La transition énergétique ambitieuse de l'Ouzbékistan
Par Diana Brain
Posté le: 12/09/2022 15:50
Depuis 2016, le pays engage des réformes ambitieuses dans plusieurs domaines et développe les énergies renouvelables. La réduction des ressources en eau et la modification des précipitations prévues par les projections engendreront de longues périodes de sécheresse. En conséquence, l’Ouzbékistan serait plongé dans l’insécurité en matière de nourriture et d’eau. Les pénuries d’eau engendreraient une baisse de rendements des cultures qui ne suffiraient pas à nourrir la population. La situation ayant été aggravée par l’assèchement de la mer d’Aral. Sa surface s’étendait en 1960 sur 67 300 km2, soit une superficie de deux fois la Belgique. A ce jour, l’ancien huitième plus grand lac du monde a perdu 57% de sa superficie, 80% de son volume et 64% de sa profondeur.
C’est pourquoi, l’Ouzbékistan avait fixé des objectifs importants en matière de lutte contre le changement climatique. Ils sont divisés principalement en cinq :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB de 35 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030 ;
- Augmenter la part des renouvelables à 25 % de la production d’électricité totale – doubler l’indicateur d’efficacité énergétique par rapport au niveau de 2018 ;
- Diviser par deux l’intensité énergétique de l’économie du pays ;
- Faire reculer la consommation industrielle des ressources naturelles ;
- Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Ces objectifs ambitieux ont été accompagnés de soutiens financiers nécessaires en rendant le pays attractif pour des investisseurs étrangers. Le gouvernement a adopté une stratégie dès 2016 de développement à moyen terme dénommée « la Stratégie d’actions pour 2017-2021 ». En raison profondes réformes de son économie, le pays a permis d’améliorer les conditions de vie de façon notable. Mais également, ces réformes ont ouvert l’économie à des entreprenariats privés et des investissements.
Sur cette période, le ministère de l’Économie a agi en cinq actions :
- En réglementant le secteur de l’énergie ;
- En mettant en place des accords de partage de production ainsi que la supervision de leur respect ;
- En élaborant un PPP (partenariat public-privé) ;
- En améliorant la politique tarifaire pour faciliter la formation d’un environnement commercial concurrentiel en vue d’augmenter et de diversifier la production d’énergie ;
- En mettant en place un gouvernement d’entreprise moderne dans le secteur de l’énergie.
Ces réformes se sont traduites par la restructuration de la compagnie nationale (Uzbekenergo JSC) ayant le monopole de la fourniture d’électricité en Ouzbékistan. En conséquence, trois sociétés par actions ont été créées et placées sous la tutelle de la troisième régissant les centrales thermiques, les réseaux électriques nationaux et les réseaux électriques régionaux. Dans cette dynamique, le décret 4477 avait été voté pour promouvoir la transition écologique. Celui-ci prévoit une augmentation de l’efficacité énergétique de certains secteurs clés de l’économie. Il impose la consommation diversifiée des sources d’énergie et le développement au recours aux énergies renouvelables. Il propose également une adaptation et des mesures permettant de lutter contre les conséquences du changement climatique. Enfin, il soutient l’élaboration de mécanismes financiers et non-financiers pour créer une économie « verte ».
Dans les années 2020, l’Ouzbékistan a approuvé une tarification différenciée et souple de l’électricité pour la population en fonction de l’heure de la journée et des jours de la semaine. Ainsi, les consommateurs avaient le choix entre des contrats prévoyants un tarif différencié en fonction des horaires ou un tarif unique. Dans la foulée, un document de réflexion pour garantir l’approvisionnement en électricité pour 2020-2030 avait été approuvé. Mais le plus gros du secteur de l’électricité intervient en 2021 avec un projet de résolution présidentielle relatif aux mesures supplémentaires en vue de réformer ce secteur. Il visait à ouvrir un marché concurrentiel entre 2020 et 2025.
Afin d’y parvenir au mieux, le document de réflexion prévoit la création d’un organisme de réglementation indépendant non gouvernemental. Il devra rendre des comptes au Président et au Parlement et aura des fonctions de contrôles et d’octroi de licences. En outre, il pourra élaborer et approuver la grille tarifaire pour la production, le transport la distribution et la vente de l’électricité. Il permet également d’amoindrir la participation du gouvernement dans ce secteur pour attirer des capitaux privés. Enfin, il permettra de dénationaliser le réseaux électrique Ouzbek (JSC).
Ces changements laissent le champ libre pour un marché plus concurrentiel de l’électricité pour 2021-2025. Ce qui pourrait améliorer la qualité, la fiabilité et la stabilité de l’approvisionnement électrique grâce à une gestion efficace du secteur par des entreprises d’État transformées.
Ces ambitieux objectifs de développement durable et les mécanismes modernes d’échange de l’énergie appellent à des investissements conséquents. Autant au niveau du réseau, de la modernisation des infrastructures datant de l’ère soviétique, de l’amélioration de la qualité et du stockage que de la gestion de l’intermittence technique. C’est pourquoi les lois adoptées en 2019 sur les énergies renouvelables permettent le lancement d’ appels d’offres pour l’éolien et le solaire jusqu’en 2022. Des appels d'offres pour lesquelles des entreprises comme Total Eren ont répondu à des taux historiquement bas. Le gouvernement est épaulé dans cette démarche par les plus grandes institutions financières de développement, telles que la Société financière internationale, la Banque asiatique de développement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
La législation a elle aussi été pensée pour garantir la « bancabilité » des projets. Avant, la création d’une entité ad hoc ne faisait pas partie du modèle d’origine. Aujourd’hui, les modèles d’appels d’offres proposent :
- Une exemption du gouvernement pour les projets PPP qui interdisent l’indexation sur les devises étrangères pour les paiements effectués dans la monnaie ouzbèke.
- Les amendements au code foncier permettent désormais aux droits au bail de servir de garantie aux prêteurs internationaux, bien que la propriété foncière soit toujours strictement réservée aux ressortissants ouzbeks.
- Garantie partielle des risques souverains et soutien de la MIGA pour encourager les banques commerciales dans le cas où l’acheteur est une entité dont la solidité n’a pas pu être avérée et qui souffre de la solvabilité « limitée » de l’Ouzbékistan.
Tous ces éléments ont réussi à atténuer le risque de liquidité alors que les institutions financières privées ont réitéré leur préférence pour des accords d’achat d’électricité à long terme.Toutefois, il subsiste un risque de type « sub-investment grade », en particulier dans le contexte des conflits entre l’Ukraine et la Russie. Mais l’Ouzbékistan cherche depuis quelques années à rendre son marché plus attractif en transformant fondamentalement son modèle énergétique.