
La négociation des clauses relatives aux travaux de rénovation énergétique
Par Joy TOURET
Avocat
Posté le: 19/09/2011 0:21
Le niveau BBC pour la rénovation impose de ne pas dépasser une consommation d’énergie primaire de 80 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne.
La loi « Grenelle 2 » sanctionne le respect de ces nouvelles caractéristiques thermiques (1), qui influent sur la négociation des clauses relatives aux travaux de conformité (2).
1. Les nouvelles obligations de rénovation
90% du parc immobilier de 2020 existe déjà aujourd’hui. Ainsi, dans la perspective de diminuer la consommation d’énergie, la loi du 12 juillet 2010 édicte toute une série de mesures destinées à améliorer les performances énergétiques des bâtiments, notamment par la réalisation de travaux.
Il est tout d’abord prévu, selon l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, que « des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012 ».
Un décret en Conseil d’Etat détermine la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notamment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter, en tenant compte de l’état initial et de la destination du bâtiment, de contraintes exceptionnelles, de l’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine historique.
L’article 7 e de la loi du 6 juillet 1989 est complété en ce que le locataire est obligé de laisser exécuter dans les lieux loués non seulement les travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, les travaux nécessaires au maintien en état, à l’entretien normal des locaux loués, mais également, depuis le 12 juillet 2010, les travaux d’amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ses locaux.
La précision est importante, car elle comble une lacune résultant de la jurisprudence : la Cour de cassation estime en effet que les travaux d’amélioration que le locataire doit laisser exécuter sont ceux réalisés dans l’immeuble loué, mais en aucun cas dans les locaux loués, c’est-à-dire dans le logement du locataire.
Seuls des travaux d’entretien pouvaient être imposés au preneur dans le local loué. Or, des travaux d’isolation, par exemple, ne peuvent être assimilés à de simples travaux d’entretien.
Par conséquent, dans sa nouvelle rédaction, l’article 7 e ne permet plus au locataire de s’opposer à des travaux dans son logement.
Cette solution fait écho au régime récemment instauré par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion, dite loi « Molle » du 25 Mars 2009 qui a inséré au sein de la loi du 6 juillet 1989 un article 23-1 dont l’objet est de mettre à contribution le locataire, en raison des économies (chauffage, électricité…) résultant de travaux effectués par le bailleur.
Il faut aussi prendre en compte l’article 25 g de la loi du 10 juillet 1965, modifié par l’article 7 de la loi « Grenelle 2 », à propos des travaux réalisés dans les parties privatives, auxquels le locataire ne peut en principe pas s’opposer.
Ainsi, parmi les travaux d’amélioration, seuls ceux améliorant la performance énergétique se voient conférer un statut préférentiel, dénotant ainsi la priorité qui leur est accordée par le législateur. Il faut donc impérativement les prendre en compte lors de la rédaction d’un bail.
2. La négociation des clauses relatives aux travaux de mise en conformité
Le droit des contrats est dominé par le principe de l’autonomie de la volonté, qui permet aux individus de définir eux-mêmes les termes de leurs contrats (2.1), que le juge peut néanmoins être amené à interpréter (2.2).
2.1. Le principe : la libre négociation
En matière de travaux dans les baux, c’est le droit commun du louage qui s’applique.
Selon l’article 1754 du Code civil, le Bailleur supporte en principe la charge de tous les travaux de réparation et d’entretien, sauf ceux tenant aux réparations locatives et de menu entretien.
En effet, il ressort des termes des articles 1719 et 1720 du Code civil que le Bailleur doit délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce, c’est-à-dire accomplir l’ensemble des travaux préalables à l’entrée en jouissance du Preneur.
Il doit aussi entretenir la chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée (article 1719 3°) et faire, pendant la durée de la location, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, à l’exception des réparations locatives (article 1720 alinéa 2).
Il doit enfin entreprendre les réparations nécessaires du fait de la vétusté ou de la force majeure, au regard de l’article 1755 du Code civil.
Or, à l’exception de l’obligation de délivrance conforme qui, selon l’article 1719, découle de la nature même du contrat et ne peut ainsi être totalement annihilée par la volonté des parties, toutes les autres obligations, en pratiques lourdes de conséquence pour le propriétaire, présentent un caractère supplétif et peuvent donc être écartées par des clauses contraires.
La question est celle de savoir si lors de la rédaction du bail, le Bailleur peut transférer la charge financière des travaux d’entretien et de réparation des locaux (autres que locatifs) au Preneur ?
Cet enjeu prend toute son importance dans les baux commerciaux principalement.
Il s’agit en effet de travaux imposés par l’Administration (tout comme les obligations de travaux résultant de la réglementation spécifique aux produits dangereux et insectes), qui font l’objet, de manière générale, de règles spécifiques et d’un traitement particulier et, là encore, la jurisprudence admet, sous certaines conditions, la libre négociation des parties.
Dans le silence du contrat, toutes les réparations, quelle qu’en soit l’importance, doivent être prises en charge par le Bailleur à partir du moment où elles sont prescrites par l’Autorité Administrative et répondent à un objectif de mise en conformité des locaux à la réglementation.
Ainsi, concernant un transfert conventionnel au Preneur et dans l’attente d’une jurisprudence propre aux travaux de rénovation énergétique, il faut se référer à l’ancienne jurisprudence en matière de travaux de mise en conformité exigés par l’administration.
Selon, un arrêt du 10 mai 1989, la Cour de cassation a jugé que « les travaux prescrits par l’autorité administrative sont, sauf stipulation contraire, à la charge du Bailleur ».
Par conséquent, la charge des travaux de mise en conformité peut en principe faire l’objet d’un transfert conventionnel au Preneur.
Afin de mettre en œuvre ce transfert, le bail doit clairement transférer au Preneur les travaux de mise en conformité issus des règlements et prescriptions administratifs, en prévoyant aussi bien l’hypothèse de règlements existants à la date d’entrée en jouissance que ceux qui pourraient être pris par la suite.
Dès lors que les clauses sont claires, il n’y aura pas de difficulté : ce transfert est effectif et valable pour la durée du bail quel que soit l’importance financière de cette charge pour le Preneur.
2.2. Les limites de la libre négociation
La première limite résulte du rapport de force entre Bailleur et Preneur. Ainsi, le Bailleur pourra parfois être conduit à conserver à sa charge certains travaux en contrepartie d’un engagement du Preneur pour une durée fixe minimale.
En outre, il existe des limites à caractère plus juridique à la libre négociation des clauses de travaux.
En matière de reconstruction de l’immeuble, quelles que soient les dispositions contractuelles convenues entre les parties, la jurisprudence a mis en place une limite au transfert de la charge de travaux sur la personne du Preneur.
Par exemple, le Preneur ne paraît pas pouvoir être tenu de réaliser des travaux qui correspondraient à une véritable reconstruction, malgré l’engagement pris par lui aux termes du bail.
Le bailleur ne peut, quant à, valablement mettre à la charge de son preneur tous les travaux affectant l’immeuble, au risque de vider l’obligation de délivrance de sa substance.
Toutefois, cette construction jurisprudentielle ne doit pas être interprétée comme remettant en cause la faculté pour les parties de convenir que le preneur prenne en charge les grosses réparations de l’article 606 du Code civil, cela reviendrait en effet à enlever à cet article son caractère supplétif et à porter atteinte au principe de l’autonomie de la volonté en matière contractuelle.
En outre, les parties doivent prendre en compte dans la négociation l’acception restrictive que le Juge fait des clauses dérogatoires.
Ce caractère restrictif découle de l’application des règles admises par le Code civil en matière d’interprétation des stipulations contractuelles.
C'est l’article 1162 qui impose au Juge d’interpréter une clause obscure dans un sens favorable au débiteur, au profit du Preneur en l’espèce.
Enfin, le Juge sera amené à écarter des stipulations peu claires ou imprécises et il exigera que les dérogations invoquées par les parties soient expressément mentionnées dans le bail.