A l'heure du dérèglement climatique, des comptes qui retracent les voyages en jets privés de plusieurs hommes d'affaires qui ne cessent de croître, émergent sur les réseaux sociaux.
L'objectif étant de dénoncer l'empreinte carbone démesurée de ces milliardaires, qui n'hésitent pas à prendre l'avion pour effectuer des trajets très courts de manière régulière.

Inspiré par Jack Sweeney, un internaute américain qui suit le jet du milliardaire Elon Musk, un ingénieur aéronautique français traque désormais les déplacements très courts et très polluants des avions privés de Bernard Arnault, François-Henri Pinault, Martin Bouygues, Vincent Bolloré ou encore du groupe JC Decaux, du patron de LVMH mais aussi le jet de TotalEnergies.

Le 8 août dernier, Vincent Bolloré a effectué cinq vols avec son jet privé dans la même journée afin d'honorer de courts rendez-vous aux quatre coins de la France ou de l'Italie.

Aussi courant juillet, Martin Bouygues a effectué trois vols avec son jet privé, qui a émis 70 tonnes de CO2, soit l'équivalent des émissions d'un Français moyen en 7 ans.

Alors que les effets du dérèglement climatique se font durement ressentir cet été en France, avec une sécheresse historique et des canicules à répétition, ces utilisations de jets privés, au lourd bilan carbone, posent problèmes.

C’est ainsi que les écologistes proposent une interdiction de ces vols jugés beaucoup trop polluants, alors que le gouvernement et le monde associatif planchent sur leur régulation.

Julien Bayou, secrétaire national des Verts, a annoncé vouloir déposer une proposition de loi à l’automne pour interdire les jets privés. Selon lui, le mode de vie « climaticide » des plus riches n'est plus compatible avec le dérèglement climatique, qui ne fait que s'accentuer. "C’est l’histoire de la sécession des élites : nous sommes sur la même planète, mais plus dans le même monde", estime le député écologiste fraîchement élu.

Côté gouvernement, on planche sur la question de manière moins tranchée.
Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, réfléchit à des pistes pour limiter l’usage des avions privés : "Je pense qu’on doit agir et réguler les vols en jet privé. Cela devient le symbole d’un effort à deux vitesses".
Pour l'heure, rien n'est encore arrêté, mais cela pourrait se traduire par une taxation ou bien une obligation de rendre publics les déplacements en jets privés. Ou encore une réglementation qui favoriserait plutôt un trajet en train ou via un vol commercial.
Il est évoqué pour cette dernière piste une disposition de la loi « Climat et Résilience » adoptée en août 2021 qui interdit les vols domestiques quand une alternative ferroviaire existe.

Si le gouvernement se dit prêt à réguler le trafic de l'aviation privée en France, l'application de toute mesure s'annonce particulièrement compliquée.
La France est en effet le premier marché d'Europe pour les jets privés, avec 243.189 mouvements d'avions d'affaires en France pour l'année 2021, selon l’European Business Aviation Association (EBAA).

Par ailleurs, les voyages en jet privé sont en plein essor depuis la pandémie de Covid-19, qui a cloué tous les vols commerciaux au sol. En 2021, plus de 4,2 millions de vols en jet privé ont eu lieu, selon le Financial Times. Cela avait poussé les compagnies privées à commander de nouveaux appareils pour venir renforcer leurs flottes.

La régulation de l'aviation privée devrait être abordée à la rentrée quand le gouvernement se penchera sur son « plan de sobriété » énergétique, annoncé par Emmanuel Macron le 14 juillet.