Vers une fin du Nutri-Score anticipée : entre droit d’usage du logo et suspicion de confusion du consommateur.
Par Benjamin Ramires
ramires.benjamin@protonmail.com
Posté le: 23/08/2022 13:56
A titre liminaire :
Par « Logo », on entend les signalétiques « Nutri-Score » déposées dans les Territoires et recensées en ANNEXE 3 : Liste des droits, des pays et des Régulateurs des présentes. Le Logo est composé de :
- 5 logotypes, ci-après dénommés « Logo Classant » représentant les 5 classements de produits sur l’échelle nutritionnelle, associés au mot « Nutri-Score », et faisant ressortir une des cinq lettres A-B-C-D-E.
Par « Produits », on entend toutes denrées alimentaires dans le commerce, pour lesquels une déclaration nutritionnelle a été faite, que la déclaration nutritionnelle résulte de la Déclaration nutritionnelle obligatoire ou d’une base volontaire conformément au Règlement européen.
C’est en date du 22 novembre 2021 que l’Autorité de la concurrence italienne a ouvert une procédure contre les produits français de la marque Dukan. Les griefs ciblent uniquement le Nutri-Score, apposé par la marque sur ses produits, qui créé une « confusion » pour le consommateur selon les arguments de plusieurs coopératives parties à la procédure ; constituant une « pratique commerciale déloyale ». (CEPC, avis n° 22-1, 4 avr. 2022, relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur la conformité au droit de la pratique de distributeurs visant à imposer aux fournisseurs l’apposition du logo Nutri-Score sur les produits à leurs marques).
L’ARGUMENTAIRE DE LA PARTIE DEMANDERESSE :
L’autorité italienne fait grief au Nutri-Score de calculer un score pour 100 g d’aliment, et non selon la taille de la portion, constitutif d’une confusion, in largo sensu.
En effet, il est reproché, également, de ne pas apporter d’informations sur la quantité et la fréquence recommandées, de n’être pas « accompagné d’avertissement ou précision qui permette de contextualiser cette quantité et son apport nutritionnel » et de donner un « jugement absolu » sur la qualité d’un produit.
En outre, l’avis le logo « suggère et implique l’existence d’une relation directe entre l’aliment et la santé », ce qui est vrai. Mais l’Autorité estime que cela peut induire le consommateur en erreur, le portant à croire que « le produit ‒ simplement parce qu'il est marqué des couleurs vertes ou des premières lettres de l'alphabet ‒ est le meilleur pour sa santé et, en tout cas, qu’il est à préférer à d'autres aliments dépourvus de ce marqueur ». Ce qui aurait pour conséquence de « favoriser l’achat des produits classés "verts" et désavantager les produits classés "jaunes/oranges/rouges" ».
VALIDÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
Mais l’Autorité Italienne se veut protectrice de ses filières en excipant que Nutri-Score n’est pas « étayé scientifiquement » (art. 6.2), et qu’il pourrait donc « véhiculer des informations trompeuses et incomplètes, susceptibles d'altérer de manière significative la capacité du consommateur à faire un choix éclairé ».
Or, le Nutri-Score a été validé par la Commission européenne sur le principe d’un étiquetage nutritionnel simplifié, voté par le Parlement européen. Ainsi, Serge Hercberg, professeur émérite de nutrition à l’université Sorbonne-Paris Nord et concepteur partenaire du Nutri-Score, souligne qu’aucun blocage ne fut initié par les États membres, et donc « qu’il n’y a pas d’incohérences par rapport à la réglementation en vigueur ».
ÉTIQUETAGE NUTRITIONNEL UNIQUE AU SEIN DE L’UE : UN CONTEXTE POLITIQUE ET DES ENJEUX JURIDIQUES
Dans ce contexte ; la Commission européenne doit réviser le règlement INCO en fin d’année 2022 et décider d’un étiquetage nutritionnel unique au sein de l’UE. Le Règlement n°1169/2011 dit INCO, publié au JOUE le 22 novembre 2011, concerne l’information du consommateur sur les denrées alimentaires. Celle-ci ne doit pas induire le consommateur en erreur. Le Règlement INCO actualise, simplifie et clarifie l'étiquetage des denrées alimentaires commercialisées dans l'Union Européenne. Il maintient les dispositions antérieures contenues dans la directive n°2000/13 (codifiées dans le code de la consommation aux articles R 112-1 à R 112-31) en les complétant. Il harmonise, in fine, les informations devant figurer sur toutes les étiquettes de denrées alimentaires commercialisées dans l’Union Européenne.
Or, l’Italie est le principal opposant de ce système afin de préserver « sa souveraineté gastronomique «. D’après les rapports des coopératives reprises par les déclarations du premier ministre Mario Draghi, qui tient à rassurer les parlementaires sur le fait que le gouvernement est tout à fait conscient de la « gravité » que représenterait le Nutri-Score pour la filière agroalimentaire dont certains produits phares sont mal notés ». A l’instar de l’industriel Ferrero qui fait figure de chef de file de l’opposition en raison de sa notation.
L’Italie a réussi à rallier plusieurs pays dans cette lutte contre le Nutri-Score, à l’instar de la Grèce, la Roumanie, la Hongrie, la République tchèque. Ainsi, ce mouvement fut repris par certains industriels Français tel que Diet Lab Sas, qui reproche le manque de clarté sur le « fondement nutritionnel et l’effet papillon de celui-ci ».
D’autres procédures furent initiées contre les entreprises italiennes GS Spa, Carrefour Italia Spa, Pescanova Italia Srl et Valsoia Spa ; l’entreprise française Diet Lab Sas ; l’entreprise anglaise Weetabix Ltd.