ayant abrité une installation classée.

Une des conditions d’exercice de l’action résulte du fait que le capital social de l’exploitant-filiale doit être détenu pour plus de la moitié par sa société mère. La deuxième condition est l’existence d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte ou prononcée à l’encontre de la filiale à la suite de la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Pour pouvoir engager la responsabilité de la société mère, et donc obtenir sa condamnation, le demandeur doit démontrer l’existence d’une faute, le lien de causalité et le dommage, et donc en l’espèce, une faute caractérisée ayant contribuée à une insuffisance d’actif de la filiale. Se pose alors la question de savoir si toute faute commise par la maison mère conduisant la filiale à une insuffisance d’actif, la plaçant ainsi dans l’impossibilité de s’acquitter de ses obligations de remise en état, pourra être retenue par le juge. Si l’on se réfère à la jurisprudence en matière de délit non intentionnel, une faute légère (imprudence ou négligence) ne devrait pas engager la responsabilité de la société mère, mais l’accumulation de fautes simples pourrait être considérée comme constitutive d’une faute caractérisée. De cette manière, la procédure peut être enclenchée.

Ensuite, l’une des difficultés majeures de la procédure est d’évaluer le montant de la créance, qui dépend en grande partie du devenir du site au regard de son usage. En effet, cette obligation n’est définie qu’une fois que l’usage futur du site est prévu et que les prescriptions préfectorales sont fixées. Si la procédure n’a pas suffisamment avancée, l’estimation n’est qu’approximative et permet d’apporter qu’une solution financière partielle. Il faudrait pouvoir obtenir une étude menée par un bureau d’études spécialisé, ce qui engendre de nouveaux coûts.

L’autre question qui peut être amenée à se poser est de savoir ce qu’il en est sur la garantie d’effectivité de ce mécanisme dans le cas où la société mère est constituée sous un droit étranger, auquel les juges mais aussi l’administration seront confrontés.

La mise en œuvre de la loi Grenelle II, avec ses multiples conditions d’application, se voit limitée car facile à contourner pour les sociétés mères. Mais il ne faut pas mettre de côté les autres fondements d’engagements de responsabilité (insuffisance d’actifs, extension de procédure collective ouverte à l’encontre de la société exploitant en matière de fictivité ou de confusion des patrimoines).

Pour conclure, on peut donc dire que malgré la menace de l’article L512-17 du Code de l’Environnement pouvait représenter pour les groupes industriels et les sociétés mères, il faut veiller à ce que les juges administratives appliquent au mieux la législation afin que de diffuser cette incitation à responsabiliser les acteurs industriels dans la gestion de leurs sites.