Le plan REPowerEU : un levier partiel aux énergies à hydrocarbures.

« La géopolitique influencera toujours l’économie et davantage dans un système mondialisé, faisant craindre le spectre d’un conflit même à petite échelle », selon Larence D. FINK, directeur de BLACK ROCK, extrait du discours au sommet de Davos, 2018.

La Commission européenne a présenté en date du 18 mai 2022 ; le détail de son plan RePowerEU qui vise à réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures par le biais de l’utilisation de l’hydrogène.
Le coût de cette conversion, et les infrastructures nécessaires, tout comme l’imminence de la situation font craindre le spectre d’un frein majeur sur l’économie européenne.

Le plan accélérateur à hydrogène « Fit for 55 ».

Ce plan inclut un « accélérateur hydrogène » prévoyant une augmentation de 14 millions de tonnes (Mt) de l’utilisation d’hydrogène renouvelable et d’ammoniac à l’échelle de l’Union d’ici 2030, qui s’ajoutent aux 5,6Mt de demande d’hydrogène par les mesures du paquet « Fit for 55 ».
La volonté d’établir une indépendance relative quant à l’énergie est le fer de lance de ce projet qui s’inscrit dans une réaction aux mesures récentes de prestataire tel que GAZPROM, qui menace les exportations pour l’hiver 2022 en invoquant en tant que débiteur la force majeure, et l’indisponibilité d’une turbine comme motif à ce manquement aux obligations contractuelles.

La Commission européenne appelle désormais à transposer le paquet « Fit For 5 » ; dans la directive révisée sur les énergies renouvelables (RED III), la Commission propose, in largo sensu, de relever l’objectif de consommation de carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO, hydrogène renouvelable) dans l’industrie à 75% (50,7% initialement), et dans les transports à 5% (2,9% initialement).

Selon les modélisations de la Commission, le premier poste d’usage de l’hydrogène renouvelable dans l’Union en 2030 serait la production de chaleur industrielle (3,629 Mt H2), suivi de l’usage comme matière première dans l’industrie chimique (3,232 Mt H2), et de l’usage direct comme carburant dans les transports (2,319 Mt H2).
D’importantes consommations industrielles additionnelles viendraient de l’usage comme matière première dans les raffineries (2,273 Mt H2), dans l’industrie sidérurgique (1,520 Mt H2) et pour la production de carburants synthétiques (1,788 Mt H2). La Commission réitère son approche prudente quant à l’injection d’hydrogène en mélange dans le réseau de gaz naturel, mais considère néanmoins que cela peut faire sens à hauteur de 3%, soit 1,3 Mt d’hydrogène injectée dans le réseau de gaz d’ici 2030.
Afin d’accélérer l’usage d’hydrogène renouvelable dans l’industrie, la Commission compte notamment doubler le financement de projets « Grande Echelle » du Fonds pour l’Innovation, le portant à 3 milliards d’euros d’ici l’automne 2022. Ses solutions apparaissent bien atones face à l’enjeu et l’envergure des travaux à venir.


Un mécanisme de contrats carbone pour la différence à la maille de l’Union sera également mis en place dans le cadre du Fonds pour l’Innovation, afin d’accélérer la montée en puissance de l’hydrogène renouvelable dans l’industrie.
La Commission mise également sur le doublement des « vallées hydrogène » d’ici afin d’accélérer la montée en puissance localisée des usages, et souligne qu’à cette fin la mobilisation d’un investissement conséquent sera nécessaire.

Ces nouveaux objectifs seraient atteints par la production au sein de l’Union d’environ 9,6Mt d’hydrogène renouvelable (contre 5,6Mt prévues avant RePower EU), et l’import de 10Mt, dont 6Mt sous forme d’hydrogène et 4Mt sous forme d’ammoniac.
Les objectifs relevés de production domestique d’hydrogène renouvelable impliquent un besoin additionnel en électricité de 500TWh d’ici 2030, conduisant à des besoins d’investissements compris entre 335 et 471 milliards d’euros, dont 200 à 300 milliards pour la production additionnelle d’électricité renouvelable. Ces objectifs impliquent également l’installation d’environ 120GW d’électrolyse en Europe d’ici 2030, représentant un besoin de 27Mds€ d’investissements directs dans les électrolyseurs domestiques et l’infrastructure de distribution d’hydrogène (intra-UE) afférente. Le document de travail de la Commission envisage néanmoins un besoin en investissements situé entre
Si les cibles d’utilisation restent focalisées sur l’hydrogène renouvelable, il faut néanmoins noter que la Commission européenne vise l’hydrogène fossil-free, et considère notamment que l’hydrogène électrolytique utilisant de l’électricité nucléaire joue également un rôle dans la substitution du gaz naturel.

La question de l’importation : limite de l’indépendance énergétique ?


La question de l’importation des ressources est primordiale, puisqu’il est question de se passer des exportations de la Russie en Gaz, dans un délai très cours.
Pour les 10Mt d’imports d’hydrogène renouvelable en provenance de pays tiers, la Commission maintient sa stratégie de partenariats hydrogène avec des pays-tiers. Les imports d’hydrogène pur (6Mt) se feraient par pipeline, ceux par navires sous forme d’ammoniac (4Mt).
Trois corridors d’importation sont ainsi ciblés : le sud méditerranéen (avec le Maroc et l’Egypte comme partenaires prioritaires) ; la mer du Nord (Royaume-Uni et Norvège) ; et avec l’Ukraine de façon très incertaine. Cette cartographie n’aura lieu qu’en 2023, selon Bercy, qui insiste tout comme la Cour des comptes, pour rendre un dispositif européen viable dès cet hiver, en facilitant « toutes mesures nécessaires à l’investissement dans l’hydrogène ou toutes autres énergies alternatives ».

L’avenir se tourne donc au sud de la méditerranéen afin d’intégrer les enjeux de développement et de consommation locale d’énergies renouvelables. La signature d’un accord de coopération avec le Japon est également sur la table des négociations, d’après le Commissaire à l’énergie Européen.


Un outil d’achat conjoint d’hydrogène renouvelable sera également mis sur pied pour financer les importations, le « Global European Hydrogen Facility ». Ce mécanisme serait la réplique à l’échelle de l’Union du fonds allemand « H2Global », et à destination des États membres qui seront volontaires. Ces subventions, bien que discutables sur la pérennité économique, doivent couvrir l’écart entre les coûts de production de l’hydrogène et les prix de vente, « via en amont un dispositif de double enchère permettant de contractualiser du côté de l’offre des contrats de 10 ans de fourniture d’hydrogène renouvelable ou dérivés » (ammoniac, e-fuels) et en aval la demande des contrats d’un an avec des consommateurs (conception du mécanisme H2Global).


Des infrastructures et des investissements aux coûts faramineux

Pour acheminer ces volumes d’hydrogène stratégiques, la Commission insiste sur les besoins d’investissements dans les infrastructures. Ainsi, entre 28 et 38 milliards d’euros d’investissements dans les canalisations de transport d’hydrogène devraient être mobilisés d’ici 2030, et entre 6 et 11 milliards d’euros pour le stockage d’hydrogène. Des investissements faramineux devront être engagé tant pour pallier l’arrêt de l’importation de gaz russe que pour modifier l’ensemble des infrastructures stratégiques.