La place de l'unilatéralisme, qui met en exergue les conflits réels de lois applicables c’est-à-dire les cas dans lesquels deux ou plusieurs lois entendent régir une même situation et est de respecter mutuellement le champ d’application des lois tel que voulu par les états dans le droit international privé, est réduit aujourd’hui.

L’arrêt de la Chambre Civile 1ère de la Cour de Cassation française, rendu le 1 juin 2017 en est une illustration. Il s’inscrit dans une jurisprudence dense en traitant sur la problématique de la règle de conflit unilatérale dans l’article 309 du code civile.

En l’espèce, il s’agit d’un divorce prononcé en France entre les époux possédant la nationalité néerlandaise. Ce qui pose des problèmes sur la validité de l’application du droit français.

Suite à une demande du divorce des époux, la cour d'appel de Limoges rend un jugement en appliquant du droit français. Ainsi, le pourvoi en cassation dans l’intérêt de la loi, formé par le procureur général, se fonde sur un de plus fréquentes cas d’ouverture. Selon l’article 309 du code civil, quand les époux ont la nationalité FR ou domicile en FR ou quand aucune loi étrangère n'est compétente, alors loi du for s'applique. En l’espèce, les époux n'étaient pas de nationalité française et le mari était domicilié aux Pays-Bas, de sorte qu'il lui incombait de rechercher si une loi étrangère se reconnaissait compétence. Ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés qui a cité dans le visa de l’arrêt : l’article 3 et l’article 309 du Code Civil. La Cour de Cassation va retenir les griefs du pourvoi et, ensuite, va casser et annuler sans renvoi le jugement attaqué.

Dans cette arrêt, la difficulté de l’application du article 309 est comment décider si une autre loi étrangère se reconnaît compétente ou non et ce qu’il fait lorsque plusieurs lois étrangères se veulent applicables. Malgré que cette article existe encore, cette règle de conflit unilatérale ne s'applique plus en FR en matière de divorce car depuis quelques années, on applique un règlement européen Rome III pour cette catégorie.

Le problème c’est la raison de son existence et les difficultés soulevées. Pour répondre à ces questions, dans une première partie on se prononcera sur la fin d’une règle de conflit unilatérale par l’article 309 du code civile (I) pour, enfin, montrer les avantages et les inconvénients de la méthode unilatérale(II).


I. La fin d’une règle de conflit unilatérale
L’article 309 du code civil était jusqu’à présent applicable pour déterminer la compétence de la loi française pour régir un divorce international (B), c’est-à-dire un divorce présentant au moins un élément d’extranéité, en retenant différents critères de rattachement (A)


A. Les critères de rattachement de l’article 309 du code civil
La nationalité et le domicile des époux étaient les critères de rattachement de l’article 309 du Code civil. Il fallait que l’un et l’autre des époux aient soit la nationalité française, soit leur domicile sur le territoire français pour que la loi française régisse la divorce international en cause. En outre de ces critères, la loi française était compétente lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaissait compétence, alors que les tribunaux français étaient compétents pour connaître du divorce. Ainsi l’article 309 prévoyait une compétence de la loi du for.

L’articulation de ces critères de rattachement ne se faisait pas par défaut contrairement au mécanisme prévu par les jurisprudences Rivière et Tarwid. Ces critères étaient donc exclusifs les uns des autre, l’article 309 ne prévoyant aucune hiérarchisation entre les rattachements à la loi nationale française des époux, la loi du domicile français des époux et le rattachement à la loi du for français. Toutefois concernant ce dernier rattachement, il impliquait l’étude des lois de conflit étrangères pour déterminer leur incompétence afin de donner compétence à la loi française.

Le rattachement à la loi du for pour palier l’absence de loi applicable au divorce international en cause relevait d’une démarche louable et souhaitable mais qui pourtant dans la rédaction de l’article 309 couplée à son caractère unilatéral résonnait comme une fausse note dans la détermination de la loi applicable aux divorces internationaux.


B. Le caractère unilatéral de l’article 309
L’article 309 du Code civil n’avait pas vocation à déterminer la loi applicable au divorce international mais de déterminer seulement l’applicabilité de la loi française. Ce caractère unilatéral ressortait expressément de la lettre du texte puisque celui ci disposait que « Le divorce et la séparation du corps sont régis par la loi française lorsque (…) ». Ainsi l’article 309 n’avait pas à désigner une loi étrangère comme applicable au divorce.

Pourtant la désignation de la loi du for français applicable si aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente posait une difficulté ou une lacune de taille. En effet, si une loi étrangère se reconnaissait compétente pour connaître du divorce international en question, elle évinçait l’application de la loi du for français. Or, l’article 309 du code civil, par son caractère unilatéral ne prévoyait aucunement l’application de la loi étrangère se reconnaissant compétence. Alors, en suivant la lettre du texte, la règle de conflit française ne permettait pas d’appliquer la loi française et ne prévoyait pas l’application de la loi étrangère. Le palliatif à la lacune de loi applicable par la loi du for français s’en trouvait donc radicalement limité.

Si l’adoption du règlement Rome III remplace un instrument mal accordé, l’objectif d’harmonie des règles de conflit au sein de l’Union européenne n’est pas atteint par le règlement Rome III car le mécanisme de coopération renforcée ne permet pas, par nature, d’atteindre l’unisson.


II. Les avantages et les inconvénients de la méthode unilatérale
La règle de conflit unilatérale est une règle de droit international privé qui délimite le champ d’application international des règles matérielles du droit du for régissant un type de questions. Pour le comprendre mieux, il est nécessaire de parler ses avantages et ses inconvénients.


A.Les avantages de la méthode unilatérale
La méthode unilatérale se veut plus respectueuse de la cohérence des ordre juridiques. Elle présume qu'il y a un lien entre les normes matérielles d'un système juridique et les règles de droit international privé relatives à leur extension dans les relations internationales. Comme il appartient au législateur de définir les faits et les personnes auxquels s'applique sa loi, il lui appartiendrait de définir les conditions d'application internationale de celle-ci. La foi en un tel lien présuppose que la loi est façonnée en fonction de ses destinataires(nationaux ou étrangers, résidents ou non), lesquels en retour nourrissent des attentes sur son applicabilité. C'est la dimension sociologique des rapports de droit, dimension qui se manifeste aussi bien en droit interne qu'en droit international privé

Le raisonnement est cependant beaucoup plus convaincant dans des matières à forte résonance sociétale, tel le droit du divorce, ou le droit de l’adoption. Ces matières sont indiscutablement liées à l'état des moeurs dans une société donnée. En revanche, dans les matières plus techniques, les choix du droit matériel ne paraissent guère destinés à une population donnée. Le choix d' une règle unilatérale abrite alors des considérations plus politiques ou économiques.


B. Les inconvénients de la méthode unilatérale
La méthode unilatérale soulève aussi des difficultés de mise en oeuvre. Contrairement à l'idée parfois reçue, I'unilatéralisme n'implique pas nécessairement une posture nationaliste. La démarche unilatérale peut en effet conduire le juge du for à faire application de lois étrangères, mais à la condition de suivre leurs propres modes de désignation. Les règles du for sont en effet dépourvues de légitimité à fixer le champ d'application international des lois étrangères. C'est I'axiome sur lequel repose toute théorie unilatérale. C'est au droit international privé de I'ordre juridique étranger qu'il appartient de fixer le domaine d'application international de ses lois. En présence donc d'une situation relevant du domaine d'une loi étrangère, selon le droit international privé étranger, il peut en résulter des complications similaires à celles qui découlent de l'application d une loi étrangère sur désignation d'une règle de conflit bilatérale.

En outre, des difficultés spécifiques à la méthode unilatérale viennent s’ajouter. Il peut y avoir un conflit positif (ou cumul) si deux lois étrangères veulent s'appliquer à une même situation concrète. Il peut y avoir un conflit négatif (ou lacune) si aucune loi étrangère ne revendique sa compétence et que la loi du for ne se considère pas compétente. L'article 309 du Code civil résout le conflit négatif en posant une compétence subsidiaire de la loi du for(article 309, troisième alinéa). Dans l’hypothèse du conflit positif, en revanche,l’article 309 est silencieux.

Pour résoudre le conflit positif, plusieurs solutions ont été proposées par les auteurs unilatéraux, comme trancher en faveur du droit étranger qui utilise des critères de attachement proches de ceux de la règle du for, ou de la loi à laquelle la situation est le plus effectivement reliée. Aucune de ces solutions n'est d’ailleurs parfaitement cohérente avec les postulats théoriques de la méthode unilatérale, puisqu'elles aboutissent à conférer au droit du for le soin de décider de l'applicabilité du droit étranger.

Dans le cas des règles unilatérales issues du droit européen dérivé, la question est plus aisée à résoudre en raison de la vocation subsidiaire du droit national des états membres. À défaut d' applicabilité des règles européennes unilatérales, il doit être fait application des règles de droit commun. Il en va de même des règles unilatérales qui ne s'attachent qu' aux effets de situations créées sur le territoire du fors en prévoyant d’autres solutions pour les situations créées à l’étranger.