Malgré ses nombreux points forts et son caractère novateur, nous devons observer certaines limites dans les mécanismes du règlement REACH. Il convient de rappeler ici que les obligations de REACH pèsent avant tout sur les Etats membres de l'Union européenne, dont la mission est de veiller au respect des dispositions par les acteurs privés. La flexibilité et la cohérence du contrôle étatique auront donc un impact majeur sur le respect et la mise en œuvre du règlement par les entreprises.

Olivia Hottat, avocate confirmée, distingue la réglementation au sens où l'État assure des services publics, de la réglementation simple dans laquelle l'État ne joue qu'un rôle de contrôle du respect des principaux intérêts publics. Selon elle, REACH appartiendrait à la seconde catégorie, qui se traduit par un déclin du caractère impératif des normes et la multiplication de règles obligatoires mais non contraignantes, leur respect reposant principalement sur des mécanismes de persuasion et d'incitation.

En premier lieu, le règlement semble ne pas faire de distinction entre la personne qui agit et celle qui est soumise aux normes. Ainsi, toute personne devient responsable et l'on passe d'une responsabilité fondée sur la faute à une responsabilité fondée sur le risque. Il devient également difficile de faire une distinction claire entre le producteur de la norme et son destinataire ou celui qui est censé l'appliquer. Les obligations n’étant plus imposées par un organisme extérieur et devenant l'expression d'une responsabilité collective de groupe, leur irrespect ne peux plus être sanctionnées par la coercition. On assiste donc à une substitution de la sanction par un mécanisme de coopération. En effet, si l'initiateur et le destinataire de la norme sont une seule et même personne, il serait assez étonnant que le producteur se sanctionne lui-même. Le règlement REACH semble donc, malgré la volonté d'harmonisation du législateur, s'exprimer sous la forme d'orientations et de normes incitatives plutôt que sous une forme contraignante.

En pratique, et malgré l'ambiguïté juridique du règlement, les autorités françaises ont tenté de mettre en place différents contrôles, qu'elles résument dans une circulaire interministérielle (DGPR/DGCCRF/DGT/DGS/DGDDI du 14 mars 2012 relative aux contrôles des substances et produits chimiques). Plus de 7 500 contrôles ont été effectués auprès d'importateurs, de fabricants, de distributeurs et d'utilisateurs de produits chimiques. Ils ont permis de vérifier la conformité avec le règlement REACH concernant l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques. Afin de vérifier la conformité concernant l'interdiction de fabrication, d'importation et d'utilisation de certains produits pour certains usages, 1 400 contrôles ont été effectués pour rechercher des traces de certains phtalates, solvants et nickel (notamment dans les bijoux). En raison de l'obligation pour toutes les entreprises qui fabriquent ou importent des produits chimiques en quantités plus d'une tonne par an, de se faire enregistrer auprès de l'Agence européenne des produits chimiques, de nombreuses inspections ainsi ont été effectuées.