
Les déchets dans l'espace extra-atmosphériques : peut-on parler de responsabilité des producteurs ?
Par Pauline DESNOUS
Responsable regionale Prevention des risques
GDF Suez
Posté le: 26/01/2012 17:51
En 50 ans de conquête spatiale, les différentes activités menées dans l'espace par l'Homme ont généré davantage de déchets en orbite que le système solaire n'y a introduit de météorites depuis sa création. Aujourd'hui, il n'existe aucun vol spatial ou de satellite qui est à l'abri d'entrer en collision avec un déchet. Même sur Terre, personne ne peut s'estimer en sécurité vis-à-vis d'un déchet qui retomberait dans l'atmosphère. Ainsi, on dénombre des millions d'objets volants en orbite autour de la Terre, mais qui en est responsable ? Peut-on parler de responsabilité du producteur de déchets dans l'espace ?
Dans un premier temps, il s'agit de faire une précision sur le terme à employer. Certains qualifient ces objets de déchets et d'autres de débris.
En effet, l'ONU (organisation des Nations Unies) et la communauté spatiale emploient le terme « débris ». L'ONU définit les débris de la façon suivante : « on entend par débris spatiaux tous les objets créés par l'Homme, y compris des fragments ou éléments de ces objets, que leurs propriétaires puissent être identifiés ou non, qu'ils se trouvent en orbite terrestre, ou qu'ils reviennent dans les couches denses de l'atmosphère, de caractère non fonctionnel et dont on ne peut raisonnablement escompter qu'ils puissent trouver ou retrouver la fonction pour laquelle ils ont été ou pourraient être autorisés ».
D'un autre côté, nous avons la définition présente dans la réglementation européenne qui énonce « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire » est considéré comme un déchet.
Les deux définitions se rejoignent sur quelques points, mais en matière de débris, l'origine n'est pas recherchée. S'agissant d'objets laissés à l'abandon par leur détenteur, il est plus approprié de parler de déchets.
Si on considère qu'il y a actuellement des millions de déchets dans l'espace extra-atmosphérique, comment est-il possible d'en identifier l'origine ?
Pour pouvoir faire un suivi des déchets spatiaux, les Etats-Unis, la Russie et une coopération entre la France et l'Allemagne sont les seuls pays qui disposent d'une capacité de détection suffisamment développée pour en assurer le suivi. Un rapport rendu par les Etats-Unis recensait, fin 2010, plus de 16 000 objets en orbite (d'une taille supérieure à 10cm de diamètre), dont 10 000 déchets, 3 500 charges utiles (satellites hors d'usage ou en activité) et 1 900 étages supérieurs de lancement.
Après les différentes études menées, ces dernières ont révélé que la Fédération de Russie est le pays qui détient le plus grand nombre de déchets, devant les Etats-Unis, la Chine, le France, le Japon et l'Inde.
Il faut ajouter à cette addition environ 600 000 déchets entre 1 et 10 cm, ainsi que 135 millions de fragments d'une taille de 0,1 à 1cm.
Le problème qu'il se pose actuellement est simple, le nombre de déchets est grandissant (en perpétuel augmentation au vue des collisions entre déchets qui se multiplient), ce qui contraint les satellites en activité et les stations spatiales à opérer des manoeuvres d'évitement afin de ne pas entrer en collision avec l'objet. Ces manoeuvres sont risquées et ont un coût.
A partir de 1963, dans le cas où une collision ne pourrait être évitable, entre un déchet et un satellite actif, et engendrerait des dommages, c'est la « Déclaration des principes juridiques régissant les activités des Etats en matière d'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique » qui s'appliquerait. Etant adopté à l'unanimité, ainsi « tout Etat qui procède ou fait procéder au lancement d'un objet dans l'espace extra-atmosphérique est responsable du point de vue international des dommages causés à un Etat étranger ou à ses personnes physiques ou morales par le dit objet ou par ses éléments constitutifs, sur terre, dans l'atmosphère ou dans l'espace atmosphérique ».
En 1972, est édictée une « Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux » qui vient préciser les responsabilités de chacun. Ainsi, pour les dommages causés à un objet spatial d'un Etat de lancement par l'objet d'un autre Etat de lancement, la responsabilité pourrait être retenue s'il a commis une faute dans la conduite de son objet. La responsabilité du détenteur de l'objet en matière d'indemnisation s'applique dans l'espace.
Afin d'éviter ces évènements, il faudrait mettre en oeuvre un « nettoyage » de l'espace. Pour y parvenir, un accord entre les pays est indispensable, car en application du droit de propriété et du principe de souveraineté des Etats, il est interdit de recueillir dans l'espace des objets appartenant à d'autres états. Si cela était envisageable, il faudrait que les Etats mettent en place des modalités de capture ou de neutralisation. Ces recherches demanderont un financement, mais par qui ? Les usagers de l'espace ? Toutes ces questions n'ont actuellement aucune réponse.
Le droit de l'espace est encore très jeune, et peu respecté car peu contraignant. Les seules avancées sont des « mesures d'atténuation » visant à limiter les déchets d'exploitation et vérifier l'absence de gaz de pressurisation dans les engins inactifs afin d'éviter les explosions. L'ESA (Agence spatiale européenne) est allée plus loin en rédigeant un Code de Conduite applicable le 1er Avril 2008, incitant les Etats à l'éco-conception afin de réduire la production de déchets spatiaux. Elle envisage pour l'avenir d'envoyer des vaisseaux pour capturer les déchets les plus dangereux, et la possibilité de mettre en place une taxe liée à l'exploitation qui permettrait d'alimenter un fonds de gestion des déchets spatiaux. Il ne s'agit que d'hypothèses pour le moment.
Mais avant tout, il est nécessaire que les Etats se mettent d'accord sur une convention internationale concernant la prévention et la gestion des déchets dans les orbites terrestres et le système interplanétaire afin d'éviter que l'espace ne devienne une décharge.