Le juge administratif et l’étude d’impact environnemental relative à un projet de parc éolien terrestre.
Par Yacine Benarab
Posté le: 30/08/2021 13:50
Aux termes de l’article L.122-1 III du Code de l’environnement (C. env.) « L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage ». En matière de parc éolien terrestre, relevant d’un régime d’autorisation « au cas par cas », le Code de l’environnement (art. R.122-2 et R.122-3) et la jurisprudence administrative, notamment l’avis du Conseil d’État du 6 avril 2016, fondent le caractère obligatoire de la production, par le maître d’œuvre, d’une telle étude d’impact. Néanmoins, cette obligation ne revêt par un caractère général, son opportunité étant réservée à l’autorité environnementale compétente. Au surplus, le sort réservé à l’étude d’impact elle- même semble fluctuant. En effet, une tendance jurisprudentielle semble émerger et tend à indiquer que le juge administratif, dès lors qu’il est saisi d’une contestation de la validité de la décision administrative d’autorisation d’un parc éolien n’accorde à la substance de l’étude d’impact qu’une importance relative.
Or malgré la prise de conscience très récentes des enjeux de préservation de l’environnement, le juge administratif s’obstine à appliquer des principes anciens à des enjeux nouveaux.
Cette dissertation tend à démontrer que malgré l’importance relative accordée à la substance de l’étude d’impact par le juge administratif (I), il n’en demeure pas moins que ce dernier tente de préserver les prérogatives de l’administration en matière d’aménagement de l’espace, notamment en protégeant ses décisions en matière de dispense d’étude d’impact (II).
I. Une importance relative accordée à l’étude d’impact
Si la jurisprudence administrative semble mettre en œuvre des moyens visant à obtenir des études d’impact exhaustives, du moins suffisantes (A), il n’en reste pas moins que la
portée de l’étude d’impact n’est que limitée en ce qui concerne son rôle dans le contrôle de la légalité des décisions administratives portant autorisation de la construction de parcs éoliens terrestres (B).
A) Les critères d’appréciation de la complétude de l’étude d’impact
En application des dispositions de l’article L.122-1 du Code de l’environnement, doivent figurer dans une analyse d’impact « les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants :
1° La population et la santé humaine ;
2° La biodiversité [...]
3° Les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ;
4° les biens matériels, le patrimoine et climat
[...] ».
Ainsi, afin de satisfaire au hait niveau de renseignements requis, le Code de l’environnement prévoit la consultation de l’Autorité Environnementale de l’Etat, en charge de délivrer un avis expert sur l’étude en question (art. L.122-1 et R.122-6 du Code de l’environnement). Cette procédure d’avis consultatif est applicable pour toutes les procédures de demande d’autorisation administrative de construction requérant la réalisation d’une étude d’impact. Bien que l’avis rendu par cette Autorité ne produise pas d’effet obligatoire, il n’en demeure pas moins que le juge administratif y aura recours pour fonder sa décision relative à la qualité de l’étude d’impact. Par exemple, dans un arrêt rendu par la CAA de Nancy le 26 juin 2012 (req n° 11nc01410), le juge s’appuie sur les conclusions de ce type d’avis pour contrôler la complétude de l’étude d’impact. De même, le TA de Grenoble, dans un jugement en date du 12 février 2013 (n°1101160), s’appuie sur les conclusions d’un avis pour examiner la complétude d’une étude d’impact, avant de statuer sur l’insuffisance de ce dernier.
B) La portée limitée de l’étude d’impact sur les décisions administratives
Ainsi, l’ampleur de la tâche paraissant conséquente, le juge administratif fait preuve de souplesse dès lors qu’ils convient d’apprécier la qualité d’une étude d’impact. En effet, si l’étude d’impact en tant que telle ne fait pas grief et ne peut donc pas faire l’objet d’un recours en contestation de légalité, ses carences peuvent être invoquées au soutien d’une
contestation de la validité d’une décision administrative d’autorisation de construction. En l’espèce, la jurisprudence, par l’arrêt CE Ocréal du 14 octobre 2011, confirmée par, entre autres, l’arrêt CE Société Ferme éolienne de Plo D’Amourès de 2019, que l’étude d’impact n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la décision administrative d’autorisation que son d’faut de qualité porte atteinte à l’obligation d’information de la population où peut potentiellement avoir une influence sur la décision de l’autorité administrative elle-même. L’arrêt Ocréal dispose en ce sens : « l’étude d’impact peut en effet entraîner l’annulation de l’autorisation administrative pour vice de procédure dans la mesure où les inexactitudes, omissions ou insuffisances qui affectent le dossier de demande d’autorisation ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ».
II. Une absence de contrôle de l’obligation relative de réalisation d’une étude d’impact
Enjeux nouveaux, méthodes anciennes, le juge administrative ne reconnaît pas la possibilité de contester la validité les décisions administratives portant dispense de l’obligation de réaliser des études d’impact du fait de leur nature (A) et consacre, au surplus, l’impossibilité pour les tiers de contester au REP de telles décisions de refus (B).
A) L’impossible contestation des décisions de dispense de réalisation des études d’impact du fait de leur nature
Dans un avis de 2016, le CE indique que : « Si la décision imposant la réalisation d'une évaluation environnementale est, en vertu du IV de l'article R. 122-18 du code de l'environnement précité, un acte faisant grief susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir après exercice d'un recours administratif préalable, tel n'est pas le cas de l'acte par lequel l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement décide de dispenser d'évaluation environnementale un plan, schéma, programme ou autre document de planification mentionné à l'article L. 122-4 du code de l'environnement »1.
1 CE, avis du 6 avril 2016, N° 395916, ECLI:FR:CESSR:2016:395916.20160406.
Motivé par des considérations classiques découlant des principes jurisprudentiels établissant que les actes ne faisant pas grief, c’est-à-dire n’affectant pas le patrimoine juridique des particuliers, ne sont pas admissibles à une contestation de validité par un recours en excès de pouvoir (voir en ce sens, par exemple, CE, Ass. 29 janvier 1954, Notre Dame du Kraisker ou encore, CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères ). Au surplus, cette doctrine du Conseil d’Etat nous semble d’autant plus fondée, en droit, que les recours des tiers contre les décisions de dispense d’étude d’impact sont, pour l’heure, jugés irrecevables.
B) L’inadmissibilité des recours des tiers
Enfin, le CE affirme par le même avis de 2016 que les tiers ne sont, non seulement, pas admis à former un recours en excès de pouvoir visant à contester la validité d’une décision de dispense d’étude d’impact, celle-ci ne pouvant intervenir que lors de la contestation de l’acte d’autorisation de la construction lui-même, mais que la substance même d’une étude d’impact ne pouvait pas faire l’objet de contestation juridictionnelle. Un arrêt de la CAA de Versailles du 4 octobre 2018 (n° 16VE02959) rejette en effet une requête émanant d’un tiers contestant la validité d’une décision de dispense de l’autorité environnementale saisie d’un projet. De plus, la Cour se fonde sur l’arrêt Dame Lamotte de 1950 selon lequel le requérant doit démontrer son intérêt à agir pour contester la validité d’un acte de l’administration, avant de statuer sur l’absence d’intérêt à agir en l’espèce.