Le devoir de vigilance est devenu beaucoup plus clair dans la législation française et a été l'une des pierres angulaires de la RSE après l'effondrement de l'immeuble du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, qui comprenait des ateliers de confection textile, et qui a fait près de 1 138 victimes, toutes travaillant pour des sous-traitants de grandes marques de vêtements. En réponse à cette tragédie, de nombreuses lois ont été mises en place pour sanctionner et rendre les entreprises responsables des conséquences dangereuses de leurs actions sur les personnes et l'environnement, tout au long de leur chaîne de valeur, dont la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance dans les chaînes d'approvisionnement mondiales

Également connue sous le nom de loi « Rana Plaza », qui attire notre attention et présente un intérêt particulier pour les entreprises du secteur de la mode, par son champ d'application transnational très large. En effet, les entreprises du secteur textile doivent prendre en compte dans leur arbitrage la localisation de la production, sa délocalisation, l'établissement de sa chaîne de valeur en choisissant d'acheter ou non un produit fini. Souvent les entreprises donneuses d'ordre ont peu de visibilité sur la chaîne de production et la loi du 27 mars 2017 en leur imposant un devoir de vigilance les oblige également à prendre en compte l'impact environnemental de leurs filiales et même, en allant plus loin, des sous-traitants et fournisseurs qu'elles engagent.

Face à la mondialisation et globalisés tels que le réchauffement climatique, l'acidification des océans, la pollution des sols de l'air, il est nécessaire d'établir une réponse qui puisse, tout en respectant le paradigme de la souveraineté, aller « au-delà des frontières ". Cette nouvelle législation permet ainsi d'enclencher un cercle vertueux grâce à la menace qui pèse sur les sociétés mères si leur responsabilité est engagée. Elle permet ainsi de construire une véritable responsabilité des entreprises transnationales, basée sur les risques créés par l'activité économique mondiale. Ces dispositions ont également la conséquence de simplifier la responsabilité des sociétés mères en France pour les victimes, limitant ainsi considérablement les risques de « law shopping » et de « forum shopping », stratégies propres aux sociétés transnationales.

Il est également intéressant de se demander ce qui se serait passé si ces dispositions de cette loi Rana Plaza avaient été mises en en place avant le drame. Le devoir de vigilance est en effet imposé aux sociétés mères, à savoir « Toute société qui emploie (...) au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est situé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est situé sur le territoire français ou à l'étranger ». Toutefois, il convient de noter que ces seuils auraient rendu les dispositions inapplicables pour la plupart des entreprises impliquées dans le drame, dont les effectifs réduits ne permettaient pas de les qualifier de « sociétés mères » et donc de leur imposer le devoir de vigilance. Ce paradoxe est assez troublant et soulève de réelles questions quant à la responsabilité des multinationales non visées par la loi du 27 mars 2017.