Le lundi 13 février 2023, une étude publiée par le think tank New Climate Institute et l’ONG Carbon Market Watch rapporte que 24 grandes entreprises engagées pour le climat continuent de travestir leur neutralité carbone. Un constat amer pour les ONG environnementales.
L’on pouvait lire dans cette étude la formule alarmante suivante : « les entreprises continuent de laver plus vert que vert ». Selon ces militants écologistes les grandes entreprises utilisent une technique marketing visant à promouvoir une image de marque plus responsable, éthique et écologique qu'elle ne l'est. Même au sein des multinationales qui s’affichent comme "leaders pour le climat".
Le premier enseignement de l’étude est qu’aucun progrès n’a été constaté depuis la précédente enquête réalisée il y a un an. Parmi les 24 multinationales passées au crible par les auteurs du document se trouvent des enseignes du CAC 40 comme ArcelorMittal, Carrefour et Stellantis (fusion du groupe automobile PSA et Fiat Chrysler Automobiles). Mais aussi des grands noms du commerce, de l'agroalimentaire, du textile, du transport ou encore de l‘industrie comme Apple, Google, Amazon, Volkswagen, Nestlé, Mercedes-Benz, H&M Group, Holcim, Microsoft... Toutes ces entreprises aux secteurs d’activité très variés sont responsables d’environ 4 % des émissions mondiales. Et présentent un point commun : un recours décomplexé au greenwashing. Le deuxième enseignement de cette étude annonce que les entreprises analysées ; ne sont pas toutes logées à la même enseigne. En effet, seul le géant danois du transport maritime Maersk – qui investit dans des carburants alternatifs et des nouveaux navires ; semble tirer son épingle du jeu avec une intégrité jugée "raisonnable". La stratégie de huit entreprises est jugée d'intégrité "modérée", comme Apple, ArcelorMittal, Google, H&M Group, Stellantis, ThyssenKrupp. Onze autres, dont Amazon, Nestlé, Mercedes-Benz ou Volkswagen ont une intégrité jugée "faible". Quatre mauvais élèves se disputent le bas du classement : la compagnie aérienne American Airlines, les supermarchés français Carrefour, le géant brésilien de la viande JBS et le Coréen Samsung. Aucune entreprise n’obtient le plus vertueux niveau, dit de "haute" intégrité.
"Ce classement n’est absolument pas surprenant’’, commente Jérémie Suissa, délégué général de l'association environnementale Notre affaire à tous. Selon, Jérémie Suissa ce classement corrobore en tout point les constats que font les ONG écologistes chaque jour. En effet, ces ONG constatent toujours les mêmes mécaniques d’enfumage des grandes entreprises en remarquant qu’en dix ans, rien n’a changé. En clair, ces militants écologistes fustigent les pratiques troubles des entreprises qui formulent d’ambitieuses promesses en faveur de l’environnement et sont contraintes de mentir parce qu’elles ne veulent pas remettre en cause leur modèle.
Pour illustrer cette pratique très courante, les rédacteurs de l’étude prennent l’exemple de Carrefour, qui semble ainsi exclure plus de 80 % de ses magasins franchisés pour tenir ses objectifs climatiques. L’enseigne de supermarchés, fleuron du commerce français, a aussitôt réagi auprès de l'AFP en mettant en avant une trajectoire chiffrée de réduction, y compris sur des émissions indirectes. Sans jamais répondre à la question du périmètre des magasins retenus.
Pour venir à bout du greenwashing, nombre d’ONG environnementales plaident pour que les États et les institutions comme l’ONU ou l’Organisation mondiale de la santé mettent en place des outils de régulation.
Hasard ou non du calendrier, l'Autorité des marchés financiers (AMF) demande désormais le renforcement des règles européennes en matière de catégorisation des fonds respectant les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) afin d'éviter du greenwashing de la part des gestionnaires d'actifs.
Depuis le 1er janvier 2023, la loi oblige les sociétés à justifier la neutralité carbone d'un produit qu'elles mettent en avant. Cette mesure, une des plus emblématiques de la loi climat et résilience, considère officiellement l’écoblanchiment dans le code de la consommation comme une pratique commerciale trompeuse. "Grâce à cette nouvelle législation, l’on peut désormais traduire des groupes en justice. On y a d’ailleurs eu recours pour assigner Casino, que l’on accuse de déforestation au Brésil." Et Jérémie Suissa de conclure : "Les multinationales ont des capacités de changement exponentielles. Il faut désormais les contraindre, et les contraindre vite. Car plus on tarde, plus la transition sera brutale et pèsera sur les populations les plus vulnérables."