Climate Action 100+ est une coalition regroupant plus de 615 grands investisseurs mondiaux, représentant 55 000 milliards de dollars sous gestion. Engagés dans la lutte contre le changement climatique, ils suivent plus de 160 entreprises représentant 80% des émissions de gaz à effet de serre. Cette initiative vise à pousser ces entreprises à contribuer à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, par le moyen de l’engagement actionnarial.
Climate Action 100+ publie des rapports sectoriels régulièrement. L’ambition est de poser un cadre de référence, le « Climate action 100+ Net-zero company benchmark » pour clarifier auprès des grands industriels ce que signifie concrètement une politique de neutralité carbone. Après l’aviation et l’acier, l’agro-alimentaire a fait l’objet de la dernière publication en août 2021.
Le rapport rappelle que l’effort à fournir pour le secteur de l’agro-alimentaire est très conséquent, car l'agro-alimentaire représente à lui seul un tiers des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Selon les travaux du SBTi (Science based target initiative), ses émissions de gaz à effet de serre devraient être réduites de 85% d’ici à 2050 pour permettre une trajectoire 1,5°C. Cet effort s’entend sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’agriculture et producteurs de matières premières, jusqu’aux consommateurs.
Sur la forme, le rapport liste une série de recommandations concrètes, allant de la réduction de la consommation des protéines animales pour les consommateurs, à l’accompagnement des agriculteurs pour réduire leur impact carbone, et à un allègement des emballages. Le rapport souligne que la très grande majorité des émissions (83%) est attribuée au scope 3 de la filière.
En conséquence, la coalition demande en premier lieu aux entreprises d’améliorer leur reporting climat sur le scope 3, afin de mieux incorporer les enjeux de la chaîne de valeur dans les processus de décision. Par exemple, il est noté que les producteurs d’engrais et d’engins agricoles doivent être inclus dans les réflexions.
Le rôle clé du financement de la production agricole dans les pays émergents est aussi cité.
Les investisseurs comptent sur l’innovation pour rejoindre une trajectoire carbone contributive, ce dont le secteur est encore éloigné. Ils recommandent d’aligner les dépenses d’investissement, de développement produit et de R&D avec un scenario 1,5 degrés.
En revanche, fait remarquer l’ONG Oxfam, si le rapport constitue un pas en avant, il ne remet pas en cause le modèle de production actuel, ne mentionne pas les pratiques d’agriculture plus respectueuses de l’environnement comme l’agriculture biologique ou les circuits courts. Les conséquences d’un non-respect des recommandations ne sont pas mentionnées, ni le calendrier attendu.
On notera néanmoins que cette initiative des investisseurs va dans le même sens que les réglementations européennes. La taxonomie des activités durables, notamment, fixe également un cadre restrictif pour définir ce qu’est une production agro-alimentaire « durable », assortie d’un nombre considérable de critères. Il devient crucial pour les industriels du secteur de repenser leur modèle, d’autant plus que l’alimentation est un des secteurs de la consommation grand public pour lequel les attentes sociétales sont les plus fortes. On observe depuis quelques années déjà une perte de confiance dans les grandes marques, ce qui représente un risque majeur pour leur pérennité.