
L'aménagement contractuel du risque environnemental
Par Shirley ARAZI
JURISTE / ENSEIGNANTE (depuis decembre 2007)
FORMALITES EXPRESS/ ECOLE ETS
Posté le: 17/06/2008 16
Dans les contrats opérant cession de terrain, une partie non négligeable est consacrée à la gestion du risque environnemental. En effet, les dispositions contractuelles permettent d’attester que les obligations d’information à la charge du vendeur ont été accomplies. Le contrat peut également contenir des clauses dont l’objet est de gérer le risque environnemental et de fixer les droits et obligations respectifs du vendeur et de l’acquéreur au regard de l’état du terrain cédé.
1) Les clauses d’informations :
Le contrat doit faire apparaître que le vendeur d’un terrain a respecté, à l’égard de l’acquéreur, les obligations d’information applicables issues du droit commun de la vente ou des dispositions législatives spécifiques figurant dans le code de l’environnement (V. article M. Boutonnet, le parcours jurisprudentiel de l’article L.514-20 du code de l’environnement, LJE, 02-06-2008)
En effet, en application de l’article L. 514-20 du code de l’environnement, dès lors qu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur le terrain vendu, l'acquéreur doit être informé par le vendeur, pour autant que ce dernier les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de cette exploitation (V. CA Paris 13-02-2003 SCI Clavel Pasteur, JCP G 2003. II. 10075, note F.G Trébulle). Les dangers et inconvénients visés sont en premier lieu ceux énumérés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement. Mais, il convient d'y inclure les intérêts protégés par l'article L. 211-1 du Code de l'environnement relatif à l'eau, les atteintes à la nappe phréatique relevant des dangers et inconvénients à porter à la connaissance de l'acquéreur.
Si la révélation de l'exploitation d'une installation classée soumise à autorisation fait l’objet d’une obligation de résultat (v. 3e civ., n°06-15.663, Sté Biscuiterie du nord: Env. 2007, comm. 158, M. Boutonnet- JCP N 2007, 1303, note O. Herrnberger), la divulgation des dangers et inconvénients résultant de ce type d’exploitation ne fait l’objet que d'une obligation de moyens. En outre, la qualité du vendeur est de nature à influer sur l'appréciation de sa connaissance du risque. En effet, si le vendeur exploitant est réputé sachant à l'égard des pollutions générées par sa propre activité, la situation est différente lorsque les inconvénients ou dangers résulteraient d'une exploitation classée antérieure dont il n'a pas poursuivi l'exploitation. Dans ce cas, et sauf circonstances exceptionnelles, le vendeur exploitant est alors dans la situation du vendeur non exploitant et non professionnel pour lequel on ne peut exiger une connaissance exhaustive de l'état de son terrain. C’est pourquoi, il lui suffit de communiquer à son acquéreur toutes les informations en sa possession susceptibles de révéler un éventuel danger ou inconvénient grave (Si cette obligation d’information n’est en principe réservée qu’au danger ou inconvénient résultant de l’exploitation d’une installation classée soumise à autorisation, elle s’imposera à tout vendeur en application de l’obligation générale d’information issue du droit commun des contrats).
Il est bien évident que dans la plupart des situations, le vendeur ne sera pas en mesure de fournir des informations pertinentes à l'acquéreur, notamment dans le cas de pollutions historiques demeurant invisibles aux yeux du profane. En toute hypothèse, le vendeur devra communiquer à l'acquéreur toutes les informations dont il dispose, spécialement celles de nature à induire l'existence d'un danger ou inconvénient.
2) Les clauses relatives à la gestion du risque environnemental :
Le vendeur et l’acquéreur peuvent, dans le cadre de négociations contractuelles, insérer dans la promesse et l’acte de vente des clauses relatives à la gestion du risque environnemental.
En effet, les clauses contractuelles peuvent définir les engagements respectifs du vendeur et de l’acquéreur dans trois situations principales.
a) En premier lieu, les clauses négociées par les parties peuvent concerner les relations directes entre le vendeur et l’acquéreur et fixer les conditions de prise en charge du passif environnemental, que celui-ci soit connu à la date de cession ou qu’il soit découvert postérieurement à la réalisation de la vente.
Les parties peuvent, à travers des clauses de garantie ou d’exclusion de garantie, déterminer la personne responsable de la prise en charge financière des travaux de dépollution qui seraient nécessaires. A titre d’exemple,le vendeur peut également consentir à l’acquéreur une clause de garantie de passif environnemental dont l’objet est de mettre à la charge du vendeur des faits de pollution qui seraient révélés postérieurement à la cession, mais dont l’origine est antérieure à celle-ci ; Les parties au contrat de vente peuvent également, choisir d’insérer, dans l’intérêt du vendeur, des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, dont l’objet est de laisser à la charge de l’acquéreur tout ou partie des conséquences liées à l’état de pollution du terrain concerné. Cependant, la validité d’une telle clause est subordonnée à deux conditions :
-tout d’abord le vendeur ne doit pas avoir, au moment de la vente, connaissance des vices affectant le bien vendu (Cassation, 3ème chambre Civile, 19 décembre 2001).
Par ailleurs, le vendeur ne doit pas présenter la qualité de professionnel ; en sa qualité de professionnel, il est en effet, réputé connaître les vices de la chose (pour un vice affectant le sol ou le sous-sol du terrain : Cassation, 3ème chambre Civile, 3 janvier 1984) .Une clause de non garantie est cependant licite lorsqu’elle est stipulée entre deux professionnels de même spécialité (Cassation. Commerciale 8 octobre 1973). Enfin, il est possible de stipuler au profit du vendeur, des clauses ayant pour objet de garantir ce dernier contre les conséquences qui résulteraient d’une utilisation du terrain différente de celle pour laquelle il a été cédé.
De manière générale, dans certaines cessions, le risque environnemental prend une importance telle qu’il conduit les parties à subordonner la réalisation de la vente à la condition suspensive de l’absence de découverte de pollution dans le sol ou le sous-sol du terrain concerné. La promesse de vente d’un terrain peut ainsi être accordée sous la condition suspensive, stipulée au profit du bénéficiaire de la promesse, de l’absence de pollution rendant le terrain impropre à sa destination.
b) En deuxième lieu, le contrat de vente peut comporter des clauses dont l’objet est de répartir la charge financière susceptible de résulter de dommages qui seraient occasionnés à des tiers du fait de l’état du terrain concerné.
Le vendeur et l’acquéreur peuvent s’entendre pour que le premier indemnise le second des conséquences liées aux éventuels dommages causés aux tiers qui seraient victimes de dommages liés à l’état du terrain et par laquelle l’acquéreur renonce, à ce titre, à exercer quelque réclamation que ce soit à l’encontre du vendeur. L’acquéreur peut également s’engager à garantir le vendeur en cas de recours exercé par les tiers.
c) En troisième et dernier lieu, lorsque le vendeur est débiteur de l’obligation légale de remise en état en application de la législation sur les installations classées, la promesse et l’acte de vente peuvent comporter des clauses dont l’objet est de couvrir les conséquences résultant de la mise en œuvre de cette obligation.
A titre d’exemple, les parties peuvent s’entendre pour que la charge financière de l’obligation de remise en état qui pèse sur le « vendeur dernier exploitant » soit transférée en tout ou partie sur l’acquéreur du terrain. Mais, une telle clause n’emporte en aucune façon le transfert de la qualité de débiteur de l’obligation de remise en état. Le débiteur de cette obligation demeure, en effet, le dernier exploitant et la convention conclue entre le vendeur et l’acquéreur, inopposable à l’administration n’est pas de nature à modifier la responsabilité du vendeur exploitant vis-à-vis de l’autorité préfectorale (CAA Nancy 27 septembre 2004).
Toutefois la portée de cette règle doit désormais être atténuée pour tirer les conséquences de l’article L.512-17 du code de l’environnement. En effet, en cas de changement d’usage après remise en état il appartiendra à celui qui est à l’initiative de ce changement de supporter la charge des mesures de dépollution complémentaires éventuelles (et non au dernier exploitant) et, dans ce cadre, le contrat de vente pourra effectivement constater cette nouvelle répartition des responsabilités.