« Quand le puits est sec, on connaît la valeur de l'eau », disait Benjamin Franklin en 1774, mais, comme l'ajoute ironiquement Robert Glennon dans son livre Unquenchable publié en 2009, « [Benjamin Franklin] avait tort. Aux États-Unis, nous ne parvenons absolument pas à apprécier la valeur de l'eau, même lorsque nous en manquons' ». Dix ans plus tard, il semble que cette remarque soit plus avérée que jamais, car la quantité d'eau souterraine et de surface disponible dans l’Etat d’Arizona diminue massivement chaque année. Si les niveaux d'eau descendent sous certains seuils déterminés par les scientifiques, la situation pourrait s'avérer irréversible et la délocalisation la population dans les prochaines années inévitable.

Pourtant, la situation semble déjà mieux maîtrisée que dans certains autres États : Le riche voisin de l'Arizona, la Californie, a voté dans un contexte d'urgence sa première loi sur la gestion durable des eaux souterraines en 2014, plus de trente ans après l'une de ses principales inspiratrices, la loi sur la gestion des eaux souterraines de l'Arizona de 1980 : Groundwater Manegement Act. L'État d'Arizona a en effet fêté en 2020 le 40ème anniversaire de cette politique de gestion de l'eau alors avant-gardiste, qui a posé la pierre angulaire de quarante années de coopération entre les différents acteurs impliqués dans la régulation des droits d'eau sur son territoire.

Connu pour ses mesures innovantes, comme ses règles d’approvisionnement en eau, le Groundwater Management Act a aussi radicalement redessiné le domaine de l'agriculture irriguée avec la mise en place des « droits acquis » (grandfathered rights). Ce système limite les droits de pompage des eaux souterraines aux droits historiquement acquis afin de sécuriser les usages de l'agriculture irriguée des années 1980. Cette norme « gèle » ainsi la règle du « first in place, first in right » de la doctrine de l'appropriation antérieure qui dispose que la première personne utiliser l'eau ou à la détourner pour une utilisation ou un but bénéfique, peut acquérir des droits individuels sur la ressource. Cet acte a donc pour effet de limiter l’accès à l’eau aux droits historiques, et d’empêcher la mise en irrigation de nouveaux espaces.

Cette politique de gestion a cartographié les zones présentant un risque d’approvisionnement en eau : les zones de gestion active (Active Mangement Areas - AMAs) et les zones dites de non-expansion de l'irrigation (Irrigation Non-Expansion Areas - INAs). Les AMAs sont les zones les plus règlementées et sont au nombre de 5 comprenant Phoenix, Prescott, Pinal, Tucson, et Santa Cruz. Dans les zones dites de non-expansion de l'irrigation l'agriculture irriguée est limitée aux zones cultivées existantes. Depuis lors, aucune nouvelle terre ne peut être mise en production agricole dans ces zones géographiques.

Cependant certaines zones situées à l'extérieur des AMAs et des INAs ont été "oubliées" dans la loi originale sur la gestion des eaux souterraines, qui se concentre uniquement sur les zones urbaines, bien trop dépendantes de leurs réserves issues des nappes phréatiques. Les zones laissées de côté sont toujours libres de toute réglementation concernant le pompage de l'eau et cette lacune juridique créé non seulement une véritable distorsion de concurrence pour les agriculteurs, mais également une faille dans la gestion des eaux souterraines.