
Arrêt "Société GDF Suez" du Conseil d'Etat du 18 juillet 2011
Par Sophie KARANIAN
Juriste en droit de la sécurité et des risques
CEA Saclay
Posté le: 09/09/2011 22:39
Par un arrêté du 2 février 2010, le maire de la ville de Nîmes a mis en demeure la société GDF Suez de procéder, dans un délai de 2 mois, à l’excavation des sols pollués, par les hydrocarbures de la société, sur le site de l’ancienne usine à gaz de la ville sur le fondement de l’article L. 541-3 du code de l’environnement. En effet, selon cet article, « lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. ».
La société GDF Suez a alors saisi le juge des référés d’une demande de suspension de cet arrêté. Le juge des référés a répondu à la demande de la société et a suspendu, par ordonnance, l’arrêté. Pour cela il applique l’article 2, de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, aux termes duquel « les terres polluées non excavées ne constituent pas des déchets ». Ainsi, le maire ne pouvait tirer sa compétence des dispositions de l’article L. 541-3, précité, au motif que les terres polluées non excavées ne constituent pas des déchets.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat précise que ces dispositions du code de l’environnement transposent la directive 75/442/CEE, du 15 juillet 1975, modifiée ensuite par la directive 2006/12/CEE, du 5 avril 2006, relative aux déchets. Les sols pollués non excavés sont certes compris dans le champ d’application de ces textes mais tel n’est plus le cas depuis que la directive du 5 avril 2006 a été abrogée par la directive 2008/98/CE précitée.
Le délai de la directive 2008/98/CE, précitée, n’étant pas expiré, ses dispositions ne peuvent être invoquées à l’appui de la requête de la société GDF Suez « dès lors qu’à la date à laquelle a été pris l’arrêté de mise en demeure contesté, qui présente le caractère d’une décision individuelle, cette dernière directive n’avait pas été transposée et que le délai de transposition (…) n’était pas expiré ».
Le principe posé par l’arrêt « Perreux » selon lequel, tout justiciable a le droit de se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires, n’est donc pas applicable en l’espèce (CE, 30 oct. 2009, n° 298348).
Le juge des référés aurait ainsi dû appliquer les dispositions de la directive 2006/12/CE, du 5 avril 2006 relative aux déchets, et qualifier les sols pollués par les hydrocarbures de la société GDF Suez de déchets aux motifs qu’ils « ne sont pas séparables des terres qu’ils ont polluées et ne peuvent être valorisés ou éliminés que si ces terres font également l’objet des opérations nécessaires de décontamination et alors même que ces terres ne sont pas excavées. ».