Les règles relatives du télétravail durant la crise COVID
Dans de nombreuses entreprises, le premier confinement imposé en réponse à la pandémie en mars 2020 a conduit à la mise en place d'un télétravail d'urgence, sans formalité ni remise en cause particulière. Sans être obligatoire, le télétravail doit, dans les circonstances actuelles, s'appliquer « dans la mesure du possible » selon la formule utilisée par le président Emmanuel Macron.
D'un point de vue juridique, la pratique actuelle du télétravail a soulevé des questions particulières, dont certaines n'ont pas encore été véritablement abordées, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.

Tout d’abord en France, l'employeur a le droit de surveiller l'activité des salariés, y compris lorsque le travail est effectué à distance, dans le respect des règles légales imposant la consultation préalable du Comité économique et social et la communication des informations requises au salarié. L'activité de surveillance doit être menée en toute transparence et dans le respect de la vie privée. La surveillance permanente au moyen d'appareils vidéo n'est absolument pas autorisée. De même, sauf justification spécifique, l'employeur ne peut exiger des télétravailleurs participant à des visioconférences qu'ils se montrent devant la caméra, leur participation par microphone étant suffisante.
Mais, tout comme il le ferait pour un travail effectué dans ses locaux, l'employeur peut surveiller les connexions Internet et limiter leur utilisation (par exemple, via des dispositifs de filtrage de site). L'employeur peut accéder librement aux boîtes aux lettres électroniques car les e-mails sont présumés liés au travail s'ils ne sont pas identifiés comme « personnels » par le salarié. L'employeur peut accéder librement à tous les documents de travail du salarié à l'exception de ceux marqués « personnels ».

Il y’a également la question du contrôle du temps de travail qui peut poser problème, en effet sauf accord particulier avec l'employeur, le salarié télétravailleur est soumis aux mêmes horaires de travail que s'il travaillait dans les locaux de l'employeur. Le télétravail n'offre donc pas de flexibilité particulière en termes de gestion du temps de travail. En d'autres termes, le régime du temps de travail propre à chaque salarié continue de s'appliquer.
De son côté, l'employeur est tenu de contrôler le temps de travail et notamment de s'assurer du respect des temps de travail et des pauses maximaux. Les limites imposées par le code du travail sont de 10 heures par jour et 48 heures par semaine soit une moyenne de 44 heures par semaine sur une période de 12 semaines consécutives.
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Pour les salariés, dont les temps de travail sont basés sur un certain nombre de jours par an, l'employeur doit veiller au respect des périodes de repos (journalier et hebdomadaire). Les limites imposées par le code du travail en matière de durée minimale de repos sont de 11 heures consécutives pour le repos journalier et de 35 heures consécutives pour le repos hebdomadaire.
Dans la pratique, il existe plusieurs manières de surveiller. Le suivi peut être réalisé, par exemple, via un système automatique d'ouverture et de fermeture d'accès informatique, ou selon un système dans lequel le salarié déclare ses heures de travail ou ses jours de travail. De plus, la mise en place d'une procédure d'alerte permettra à l'entreprise d'identifier et de gérer les situations de surcharge de travail. Le défi pour l'entreprise est de s'assurer que les employés se déconnectent ou arrêtent de travailler, d'autant plus que plusieurs études ont montré que les télétravailleurs ont tendance à travailler plus longtemps, en moyenne 48 minutes. Cependant, l'employeur doit s'assurer que des mécanismes sont mis en place pour permettre aux employés de se déconnecter, tels que le blocage de l'accès aux serveurs en dehors des heures de travail, l'ordre aux employés de ne pas répondre aux courriels ou au téléphone avant ou après certaines heures,
Une enquête réalisée pour le ministère du Travail montre qu'en avril 2021, 37% des actifs en France télé-travaillaient en moyenne 3,6 jours par semaine. 11% des entreprises françaises n'étaient pas favorables à ce régime de travail, exposant un réel clivage entre les grandes entreprises prêtes à pérenniser le télétravail par rapport aux petites et moyennes entreprises.
Il est difficile de prédire l'avenir, mais il semble néanmoins improbable qu'en France le télétravail devienne la norme. Dans tous les cas, s'il doit être établi, au moins en partie, de façon permanente après la pandémie, le télétravail nécessitera un certain nombre de problèmes à résoudre, comme la gestion des équipes à distance, les types de postes éligibles au télétravail et les caractéristiques personnelles des télétravailleurs.
Il est également impératif d'identifier les moyens de prévenir la survenue de risques professionnels liés au télétravail et de les intégrer dans le document d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Le télétravail comporte un risque d'isolement social accru des salariés avec une perte du sentiment d'appartenance à la communauté du travail et une perte de spontanéité dans les échanges sociaux et la communication. Cela peut également rendre plus difficile le contrôle des conditions de travail. A cet égard, le télétravail ne devrait sans doute être proposé qu'aux salariés ayant un minimum d'ancienneté et dont l'expérience de travail autonome dans l'entreprise permet d'évaluer leur capacité à travailler seuls.
Il est également nécessaire de garantir aux télétravailleurs qu'ils auront accès aux mêmes droits collectifs que les autres salariés et bénéficieront des mêmes opportunités de carrière et des mêmes politiques d'évaluation. L'entreprise doit également assurer une transparence parfaite sur l'ensemble des systèmes de surveillance mis en place, ce qui ne doit pas conduire à un contrôle excessif.
En conclusion, toutes ces questions devront faire l'objet d'un cadre juridique précis et complet, dans une convention collective ou une politique définissant précisément les droits et devoirs des parties concernées. Il peut être utile de passer d'abord par une enquête ou un questionnaire pour comprendre les attentes et les craintes des télétravailleurs potentiels et adapter le projet en conséquence. De ce point de vue, le télétravail doit être pleinement intégré dans la politique de ressources humaines de l'entreprise, comme étant l'un des avantages d'attirer et de fidéliser les salariés.