L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la santé mentale comme une composante essentielle de la santé. Selon celle-ci, la santé mentale est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité mais se traduit par un « état de bien-être permettant de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie et de contribuer à la vie de sa communauté ». La santé mentale positive suppose donc le bien-être, l'épanouissement personnel, les ressources psychologiques et les capacités d'agir de l'individu dans ses rôles sociaux. Les problèmes de santé mentale sont associés aux éléments qui suivent: changement social rapide; conditions de travail éprouvantes; discrimination à l'égard des femmes; exclusion sociale; mode de vie malsain; risques de violence voire de mauvaise santé physique; violations des droits de l'homme. Plus de 500 troubles psychiques sont recensés. Une personne sur trois vivra un trouble psychique au cours sa vie (source : OMS). La santé mentale peut être dénaturée par des troubles, dont les troubles anxieux, la dépression, les troubles bipolaires ou la schizophrénie. Avec plus de 23 milliards d'euros par an, les dépenses remboursées dans le cadre de la détresse psychique et de maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires. Une personne sur cinq est impactée chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de Français. 64 % des français ont déjà ressenti un trouble ou une souffrance psychique et 30 % ont dans leur entourage une personne concernée par une souffrance psychique. Après les accidents de la route, le suicide est la deuxième cause de mortalité entre 10 et 25 ans. Dans le cadre de la santé mentale, le suicide représente la complication ultime d’un certain nombre de pathologies, comme les troubles de l’humeur (dépression, mélancolie) et les psychoses. Le risque suicidaire est fréquemment rencontré en pathologie mentale. Il importe de le prendre très au sérieux. Le suicide constitue un enjeu majeur de santé publique dans la mesure où il constitue une des causes de mortalité parmi les plus élevées, notamment dans certaines tranches d’âge ou certains types de population. Le taux de suicide en France est l'un des plus élevés des pays européens. Selon le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès de l'INSERM, la France a eu un taux moyen de suicide de 12,3 pour 100 000 habitants en 2017. Le taux de suicide est de 19,3 chez les hommes contre 6 seulement pour les femmes. Cela constitue un nombre total de 8 355 suicides sur l'année. Ce chiffre est en baisse régulière depuis le milieu des années 1980, où il dépassait 12 0001. Au plan international, selon le rapport sur le suicide de l'OMS en 2019, la France est classée au 75e rang sur 183 pays. La France a un taux moyen de suicide plus élevé que celui de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne ou du Royaume-Uni, mais derrière la Belgique, la Suède, la Finlande, l'Islande, les États-Unis ou les Pays de l'Est européen, y compris la Russie.
Le principal facteur de risque tient à la présence d’un trouble mental (troubles de l’humeur, psychose, troubles de la personnalité, dépendances, troubles du sommeil). La dépression se manifeste comme le trouble le plus représenté parmi les personnes suicidaires.
L’OCDE donne une définition du suicide. « Le taux de suicide est défini comme les décès consécutifs à un acte délibéré accompli par une personne qui en connaissait parfaitement ou en espérait l'issue fatale. »
A côté de cela, il existe les troubles anxieux. Les troubles anxieux sont les problèmes de santé mentale les plus répandus. Ce sont des peurs et/ou une anxiété anormales ou pathologiques.
L’anxiété « est une émotion souvent ressentie comme désagréable qui correspond à l’attente plus ou moins consciente d’un danger ou d’un problème à venir. L’anxiété est un phénomène normal, présent chez tous les individus. Elle peut cependant prendre un caractère excessif et pathologique dans différentes situations : on parlera alors de troubles anxieux. Les sujets souffrant de troubles anxieux sont envahis par ce sentiment d’inconfort ou de peur secondaire à une anticipation excessive d’éventuelles difficultés avant même que les problèmes ne soient survenus, ou avant même que le sujet ait repéré précisément ce qu’il redoute. Les psychiatres parlent parfois de « peur sans objet ».
Dans ce contexte, les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie se sont réunies les 27 et 28 septembre 2021 avec les professionnels de santé du secteur, les représentants des patients et de leurs familles, de même que des institutions et organismes publics et privés afin de dresser un état des lieux partagé de la prise en charge de la santé mentale des Français, de l’offre de soins en psychiatrie et de l’accompagnement. Cela a donné lieu à la circulaire du 23 février 2022 relative « aux actions de sensibilisation et de formation au secourisme en santé mentale dans la fonction publique » (Circulaire NOR : TFPF2133602C du 23 février 2022, publiée le 4 mars), qui vise à préciser les objectifs et les modalités de ce dispositif afin qu’il puisse être généralisé à l’initiative des employeurs public, sur la base du volontariat des agents.

Aussi il convient de voir ce qu’il ressort de cette circulaire et revenir à des normes qui régissent l’employeur en matière de protection de ses employés.

1. Des actions de sensibilisation et de formation au secourisme en santé mentale dans la fonction publique :

Le texte signé le 25 février dernier par les ministres Olivier Véran et Amélie de Montchalin transpose à la fonction publique et ses 5,7 millions d’agents un dispositif déployé depuis 2019 en France, au sein d’universités. Il s’agit de remédier à la détresse psychologique de certains agents publics. La formation de “secouristes en santé mentale” trouve son inspiration en Australie, où a été créé, en 2000, le programme des “Premiers secours en santé mentale”. Olivier Véran l’avait rappelé en janvier lors de son discours au Congrès de l’Encéphale: « La prévention de la souffrance psychique passe notamment par la solidarité. Le développement du programme des Premiers Secours en Santé Mentale y contribue et je tiens beaucoup au développement de ce dispositif qui a fait ses preuves à l’étranger et qui est également un très beau vecteur de sensibilisation ».
Il s’agit de développer une « culture de la prévention » et « lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques », accrue par la crise sanitaire. Le programme se base sur trois modules de durées différentes: sensibilisation (6 heures dont 2 en ligne), (cela pourra par exemple être des demi-journées d’information, notamment pour « faire connaître la santé mentale en tant qu’enjeu majeur de santé publique et de société », « déstigmatiser les troubles psychiques » et « communiquer des éléments essentiels sur comment préserver sa santé mentale »), formation généraliste (14 heures) et enfin formation complémentaire (24 à 35 heures) en direction d’agents désireux de devenir eux-mêmes formateurs. Ces trois actions ont vocation à démarrer en 2022. « Le secourisme en santé mentale vise à prévenir des situations de crise et orienter les personnes en situation de détresse psychique vers les professionnels de la santé mentale « ont indiqué les ministres. « Un dispositif, conçu sur le modèle des +gestes qui sauvent+, dont l’objectif est d’apporter une aide physique immédiate à la personne en difficulté, le secourisme en santé mentale vise à prévenir des situations de crises et orienter les personnes en situation de détresse psychique vers les professionnels de la santé mentale. Les secouristes ne sont pas habilités à réaliser des entretiens à visée psychothérapeutique. Ils sont formés pour pouvoir établir le dialogue avec une personne en souffrance, communiquer avec bienveillance, sans intrusion et d’égal à égal. »
Il s’agit de sensibiliser les agents volontaires à la santé mentale, leur permettre d’apporter les premiers secours et former des formateurs dans ce domaine. Ces trois actions complémentaires ont un socle commun : les enjeux de la santé mentale, les facteurs susceptibles de l’altérer, ceux qui la favorisent, ainsi que des notions générales sur des troubles psychiques. Le secourisme en santé mentale est à voir dans le sens d’une capacité à réagir à la détresse psychique d’une personne et à entrer en relation avec elle. Il se base sur l’intervention de pairs, qui ont reçu une formation au contenu validé et à l’efficacité démontrée, leur assurant d’appréhender la santé mentale et les troubles psychiques, d’identifier des signes de souffrance et d’effectuer un premier niveau de conseil, d’aide de proximité et de médiation vers les aides spécialisées et les soins. Il ne se substitue en rien à une prise en charge des personnes concernées par des professionnels de santé (médecine du travail, psychiatres, infirmiers, psychologues) ». Les médecins du travail doivent être associés à l’élaboration du projet de formation. Il s’agit uniquement d’une possibilité pour les professionnels de la prévention, des services d’assistance sociale et les membres des instances de dialogue social compétentes sur la santé et la sécurité au travail. Le gouvernement recommande d’organiser les actions de sensibilisation et la formation des secouristes au sein des administrations des trois versants de la fonction publique. Pour cela, il s’appuie sur le cadrage présenté aux annexes de cette circulaire, et sur des ressources existantes ou à élaborer (module en ligne, réalisation collective de panneaux d’information …).
Il conseille de créer et d’animer dans les collectivités territoriales et les établissements un réseau interne de secouristes en santé mentale pour fédérer et appuyer les personnes formées et leur permettre le cas échéant, de bénéficier d’un appui et de séances de débriefing par un formateur ou par un intervenant extérieur formé aux techniques de débriefing.
Chaque année, le bilan de ce dispositif sera réalisé afin d’évaluer la mise en œuvre de ces recommandations en matière de secourisme en santé mentale. Le bilan de chacune des trois actions sera établi à l’aide des outils de suivi mis à disposition sur le portail de la fonction publique : effectifs d’agents formés, nombre de sessions organisées, actions déployées (sensibilisation et/ou formation) avec leurs durées, constitution du réseau des secouristes et celui des formateurs internes.
Ils devront être transmis pour consolidation, pour la fonction publique territoriale, à la direction générale des collectivités locales et au CNFPT.

En somme, ce dispositif permet d’obtenir un outil qui pouvait manquer dans la mise en œuvre de règles existantes, notamment dans le code du travail, en matière risques psychosociaux.
Il rappelle la formation de sauveteur secouriste du travail (SST) qui a pour vocation de s'insérer dans la démarche plus globale de prévention des risques professionnels qui doit être mise en œuvre en entreprise comme les risques psychosociaux. Le salarié formé SST, est considéré comme un acteur de prévention dans son entreprise, au-delà de son rôle de secouriste. En effet, il peut repérer les situations dangereuses dans son entreprise et savoir à qui et comment relayer ces informations, participer à la mise en œuvre d’actions de prévention et de protection. D’ailleurs, l’article R 4224-15 du code du travail indique : « Un membre du personnel reçoit la formation de secouriste nécessaire pour donner les premiers secours en cas d'urgence dans : 1° Chaque atelier où sont accomplis des travaux dangereux ; 2° Chaque chantier employant vingt travailleurs au moins pendant plus de quinze jours où sont réalisés des travaux dangereux. Les travailleurs ainsi formés ne peuvent remplacer les infirmiers. » Tout employeur a l’obligation de mettre en place dans son entreprise, des moyens de secours adaptés. Aussi il convient de voir ce que dit le droit.


2. Les textes applicables dans le domaine des risques psychosociaux :

Depuis un décret du 05 novembre 2001, le document unique d’évaluation des risques professionnels est obligatoire dans toutes les entreprises, peu importe leur nombre de salariés, régi par l’article R4121-1 du Code du travail. Il demande à l’employeur d’archiver dans ce document les résultats d’une analyse des risques effectuée sur l’ensemble des processus, environnement de travail et activités de l’entreprise afin de prévenir d’éventuels Accidents du Travail (AT), Maladies Professionnelles (MP)
Il doit permettre d’identifier et de classer par niveau de gravité les risques auxquels sont soumis les salariés, ceci en vue de mettre en place des actions de prévention. On doit y trouver, défini par type de poste de travail ou unité de travail: l’identification des dangers, c’est-à-dire des causes capables de provoquer un dommage au salarié (lésion ou atteinte à la santé) ; l’évaluation des risques, à savoir en estimer la gravité et la probabilité d’apparition. Cela vous permet de distinguer les niveaux de priorité ; la détermination des mesures de prévention, existantes et à venir.
En matière de protection de la santé, l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de résultat relative à la protection de sa sécurité physique et mentale. Cette obligation implique de sa part le respect des principes généraux de prévention énoncés par les articles L4121-1 et suivants du code du travail. Cela vise le respect de la dignité de la personne : les dispositions du code du travail régissent les droits et obligations des parties engagées dans une relation contractuelle de travail, dans le respect des libertés individuelles et collectives, auxquelles il ne peut être apporté aucune restriction qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. Ces termes, énoncés par l’article L1121-1 du code du travail ci-dessous, définissent les « droits à la dignité » de la personne au travail. La question du harcèlement moral et les agissements de harcèlement sexuel s’y rattachent.
Les principes généraux de prévention trouvent aussi à s’appliquer sur la question du respect de la dignité de la personne.
Le rôle de l’employeur est de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de ses salariés. Au regard de l’article L 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des employés de sa société. Cet article concerne les obligations de l’employeur. Ces mesures prennent en compte les actions de prévention des risques professionnels, les actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés visant à assurer la sécurité des travailleurs d’une société. Pour garantir la protection de la santé physique et mentale des salariés, l’employeur veille à adapter les mesures de sécurité de manière à tenir compte du changement des circonstances et s’assure de l’amélioration des situations existantes.
Il a une obligation de sécurité de résultat. En plus de la visite médicale individuelle, la protection de la santé des salariés fait partie de la prévention des risques professionnels.
L’obligation de sécurité de l’employeur est tenue aux résultats. Il ne doit pas seulement diminuer les risques sanitaires et les accidents des salariés, il doit aussi les empêcher. L’employeur pourra être tenu responsable en cas d’accident ou de maladie due à des conditions de travail.
L'employeur prend de fait les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur s’assure de l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Au regard de l’article L. 4121-2 , l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants: éviter les risques; évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités; combattre les risques à la source; adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé; tenir compte de l'état d'évolution de la technique; remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux; planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral» (L. no 2012-954 du 6 août 2012) «et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 (L. no 2016-1088 du 8 août 2016, art. 5) «, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1»; prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle; donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Aussi, il s’agit d’inclure la formation « Premiers Secours en Santé Mentale » (PSSM) dans un plan d’action dans le sens de la norme ISO 45 001, article 6.2.2.

De fait, les PSSM constituent un outil pertinent et une valeur ajoutée au regard des problèmes de santé de la société française, du droit, des salariés, des employeurs et du coût. Ceci ne se limite pas au cadre professionnel. Comme avec le SST, il est possible d’utiliser ses compétences au quotidien.
Toutefois, on peut s’interroger au vu du nombre de secouristes formés en France.
D’après la Croix-Rouge française, 29 % de la population avait suivi un PSC1 (Prévention et secours civiques de niveau 1) en 2019 et un peu moins de la moitié du pays au moins une initiation aux gestes qui sauvent. Nous sommes donc très loin de l’objectif de 80 % de la nation qui mettrait la France au niveau des voisins européens et nécessiterait 3,5 millions de formations par an. Ces deux formations sont complémentaires et gagneraient à être diffusées. De même, il existe le Protocole National Israélien dit des "6C" est enseigné en Europe. Ce protocole de premiers soins d’urgences psychologiques assure de réduire les risques d’apparition de stress post-traumatique en cas de crises sanitaire, environnementale, d'accidents ou encore d'attentats. Dans le cadre du Protocole National Israélien dit des "6C », les formations durent deux jours et demi dont une journée de mises en situation. Les participants sont confrontés à des tentatives de suicide, accidents de voitures, manifestations violentes... Cela n’est qu’un début.