Le tribunal judiciaire de Nanterre s’est déclaré compétent pour trancher un litige lié au devoir de vigilance du groupe Total.
En l’espèce, la Société Total avait publié le 15 mars 2018 son premier plan de vigilance inséré dans son document de référence pour l’année 2017. Le plan publié fut dénoncé par quatorze collectivités territoriales et cinq associations françaises pour défaut d’insuffisance en matière de risques d’atteintes graves au système climatique directement induits par ses activités. Après de longues discussions sans accord entre les différentes parties, les quatorze collectivités et cinq associations mettent en demeure cette la société de respecter les obligations édictées par l’article L225-102-41 du code de commerce en publiant dans un délai de trois mois un nouveau plan de vigilance conforme aux exigences légales. Les plaignantes vont ensuite assigner ladite Société devant le tribunal judiciaire de Nanterre dont la Société Total soulève l’incompétence.
Différents fondements peuvent être retenus, issus de l’appréciation du juge de l’exception d’incompétence soulevée par la Société Total :
Les précisions du rapport n°2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la république sur la proposition de loi n°2578, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Il ressort de celui-ci que « le plan de vigilance est rendu public et annexé au rapport mentionné à l’article L225-102 du code de commerce. Toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut demander, éventuellement en référé, à la juridiction civile ou commerciale d’enjoindre à la société d’établir le plan de vigilance, d’en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en ouvre ».
L’article L211-3 et 4 du code de l’organisation judiciaire : le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction, et à compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements. Le juge précise que le tribunal judiciaire a plénitude de juridiction lorsqu’aucune juridiction n’a été expressément désignée pour en connaitre le litige et quant au tribunal de commerce, il est une juridiction d’exception donc compétent que pour les litiges dont il explicitement désigné.
L’article L721-3 du code de commerce : les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçant, entre établissements de crédit, entre les sociétés de financement ou entre eux ; celles relatives aux sociétés commerciales et celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. De nombreuses appréciations ont été faites par le juge sur le fondement de cette disposition. D’abord que les collectivités territoriales et les associations ne sont pas de commerce. Ensuite, le litige en question n’existe pas entre commerçants. Et, enfin, contrairement à ce que soutient la société Total, le plan de vigilance n’est pas un acte de commerce par la forme. Il n’est pas non plus un acte de commerce par nature défini aux articles L110- 1 et 2 du Code de commerce. Celui est un acte unilatéral légalement obligatoire et de nature civile.
Ainsi, à la lumière de tout ce qui précède que le juge de la mise en état retiendra que « la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l’absence de prévision d’une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l’engagement direct de la responsabilité sociale de la SE Total très au-delà du lien effectivement avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesse fondent à leur bénéfice un droit d’option, qu’elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu’elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce ».
En conséquence, le juge judiciaire est donc compétent pour connaitre les litiges relatifs à l’appréciation du plan de vigilance d’une société commerciale.