Le changement climatique induit des tendances progressives dans le temps, parfois impalpables dans le quotidien. Tantôt ponctuel, tantôt systémique et parfois disruptif, le changement climatique est une réelle menace aujourd’hui. Il, se décline sur nos territoires par des aléas naturels de plus en plus fréquents et intenses. Il entraîne des conséquences directes et indirectes sur la santé, l’économiques, la sociétaux et l’environnement. Mais pour autant, il est particulièrement difficile de mobiliser l’attention générale sur un phénomène qui ne pose pas de problèmes immédiats concrets et bien identifiés au moment où on l’évoque.
Or, on ne peut agir efficacement, devant une situation inattendue, que si on y est préparé. C’est pourquoi, dans ce contexte, une démarche de résilience, qui intègre la survenue de perturbations plus nombreuses et plus intenses, permet d’agir malgré l’incertitude en développant des capacités articulant tout à la fois : « robustesse et souplesse », « anticipation et réactivité », « conservation et changement », « adaptation et atténuation ».
En tant que secteur majeur des activités économiques dont le modèle est basé sur : la fabrication en nombre, le transport en chaîne, la gestion de stocks, la conservation et la livraison ; le e-commerce impacte tout naturellement l’environnement. De ce fait, le e-commerce intéresse évidement la démarche RSE et développement durable. Pour rappel, la RSE (Responsabilité sociale des entreprises), peut être définie comme la prise en compte volontaire par les entreprises, et plus largement par les organisations, des enjeux sociaux/sociétaux, environnementaux et économiques dans leur activité commerciale et dans leur relation avec leurs parties prenantes. Ainsi une entreprise qui fait de la RSE est une entreprise qui tend à respecter et appliquer les principes issus du développement durable. Cette réflexion portant sur lien entre RSE et le e-commerce, s’inscrit dans un contexte où le changement climatique est au centre des discussions et où les lois sur le climat s’empilent en Europe pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Quelles sont les impacts du e-commerce sur l’environnement ? Quels sont attentes des e-consommateurs ou consommatrices ? Comment repenser le modèle ? autrement dit quels leviers RSE mettre en place en e-commerce ? Nous donnerons une ébauche de réponse à toutes ses questionnements dans cet article.

A-Etat des lieux des impacts environnementaux du e-commerce

- Pendant la phase de fabrication des produits;

C’est le principal point de consommation d’énergie et d’émission de carbone des entreprises opérant dans le e-commerce. On estime que la fabrication mais aussi la vie des invendus pèse entre 85% et 95%*. L’offre représente donc le plus gros impact, qu’il s’agisse de e-commerce ou de distribution classique. C’est un impact scope 3 (émissions indirectes non liées à l’énergie). En ce qui concerne l’alimentaire : le plus fort impact vient des produits animaux. Alors qu’en non alimentaire, il vient du textile notamment avec la promotion qui est un levier d’augmentation des ventes, de la production et donc des émissions de CO2.

-Les impacts de entrepôts de stockage du secteur du e-commerce;

Par leur emprise au sol, les entrepôts de stockage de marchandises des e-commerçants participent à l’artificialisation massive des sols, impactent sur la biodiversité des lieux où ils sont présents.


-Les données de pollution du transport et de la livraison en e-commerce;

Il ne pèse que 5 à 10% du bilan carbone global. Ce bilan est d’autant plus lourd que les produits sont distribués sans regroupement. C’est un impact de Scope 2 (émissions indirectes liées à l’énergie).


B-Quels sont attentes des e-consommateurs ou consommatrices à l’heure où la démarche RSE et le développement durable s’imposent ?


L'on constate une prise de conscience des consommateurs qui sont plus orientés vers une consommation plus durable. Selon un rapport du Club du développement durable ; à prix égal, 80% des e-consommateurs et e-consommatrices préfèrent un produit engagé (baromètre Greenflex). D’après l’étude KPMG x Fevad 2020 : « 70% des cyberacheteurs disent privilégier les sites qui mettent en avant une démarche responsable ». Une étude de l’IRI ; 60% font entrer en ligne de compte les critères RSE dans leur acte d’achat. Quant à l’étude de Kantar-Tns elle annonce que les changements de comportement vers la renonciation à l’achat sont amorcés par les consommateurs. Ce sont ces nouveaux comportements, de plus en plus éco-responsables, qui influent sur les engagements des commerçants et des e-commerçants. Ainsi, 81% des e-commerçants considèrent le sujet de la RSE comme prioritaire (KPMG x Fevad 2020). Mais, pour le moment, seules 10% des marques sont considérées comme responsables (Kantar 2021). Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir afin de convaincre de l’engagement des marques. Selon Isabelle Lafont, (directrice exécutive chez Accenture) « si les e-commerçants veulent générer davantage de valeur et de croissance, les dirigeants doivent agir dès maintenant : il leur faut rebâtir leur stratégie et définir de nouveaux standards pour répondre aux attentes des consommateurs, puis les dépasser. Désormais, les marques ne peuvent plus se contenter du prix et de la qualité pour se démarquer ».

C-Quels leviers RSE mettre en œuvre en e-commerce ?

1. Au niveau l’offre

C’est l’axe qui permettra d’ancrer son entreprise dans une démarche responsable, en s’attaquant au plus gros poste carbone du e-commerce.
Pour cela, on compte différentes possibilités :
• Les productions locales. C’est ce que favorise la Beauté Française, grâce à sa marketplace de produits locaux et engagés !
• L’économie d’usage et de la fonctionnalité. On peut citer trois démarches différentes :
o L’exemple de Camaïeu qui s’adresse aux pertes et prises de poids des femmes en créant le service « la garantie yoyo ». Elle permet de réduire le gaspillage textile en permettant l’échange de leur jean contre une taille supérieure ou inférieure pendant 1 an.
o Le vêtement pour enfant extensible (Petit Pli) ou évolutif (Little Woude).
o Mais aussi la location, comme avec Loc and Roll qui permet de louer ses meubles ou sa décoration afin de faire évoluer son intérieur avec ses envies et étapes de vie.
• La circularité : c’est l’axe le plus exploré par le e-commerce. En effet, 45% des e-consommateurs ont déjà acheté un produit issu de l’économie circulaire sur Internet (baromètre trimestriel de l’impact du e-commerce en France de février 2020 de la FEVAD et de Médiamétrie).
- On y retrouve les produits éco-conçus à l’origine (à faibles émissions de Gaz à Effet de Serre). Ils sont produits à partir de matière première recyclée. On les retrouve dans les contenants en plastique notamment ou directement dans les produits finis (Intersport).
- En ce qui concerne les invendus, plusieurs lois régissent leur destinée :
• En alimentaire : depuis 2015, plusieurs lois régissent les invendus : la LTECV (pour la restauration collective), la loi Garot (pour les distributeurs), EGALIM (qui inclut des rapports des lois précédentes et généralise le « doggy bag »), et enfin la loi AGEC qui va renforcer les mesures anti-gaspillage.
• En non alimentaire : après le bannissement des destructions d’invendus en 2021, « l’article 45 de la loi AGEC oblige depuis le 1er janvier 2022, les producteurs, importateurs et distributeurs à réemployer, réutiliser ou recycler les produits non alimentaires invendus ».
-Le Recyclage : il peut être traité en amont avec la Big Collecte de Boulanger ou en aval avec la seconde main (cf l’article de Sophie Aubert sur le sujet). Mais le recyclage comprend aussi les produits reconditionnés avec Back Market. Le reconditionné peut encore monter d’un cran en insistant sur le reconditionnement local.
-Au sein de l’économie circulaire, on retrouve la notion de réparabilité avec l’indice mis en place par la FNAC par exemple.
• Les produits avec une forte durabilité (dans le temps). La loi AGEC demande de passer d’un indice de réparabilité à un indice de durabilité, en ajoutant à ce premier indice la robustesse et la fiabilité notamment. Bosch a directement inclus cette notion dans ses publicités.

2. Concernant l’optimisation logistique

Côté Supply chain, on retrouve une dichotomie entre immédiateté et RSE. C’est une demande de lame de fond, mais il faut construire un modèle pérenne. Il existe des outils technologiques qui permettent d’optimiser les routes, les parcours et notamment éviter les retours à vide, le défi étant d’optimiser les remplissages. Mais le plus gros enjeu se joue principalement sur le dernier kilomètre (Woop) :
• Que ce soit pour le lieu de livraison : livraison par quartier, dans un point relais, en magasin (click and collect), en drives piétons, dans des consignes automatiques…
• Ou pour le mode de livraison : en favorisant des véhicules légers (scooters, vélos), électriques (en milieu urbain), mais aussi des livraisons collaboratives (shopopup)…
Pour le moment, la livraison reste le point noir de la rentabilité du e-commerce. A terme, il faudra atteindre un amortissement entre coût fixe (mise de départ) et coût variable (qui nécessite d’augmenter le panier). Ceci passera surement par la sensibilisation des clients sur leur mode de livraison. Alors que 85% des consommateurs se font livrer à domicile, informer le e-client de l’impact de son choix au moment où il choisit sa livraison peut permettre de réduire les GES (gaz à effet de serre) mais aussi améliorer sa rentabilité. Saluons l’initiative de La Poste avec son calcul de score écologique.

3. Le packaging

Afin de continuer l’optimisation logistique, il faut faire la chasse aux espaces vides dans les colis (Cdiscount). Ce qui permet de réduire le volume occupé, de réduire le contenant et d’optimiser les flux logistiques.
En e-commerce on peut aussi réduire le second emballage, dont on n’a pas besoin, car il n’y a pas de visibilité magasin en jeu ! Le visuel est sur le site marchand. Pour cela il y a deux axes :
• Supprimer le suremballage : il n’est pas nécessaire d’avoir un emballage marketing
• Garder l’emballage d’origine s’il est assez solide.
Il existe quelques initiatives en test pour une circularité des emballages. Par exemple celle de (Petrel) repose sur des emballages réutilisables avec un jeu de consigne. Bien évidemment, dans une démarche RSE, le but est de réduire l’utilisation du plastique dans ces emballages. Et pour aller encore plus loin, le packaging peut être supprimé en passant une partie de son offre en Vrac (La Fourche).

4. Quid de la promotion

On peut personnaliser ce que l’on va promouvoir afin d’améliorer la responsabilité de la consommation. Par exemple en favorisant les virtual bundle, c’est-à-dire en constituant des lots de manière virtuelle avec une réduction. Il permet une flexibilité pour choisir exactement le bon nombre de produits pour le consommateur sans pré-constituer de lots qui seraient trop volumineux.
Mais le site du commerçant peut aussi promouvoir et mettre en avant (via le e-merchandising) les produits ayant un impact carbone moindre et ayant été conçus dans des conditions respectant les droits de l’homme ou du travail.
Biocoop, par exemple, présente ce que la nature nous donne sans en rajouter via des promotions sur des produits plus responsables : sans sel nitrité, arômes artificiels ni OGM.
Pour limiter la consommation excessive, d’autre marques se désengagent d’évènement la favorisant tel que le Black Friday (Aigle et Camif).

5. L’information produit : la donnée, un élément clé

Près de la moitié des Français (48%) attendent des informations liées aux critères environnementaux et sociaux tandis que 41% souhaitent en savoir plus sur la composition du produit. (étude Opinionway pour SES-Imagotag – 2021)
Pour ce faire, il y a plusieurs éléments que l’on peut communiquer au consommateur comme action pour leur donner le choix :
• Les fiches produites détaillées : matières premières, ingrédients, origine… En alimentaire, NumAlim se consacre à être la base de données produits complètes, fiables et maîtrisées du secteur.
• Les logos environnementaux, mais un travail est nécessaire pour les harmoniser.
• L’« impact environnementale évité » : pour le moment, il n’y a pas d’informations sur les émissions de gaz à effet de serre. Un axe à creuser…
Le plus compliqué dans cet exercice est de collecter toutes les données d’écocontribution d’un produit afin de les traiter et de les qualifier.

6. Sociétale et sociale

On peut retrouver dans cette ce levier, l’exemple de Carrefour qui s’engage auprès des étudiantes en précarité en leur offrant 1 kit de protections hygiéniques chaque mois sur présentation de la carte de fidélité. La part sociétale en dehors de l’inclusion peut passer par :
• Une charte de conformité, qualité et sécurité des produits ;
• Le choix de ses partenaires, par exemple : l » audit des vendeurs de sa marketplace vs le respect de la charte (matière première interdite…).

En sommes, il convient de noter que les acteurs du e-commerce ont l’obligation de s’approprier la démarche RSE et développement durable.