
La « relance » du photovoltaïque français
Par Laélien BURIDAN
Juriste ESQ
Cabinet SK & Partner
Posté le: 18/09/2011 13:23
Le moratoire de trois mois sur le solaire photovoltaïque étant terminé, il a fallu reconstruire une filière bouleversée, plusieurs milliers d’emplois étant encore directement menacés. La concertation organisée par le gouvernement français avec les acteurs de la filière a restructuré en profondeur le régime juridique des installations de production d’électricité à partir de l’énergie radiative du Soleil en instaurant un nouveau régime qu’il faudra apprivoiser.
Ce nouveau cadre de régulation s'articule autour de deux dispositifs : une obligation d'achat pour les installations sur bâtiments de moins de 100 kWc (I) et des appels d'offres pour les installations sur bâtiments de plus de 100 kWc et les centrales au sol (II).
I/ L’obligation d’achat
Le nouvel arrêté tarifaire pour l’électricité photovoltaïque a été publié au journal officiel le 5 mars 2011 et est entré en vigueur le 10 mars.
Il opère une baisse moyenne des tarifs d’achat d’environ 20 % par rapport à ceux fixés par l’arrêté du 31 août 2010.
Pour les installations d’une puissance inférieure à 100 kWc le dispositif comporte des tarifs pour chaque catégorie d’installation, ajustés (comprendre abaissés) chaque trimestre en fonction du volume de projets déposés au cours du trimestre précédent. A titre d’exemple, pour le premier trimestre (soit jusqu’au 30 juin 2011), le tarif de l’intégration simplifiée au bâti concernant des bâtiments ni résidentiels, ni d’enseignement ou de santé était fixé à 28,85 c€/kWh pour les installations d’une puissance comprise entre 36 kW et 100 kW (contre 37 c€/kWh précédemment). La baisse trimestrielle des tarifs rendra les financements difficiles pour ce type de projets, d’autant plus que le nouveau tarif trimestriel n’est connu que vers la fin du premier mois.
Les tarifs seront fixés lors de la demande de raccordement et la durée du contrat d’achat est de 20 ans. Cette durée peut être raccourcie si la mise en service de l’installation n’a pas lieu dans les 18 mois à compter de la date de demande complète de raccordement.
Enfin parmi les pièces à fournir lors de la demande de raccordement, il est désormais exigé pour les installations de puissance crête supérieure à 9 kW, soit une attestation d’un organisme bancaire soit une offre de prêt sur le financement nécessaire à la réalisation du projet. Cette exigence, réclamée très tôt dans le développement du projet risque de pénaliser les petits producteurs.
Pour les centrales au sol et les installations de plus de 100 kWc, il est également prévu un tarif (12 c€/kWh contre 27,6 c€/kWh précédemment) mais il n’a pas vocation à rentabiliser ces installations. Le gouvernement a en effet privilégié un autre mécanisme de soutien : la procédure d’appel d’offres. L’objectif des appels d’offres est de maîtriser le nombre de MW installés en fonction des objectifs annuels que le gouvernement s’est fixé.
II/ Les appels d’offres
Le décret 2011-757 du 28 juin 2011 modifiant le décret du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d’appel d’offres pour les installations de production d’électricité a été publié au Journal officiel de la République française.
Les conditions socioéconomiques et environnementales pourront désormais être prises en compte dans le cahier des charges des appels d’offres en plus des conditions économiques, financières et d’exploitation de l’installation et des caractéristiques énergétiques et techniques de l’installation.
De plus, le ministre en charge de l’énergie pourra également choisir entre la procédure actuelle, dite ordinaire (b), et une nouvelle procédure, dite accélérée (a).
a) La procédure accélérée
Elle concerne les parcs photovoltaïques entre 100 et 250 kWc font l’objet de la procédure dite accélérée ce qui permet de déposer sa candidature en ligne via un site dédié. Le rythme auquel sont organisés les appels d’offres (un par trimestre) nécessite en effet une procédure très rapide.
Elle se déroulera par voie électronique, ce qui permettra de raccourcir les délais relatifs tant à la rédaction du cahier des charges qu’à l’instruction des candidatures. La CRE disposera ainsi d’un délai de deux mois pour examiner les offres et les transmettre au ministre en charge de l’énergie.
La modification de la procédure existante permettrait l’inscription dans le cahier des charges d’obligations que les candidats s’engagent à respecter, en cas de sélection de leur candidature. Elle aurait également comme conséquence de rendre applicable un certain nombre de sanctions pécuniaires et administrative (retrait ou suspension de l'autorisation d'exploiter) prévues par la loi du 10 février 2000.
Le cahier des charges du premier « appel d'offres simplifié » lancé par le gouvernement, dans le cadre du nouveau cadre juridique pour la filière photovoltaïque, a été publié le 1er août 2011.
Il porte au total sur une puissance de 300 MW, avec 120 MW attribuée en mars-avril 2012 puis ensuite 30 MW pendant six trimestres consécutifs.
Le critère unique de l’appel d’offre est le prix du MWh proposé (qui devra être compris entre 150 et 300 €) ce qui signifie que le seul moyen d’être sélectionné est de proposer le prix le plus bas.
Les installations devront respecter les critères d’intégration simplifiée au bâti et avoir fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme au moment de la candidature. Seuls les projets nouveaux et ceux bénéficiant d’un contrat d’achat dans les conditions tarifaires définies dans l’arrêté du 4 mars 2011 pourront candidater. Les centrales devront être mises en service dans un délai de 18 à 24 mois suivant la durée des travaux de raccordement, à compter de la notification de la décision de développement.
Les fabricants de modules et autres supports photovoltaïques devront être certifiés ISO 9001 et ISO 14001 (ou équivalents). La récupération des panneaux en fin de vie est à la charge de l'exploitant, qui devra les confier à un organisme spécialisé dans le recyclage.
b) La procédure ordinaire
Elle concerne les installations sur les grandes toitures au-delà de 250kWc et les centrales au sol. Le cahier des charges du premier appel d'offres a été publié le 15 septembre.
L'appel d'offres porte sur une capacité totale de 450 MW et est ouvert jusqu'au 8 février 2012 pour des projets exploités d'ici 2014.
Il distingue trois familles d'installations (sur bâtiment, centrales au sol utilisant des technologies innovantes et centrales au sol utilisant des technologies matures), divisées en sept sous-familles.
La CRE attribuera une note sur trente points à chaque dossier, pondérée en fonction du prix d'achat demandé, du dossier d'évaluation des impacts environnementaux des risques industriels, de la faisabilité et du délai de réalisation et de la contribution à la R&D. Le critère prix reste cependant prépondérant (12 points sur 30).
Le gouvernement français met donc en place un régime juridique beaucoup plus contraignant et nettement moins attractif. Il est déjà prévu une refonte complète du système en 2012.