La loi d’accélération et simplification de l’Action Publique (dite loi ASAP) a été publiée au Journal officiel du 8 décembre 2020 après avoir été partiellement validée par le Conseil constitutionnel dans une décision n°2020-807 DC du 3 décembre 2020. Cette loi a pour but de simplifier les procédures et ainsi d’accélérer l’action publique, ce qui impacte nécessairement l’environnement. Afin de légiférer dans cette matière, le législateur s’est surtout appuyé sur le rapport Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles du député M. Kasbarian.
En premier lieu, la loi dite ASAP est venue renforcer la sécurité juridique des projets en cours d’autorisation.
En effet, dorénavant, l’article 34 étend aux projets en cours le bénéfice de l’article L.512-5 du Code de l’environnement. Ainsi, si de nouvelles règles générales et prescriptions techniques apparaissent, l’arrêté ministériel devra fixer des délais et des conditions d’application pour les installations existantes mais également pour celles en construction, les nouvelles normes en matière de sécurité, de santé ou de salubrité publique étant maintenant les seules à application immédiate. Ce même article prévoit également que toute nouvelle prescription en matière de gros œuvres ne sera pas applicable aux projets en cours. L’article 36 de la loi va quant à lui garantir au pétitionnaire que la seule règlementation application en matière d’archéologie préventive sera celle en vigueur au moment de la réception du dossier de demande. Le législateur choisit donc de privilégier la bonne continuité d’un projet plutôt que d’appliquer au fur et à mesure une règlementation qui pourrait permettre une meilleure protection de l’environnement.
L’article 43 va réduire à deux mois le délai pour solliciter l’organisation d’une concertation préalable sur un projet, un plan ou un programme d’aménagement, rognant de fait le droit d’initiative des collectivités territoriales, des associations et des riverains. L’article 39 dispose quant à lui que, si un projet modifie fortement le cadre de vie ou l’activité économique et entre dans le champ d’application de l’article L.130-2 du code de l’urbanisme mais aussi dans celui de l’article L.121-12-1 du code de l’environnement, alors le maitre d’ouvrage pourra soumettre le projet seulement à la concertation prévue par le code de l’environnement, supprimant ainsi la nécessité d’effectuer les deux concertations. Le législateur vient ici réduire la possibilité pour les tiers de pouvoir s’informer et de pouvoir participer à la prise de décision pour les projets s’installant sur leur territoire.
Dans le même temps, l’article 37 va rassurer le porteur de projet en disposant que l’avis de l’autorité environnementale ne peut pas revenir sur les éléments déjà autorisés lors de l’actualisation de l’étude d’impact, les prescriptions nouvelles ne pouvant porter que sur les éléments nouveaux. De ce fait, une fois l’autorisation délivrée et même si l’étude d’impact est actualisée et souligne un nouveau risque sur des éléments anciens, le préfet ne pourra pas changer les dispositions déjà prises.
En matière de procédure, les articles 56 et 57 sont venus alléger celles concernant le transfert partiel d’autorisation à un tiers, le dernier l’allégeant lors de la substitution d’un tiers à un autre en cours d’opération si l’usage futur est identique à celui approuvé par le préfet. L’article 56 va quant à lui autoriser le transfert partiel d’autorisation environnementale à un tiers s’il n’y a pas de modification substantielle ni d’atteinte aux intérêts protégés par le code de l’environnement et s’il est possible d’identifier les mesures relevant de chaque bénéficiaire.
En matière d’accélération des délais de procédure, la loi dite ASAP a donné une plus grande marge de manœuvre aux préfets.
L’article 44 prévoit en effet que le préfet puisse adapter la procédure de consultation du public pour les projets soumis à procédure d’autorisation mais pas à l’évaluation environnementale. Il a le choix entre l’enquête publique sur place ou par voie électronique. L’article 56 donne aussi au préfet le pouvoir d’autoriser, dans certains cas, les permis de construire, d’aménager et de démolir ainsi que les décisions de non-oppositions aux déclarations préalables à être exécutés avant la délivrance de l’autorisation environnementale, permettant le lancement de certains travaux de manière anticipée.
Cette accélération pose cependant quelques problèmes en matière de protection de l’environnement, notamment en termes de publicité par le choix qui s’offre au préfet. Faire l’enquête publique de manière électronique entraine nécessairement un accès plus restreint à l’enquête bien que le Conseil constitutionnel ait jugé que cet article était conforme à la Constitution. De plus, le fait de pouvoir autoriser le commencement de travaux avant l’octroi de l’autorisation environnementale est un risque assez important pour l’environnement et va à l’encontre même de la protection des intérêts que le code de l’environnement doit protéger.
En matière de procédure de cessation d’activité, une nouvelle obligation a été créée et un nouveau délai a été mis en place.
En effet, l’article 57 ajoute une nouvelle obligation pour les exploitants d’une ICPE, celle de demander une attestation sur la qualité des mesures de mise en sécurité et de réhabilitation des sites industriels auprès d’une entreprise certifiée. De plus, les dépenses de l’Etat engagées pour la réhabilitation d’un site pour une situation accidentelle sont à la charge de l’industriel responsable du risque, c’est une application concrète du principe de pollueur/payeur. L’article 58 crée la possibilité pour les préfets de fixer un délai contraignant pour la remise en état et la réhabilitation du site d’une ICPE mis à l’arrêt de manière définitive
L’ajout d’une obligation de certification des travaux de réhabilitation semble être une bonne idée bien que le texte ne soit pas assez précis concernant le type d’entreprise qui serait habilité à délivrer la certification, ce qui pourrait vider cet article de sens, entrainant une certification non pas effective mais de façade. En revanche, l’application directe du principe pollueur/payeur à l’encontre du responsable du risque ayant conduit à un dommage accidentel est une protection de plus pour l’environnement bien qu’il faille regretter que cette règle ne s’applique qu’en cas d’accident.
En matière éolienne, la loi ASAP va venir modifier la législation avec les articles 53 et 55.
L’article 53 ajoute, pour les projets d’installations éoliennes terrestres, l’obligation de transmettre au maire de la commune d’implantation et aux maires des communes limitrophes un avant-projet au moins un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale. L’article 55 impose, pour les projets éoliens en mer, une consultation unique du public possible sur plusieurs zones d’implantation potentielles mais aussi la réalisation des procédures de concurrence parallèlement à la procédure de publicité. Il faut cependant noter que la phase de dialogue concurrentiel doit attendre la remise du bilan de la participation du public. Cet article donne aussi compétence exclusive au Conseil d’Etat pour connaitre des litiges contre ce type d’éolien en premier et dernier ressort.
Ici, il y a deux points principaux à souligner. Tout d’abord, du point de vue de l’information, les maries vont avoir une meilleure idée, et plus tôt, des projets éoliens terrestres, c’est une contrainte de plus pour le pétitionnaire mais cela semble assez peu contraignant étant donné qu’aucune sanction ou contrainte sauf délai butoir ne semble être attachée à cette nouvelle obligation. En matière de projet en mer, l’information sera moins efficace avec une consultation unique à propos de différents sites d’implantation, cet article réduit nécessairement l’impact des opinions négatives en majorant l’incertitude du site d’implantation.
Ensuite, la compétence exclusive donnée au Conseil d’Etat en matière de recours contre l’implantation de parc éolien en mer peut être vue comme une menace pour le droit d’attaquer les décisions administratives mais également comme un moyen pour l’Etat de garantir un tant soit peu ces implantations. En effet, si le même tribunal est compétent pour entendre tous les degrés de recours, s’il est compétent pour juger de l’appel de sa propre décision, cela nuit nécessairement à son impartialité, un tribunal pouvant difficilement renier son propre jugement.
En somme, cette loi ASAP a bel et bien servi son propos en ce qu’il existe maintenant une réelle simplification des procédures qui entraine, de fait, une plus grande insécurité en matière de protection de l’environnement. Bien entendu, des améliorations ont été notées mais la liberté laissée aux pétitionnaires dans le but de garantir une meilleure reprise de l’industrie en France ne peut être ignorée.