Le Conseil constitutionnel a retoqué un article du projet de loi pouvoir d'achat qui visait à légaliser l'utilisation de l'huile de friture usagée comme carburant, à la déception des écologistes qui avaient fait adopter la mesure. Julien Bayou, secrétaire national d'EELV, a dit mercredi à l'AFP contesté l'argument du Conseil constitutionnel qui a estimé que l'article en question n'avait rien à faire dans le texte voté, tout en acceptant qu'il était "souverain".
Pour l'heure, ce type d'utilisation des huiles usagées est interdit en France parce qu'elles ne font pas partie des carburants homologués, au contraire de certains pays d'Europe comme l'Allemagne. "J'avais inclus cet article à la suite d'un autre sur les aspects de la souveraineté énergétique mais le Sénat l'a déplacé ailleurs et enterré en demandant un rapport", a-t-il réagi, promettant de revenir à la charge "lors du Projet de loi finances en 2023, lors duquel le code des douanes peut être modifié".
Remplir le carburant du moteur de sa voiture avec de l'huile de cuisson ? Cette mesure avait été adoptée en première lecture vendredi 22 juillet dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d'achat, actuellement examiné au Sénat. À l'origine de cette proposition, Julien Bayou, chef du parti Europe Écologie les Verts (EELV).
Concrètement, l'amendement propose de donner la possibilité aux Français d'utiliser des huiles usagées comme alternatives au carburant pour certains types de voitures, le cas des anciens modèles diesel. L’idée est, de réutiliser l'huile de tournesol ou de colza usagée, la filtrer puis la décanter, pour enfin pouvoir la transformer en carburant. Mais jusque-là, l'utilisation de ces huiles usagées à cet effet était interdite aux particuliers et le restera pour l’instant avec cette décision du conseil constitutionnel.
C'est précisément dans l'autorisation pour les particuliers d'utiliser cette méthode que réside tout l'enjeu de l'amendement proposé par EELV. « Alors que le diesel dépasse les 2 euros le litre à la pompe, cette solution aurait permis tout à la fois de soulager immédiatement le porte-monnaie des Françaises et des Français, de limiter la pollution issue des moteurs diesel et de réduire la dépendance énergétique du pays », argument énoncé par Julien Bayou. Selon le texte de l'amendement, 10 litres d'huiles alimentaires usagées pourraient générer 8 litres de carburant.
Et si elle a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines, la proposition du député EELV n'avait pourtant rien d’excentrique. Elle avait fait d'ailleurs l'objet d'initiatives similaires déployées ces dernières années. En mai 2021, la compagnie Air France a vu décoller son premier avion doté de « carburant durable d'aviation », composé à 20% d'huile de cuisson. Depuis le 1er janvier 2022, les compagnies aériennes ont l'obligation d'utiliser au minimum 1 % de ce biocarburant.
Quelques années plus tôt, le groupe français Avril, situé dans l'Aube, annonçait la création d'un carburant 100 % composé d'huile de colza, destiné à faire rouler les camions et les bus. Des structures plus petites récupèrent par ailleurs des huiles usagées prévues à cet effet. Sur l'Ile d'Oléron, l'association Roule ma frite récolte près de 20.000 litres d'huiles alimentaires usagées (la plupart proviennent du secteur de la restauration) chaque année. Elle est même parvenue à obtenir une autorisation des douanes pour faire rouler quelques modes de transport, notamment un camion et du petit train touristique de Saint-Trojan-les-Bains, en Charente-Maritime.
Cette pratique est par ailleurs bien plus développée en Europe. Notamment en Belgique, où environ 20 % du biodiesel est fabriqué à partir des huiles de fritures en Europe. L'usage pour les particuliers y est d'ailleurs autorisé depuis longtemps.