Avant que n’intervienne la directive du 25 juillet 1985, en cas de lien contractuel avec un producteur, une victime d’un produit défectueux peuvent se prévaloir de plusieurs fondements offerts par le droit français comme la garantie des vices cachés, la responsabilité pour défaut de sécurité, la responsabilité pour défaut d'information, et la garantie de la conformité, pour demander l’indemnisation de  son  dommage à ce producteur. Elsa Berry, maître de conférences à la Faculté de droit et des sciences sociales de l’Université de Poitiers, dans son rapport français l’articulation de la responsabilité du fait des produits défectueux et des autres régimes de responsabilité explique que selon elle, “au lendemain de la transposition de la directive en droit français par la loi du 19 mai 1998, il a fallu envisager l’articulation de ce nouveau droit de la responsabilité du fait des produits défectueux avec les régimes de responsabilité existant antérieurement en droit français.” C'est ainsi l’articulation entre la responsabilité du fait des produits défectueux et la responsabilité contractuelle de droit commun sur laquelle se prononce la première chambre civile de la cour de cassation dans son arrêt rendu le 9 décembre 2020.

En l’espèce, une société d’exploitation viticole achète du matériel agricole, mais quand le gérant de cette société l’utilise, il se fait grièvement blessé. Le gérant et sa société s’estimant lésés, assignèrent le fabricant en référé en réparation de son dommage corporel ainsi que de ses préjudices économiques dûs à la perte d’exploitation et du non-remplacement du matériel litigieux sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil. Les demandeurs ont également sollicité la résolution judiciaire du contrat de vente pour défaut de conformité du matériel. Cette action fut accueillie par le Cour d'appel de Reims, le 18 juin 2019, ayant débouté le vigneron et sa société de leur demande fondée sur le fondement du défaut de conformité et ayant confirmé l'indemnisation partielle pour le vigneron sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. La société du vigneron, estimant les juges mal fondés, se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Il prétend en effet, que les juges ne pouvaient rejeter sa demande de réparation du préjudice économique à cause de la perte d’exploitation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux et aussi de fourniture d’une machine de remplacement, puisque ils devaient accéder à sa demande en résolution de la vente au motif que « le défaut de conformité allégué, tenant à la sécurité du produit ne comporte aucun lien de causalité avec les dommages dont la société poursuit la réparation, en lien avec les avaries ».

Il s'agit donc pour la cour de cassation de savoir si le régime de cette loi spéciale relative aux produits défectueux exclue toute possibilité de réparer des préjudices consécutifs à la défectuosité du bien lui-même et une victime d’un défaut de conformité du produit peut demander la résolution du contrat consécutivement à son action en responsabilité du fait des produits défectueux.

Dans un arrêt en date du 9 décembre 2020, le première chambre de la Cour de cassation décide de d’abord rejeter en fonction du fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du Code civil le pourvoi et de approuver l’arrêt de la Cour d’appel, celle-ci ayant “exactement déduit que la perte d’exploitation et l’absence de fourniture de machine de remplacement invoquée par la société viticole étaient consécutives à l’atteinte au matériel en cause et n’étaient pas indemnisables ” et d’ailleurs, en vertu de l’ancien article 1386-2, devenu article 1245-1, et de l’ancien article 1184 du Code civil, de prononcer la cassation du jugement qui est le refus de l’action en résolution d’une vente pour manquement à l’obligation de délivrance conforme.

La solution rappelée par la cour de cassation dans cet arrêt est vraiment une innovation de notre droit. Néanmoins cet arrêt présente quelques intérêts majeurs. Tout d'abord il rappelle que provoqués par la défectuosité du produit lui-même, les préjudices économiques subis ne peuvent pas être indemnisables sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. Ensuite d’après cet arrêt, c’est le première fois pour la Haute juridiction de prendre cette position sur la possibilité du cumul de l’action en responsabilité du fait des produits défectueux et de l’action en résolution pour défaut de délivrance conforme semble possible.

C'est pour ces différentes raisons que nous verrons tout d'abord l'absence de faute lourde comme fondement de la décision de cassation, avant de préciser le caractère discutable de cette cassation.


(I) La résolution du contrat et responsabilité du fait des produits défectueux
Dans un arrêt du 9 décembre 2020, la Cour de cassation explique l'impossibilité de la réparation des préjudices économiques consécutifs à la défectuosité du bien lui-même (A) et la résolution du contrat de vente en cas de non-conformité du produit (B).


A.L’exclusion de la réparation des préjudices économiques consécutifs
La responsabilité des produits défectueux, une responsabilité sans faute et de plein droit, résulte de la directive communautaire du 25 juillet 1985, transposée en droit français par la loi du 19 mai 1998. Cette directive donne définit un produit défectueux comme celui qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, par exemple une voiture avec des freins qui ne fonctionne pas. II ressort de l'article 1386-9, devenu 1245-8 du Code civil que pour engager la responsabilité du fait des produits défectueux : « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».

Parmi ces trois conditions, les dommages pris en compte par l'article 1386-2, devenu 1245-1 du Code civil sont ceux qui résultent d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, excluant ainsi les dommages immatériels et les préjudices économiques découlant d’une atteinte au produit défectueux. Quant aux dommages matériels, le législateur français est intervenu pour répondre à la condamnation de la Cour de justice des communautés européennes. Désormais, leur réparation a lieu déduction faite d'une franchise de 500 €, portant ainsi une dérogation au principe de la réparation intégrale.

Par conséquent, ce régime de responsabilité sur le fondement des articles 1245 et suivants du Code civil ne s'applique pas à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte au produit défectueux lui-même et aux préjudices économiques découlant de cette atteinte. En fait, les juges français ont expliqué plusieurs fois cette limite au champ d’application de cette loi spéciale d’indemnisation dans ses jurisprudences, ce qui se conforme au souhait du législateur.


B.La résolution de la vente pour défaut de conformité du produit
Le régime de responsabilité pour défaut de conformité du bien au contrat a été intégré dans le Code de la consommation par l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 200524 tendant à la transposition de la directive n°99/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et de la garantie des biens de consommation. Aux termes de l'article L. 211-4 du Code de la consommation, le vendeur est « tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité ». C’est-à-dire, la conformité du produit au contrat exige que le bien doit s'accorder avec l'usage habituellement attendu d'un bien semblable ou les demandes satisfaire aux conditions requises par le contrat, sinon selon des articles L. 211-9 et L. 211-10 du Code de la consommation, l’acheteur peut demander la résolution du contrat ou la réduction du prix.

En effet, il ressort de cet arrêt que l’action en résolution d’une vente pour manquement à l’obligation de délivrance conforme ne tend pas à la même finalité que l’action en responsabilité du fait des produits défectueux. Par conséquent, une telle action en résolution du contrat n’est soumise à aucune des dispositions de la directive précitée et de la loi du 19 mai 1998 qui l’a transposée.


II) Le caractère discutable de la décision de cassation
Le raisonnement du juge du fond est en fait évolué en matière de l’articulation des les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux avec la responsabilité contractuelle de droit commun(A) et en même temps nous amène à examiner son caractère flou de la décision de cassation(B).


A.Le possible cumul des actions en résolution du contrat pour défaut de délivrance conforme et en responsabilité du fait des produits défectueux
L’article 1245-17 du Code civil prévoit que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux “ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité”.

En 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que la responsabilité du fait des produits défectueux exclut seulement l’application d’un régime de responsabilité reposant sur le même fondement que celui mis en place par la directive du 25 juillet 1985 (CJCE, 25 avril 2002, C-183/00), donc à ce moment-là, la responsabilité du fait des produits défectueux peut être cumulé avec la responsabilité contractuelle et délictuelle pour faute ou la garantie des vices cachés (Cass.1re civ., 17 mars 2016, n° 13-18.876).

En l’espèce, la Cour de cassation confirme la résolution de la vente pour défaut de conformité du produit, c’est ainsi d’après cet arrêt, il semble possible de considérer qu’un acheteur peut agir à la fois sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et sur celui de la responsabilité contractuelle pour défaut de délivrance conforme. Si cette interprétation était confirmée, il est vraiment une grande évolution dans la domaine de l’articulation des les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux avec la responsabilité contractuelle de droit commun, parce que c’est la première fois pour la juridiction de cumuler l’action en responsabilité du fait des produits défectueux et de l’action en résolution pour défaut de délivrance conforme.


B. L’effacement de la décision rendue par la Cour
La solution retenue par la Cour de cassation en l’espèce peut être interprétée au point de vue d’une autre angle et elle est que la question du cumul ne se posait pas, car le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n’était pas applicable à l’action formée par la société viticole. En effet, la responsabilité du fait des produits défectueux, comme prévu par la directive et exclusive de tout autre régime dans son champ d’application, peut parfois porte atteinte à la victime, notamment eu égard aux délais dans lesquels est enfermée l’action. Il est ainsi probable que la concentration de la responsabilité des intervenants dans la chaîne de fabrication et de commercialisation du produit défectueux et la limitation dans le temps de celle-ci, incitent les victimes à demander réparation à d’autres personnes, prestataires de services, autorités ou autres sur d’autres fondements.

Quoi qu’il en soit, la Cour paraît revenir à cette question du cumul des actions pour y répondre dans un sens favorable et nous pouvons s'attendre à son évolution future.