Les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables en matière environnement que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants .


Un GAEC a formé un « pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2022, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a condamné à 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. » En l’espèce, un co-gérant du groupement agricole d'exploitation en commun (le GAEC), a dénoncé un acte de malveillance après le déversement du contenu de sa cuve à lisier dans un cours d'eau jouxtant son exploitation.
Or « les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». « La cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 121-2, 131-38, 131-39 du code pénal, L. 216-6, L. 173-5, L. 173-8 du code de l'environnement et 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Au regard de l'article 593 du code de procédure pénale qui énonce : « les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif. Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public », tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. Pour déclarer le GAEC coupable des faits reprochés, après avoir relaxé son représentant légal au motif que l'enquête n'avait pas permis d'identifier avec certitude l'auteur du déversement du contenu de la cuve à lisier, l'arrêt attaqué énonce que la méthode de fermeture de la trappe de la cuve, en connaissance de l'existence d'un cours d'eau à proximité immédiate du réservoir, avait nuit gravement à la sécurité.
Les juges ont déduit que la personne morale a commis une faute en ne prenant pas toutes les précautions requises et recommandées tant par le constructeur que dans les guides de bonnes pratiques pour éviter une pollution. Ces manquements ou négligences ont été commis dans l'intérêt de la personne morale et par son représentant agissant pour son compte. En se basant par des motifs contradictoires, saisie à l'encontre de ce représentant du même délit prévu à l'article L. 216-6 du code de l'environnement, réprimant les rejets intentionnels ou non intentionnels dans les eaux superficielles ou souterraines qui entraînent des dommages à la faune ou à la flore, cause directe du dommage, écartant sa responsabilité pénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
In fines, l’affaire de déversement du contenu de cette cuve à lisier dans un cours d’eau met en avant certaines difficultés en matière de droit pénal environnemental. Ainsi si le dommage causé à la nature est évident suite à la commission de l’infraction, la Cour de cassation n’a pas pu identifier l’auteur matériel du déversement – la personne morale ou le représentant de celle-ci – étant donné que la personne physique, qui avait été poursuivie, avait été relaxée de manière définitive en l’absence de preuve, la Cour précisant par ailleurs que la personne morale doit répondre aux dispositions d’un texte répressif pour faire l’objet d’une sanction pénale.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2023, 22-82.921


Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2023, 22-82.921, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)