Conseil d’État, 4 août 2021, Association les amis de la Terre, France et autres, n°428409

Le Conseil d’État condamne l’État à payer 10 millions d’euros d’astreinte. Cette somme est due au titre de l’insuffisance des mesures prises par l’État pour réduire la pollution de l’air dans certaines zones en France. Cette astreinte est la conséquence de l’insuffisance de l’action du Gouvernement en dépit de plusieurs ordonnances de référé dont une du 10 juillet 2020 où le Conseil d’État ordonnait au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. L’astreinte pour le 1er semestre sera répartie entre différentes associations et établissements œuvrant en faveur de l’environnement dont, 100 000 euros à l’association Les Amis de la Terre, 3,3 millions d’euros à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), 2,5 millions d’euros au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), 2 millions d’euros à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, 1 million d’euros à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), et 1,1 millions d’euros à des associations agréées appartenant au réseau Atmo France.
Saisi par une association de défense de l’environnement, le Conseil d’État avait ordonné le 12 juillet 20171 au Gouvernement de mettre en œuvre des plans pour réduire dans le délai le plus court possible les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France, afin de se conformer aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air, qui fixe des valeurs limites à ne pas dépasser pour ces concentrations. Constatant, le 10 juillet 20202, que les valeurs limites étaient toujours dépassées dans 8 zones et que l’État n’avait pas pris toutes les mesures permettant d’assurer l’exécution de la décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’État lui a ordonné de prendre les mesures nécessaires dans un délai de six mois, sous peine, à l’expiration de ce délai, de se voir infliger une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Après avoir reçu les éléments transmis par le Gouvernement pour justifier son action ainsi que les observations des associations requérantes, le Conseil d’État a tenu une audience publique le 12 juillet dernier. Il a rendu sa décision aujourd’hui.

Les seuils limites de pollution de l’air sont toujours dépassés dans 5 zones

Par la décision de ce jour, le Conseil d’État constate que, depuis sa décision de juillet 2020, les nouvelles données transmises montrent que les seuils limites sont toujours dépassés dans plusieurs zones et que des actions supplémentaires restent donc nécessaires. En 2019, 5 zones ont encore enregistré un taux de dioxyde d’azote supérieur aux seuils limites (Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble) et une concernant les particules fines (Paris). Les données provisoires fournies par les parties pour 2020 indiquent que les dépassements persistent pour Paris et Lyon et que les taux ne sont que légèrement inférieurs aux seuils limites pour les trois autres zones, alors même que plusieurs sources de pollution, notamment la circulation routière, ont été très fortement diminuées avec les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire.

Les mesures prises ne permettront pas d’améliorer la qualité de l’air dans le délai le plus court possible

Le Gouvernement a indiqué avoir pris plusieurs mesures de réduction de la pollution de l’air depuis juillet 2020 : lancement d’une procédure d’évaluation des politiques publiques en matière de qualité de l’air, instauration de nouvelles zones à faible émission (ZFE), encouragements à la conversion du parc automobile national vers des véhicules moins polluants, interdiction progressive des chaudières à gaz ou à fioul…

Si le Conseil d’État estime que ces mesures devraient avoir des effets positifs sur la qualité de l’air, il relève que des interrogations demeurent pour plusieurs d’entre-elles sur leurs effets concernant le retour sous les valeurs limites comme sur le délai de ce retour. Le Conseil d’État relève en outre qu’aucun nouveau plan de protection de l’air n’a été adopté pour les zones concernées, alors que ces plans constituent aujourd’hui un outil connu et adapté pour préciser les actions à mener et évaluer dans quel calendrier elles permettront de repasser sous les valeurs limites.

Pour ces raisons, le Conseil d'État juge que, malgré les mesures prises et en dépit d’une réelle amélioration de la situation dans plusieurs régions en dépassement, les mesures prises par le Gouvernement ne sont pas suffisantes pour considérer que sa décision de 2017 est pleinement exécutée.