En ces temps de crise sanitaire, les entreprises, et notamment les employeurs, vont devoir renforcer les règles s’appliquant à la sécurité et à la santé de leurs employés afin de respecter leur obligation de sécurité. De cette obligation découle une mise en application (I.) mais aussi des conséquences en cas de non-respect (II.).
I. Les applications de l’obligation de sécurité pour les employeurs
L’obligation de sécurité est une obligation de moyens (A.) qui engage nécessairement la responsabilité de l’employeur en cas de non-respect (B.).
A. Un encadrement juridique
L’obligation de sécurité dont est débiteur l’employeur envers ses employés est régie par les articles L4121-1 et suivants du Code du travail, le premier disposant que « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cet article précise également ce que comprennent ces mesures, en indiquant qu’il s’agit « des actions de prévention des risques professionnels (…), des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». On a ici une obligation générale de sécurité, avec notamment une obligation de prévention afin de préserver la santé des salariés. L’obligation de sécurité de l’employeur a longtemps été de résultat mais un revirement de jurisprudence a été effectué par la Cour de cassation à travers l’arrêt de sa Chambre sociale du 25 novembre 2015 qui a retenu l’attendu de principe suivant : « Mais attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ». L’obligation de sécurité s’imposant à l’employeur est ainsi une obligation de moyens renforcée, il ne peut être condamné parce qu’il y a eu mise en danger si seulement on arrive à prouver qu’il n’a pas mis en œuvre toutes les mesures nécessaires à la protection de la sécurité et de la santé de ses employés. Il va donc revenir aux juges de trancher la question et de déterminer si l’employeur a pris toutes les mesures qu’il se devait de prendre. Les employeurs se sont vu réassurer par la Ministre du travail sur cette question, notamment en période de crise sanitaire, son administration ayant déclaré que l’obligation pour l’employeur était « de mettre en place les mesures qui ont été définies par les autorités ». Ces mesures sont détaillées dans fiches pratiques sectorielles et dans un protocole de déconfinement établis par le Ministère, bien qu’il faille noter que ces documents n’ont aucune valeur juridique, ils ne sont qu’une base sur laquelle l’employeur doit construire sa réponse à la crise sanitaire dans le but de remplir son obligation de sécurité.
B. La responsabilité de l’employeur
L’employeur est civilement responsable des dommages causés par sa faute ou par le fait de ses salariés et sa responsabilité peut donc être engagée sur ces deux fondements. S’il vient à manquer à son obligation de prévention, comme prévue par le Code du travail, alors sa responsabilité civile pourra être engagée par le salarié afin que ce dernier obtienne des dommages et intérêts et même imputer la rupture du contrat de travail à ce manquement s’il empêchait la poursuite du contrat de travail. Tout manquement de la part de l’employeur à son obligation de prévention a le caractère de faute inexcusable au regard du Code de la sécurité sociale. La responsabilité délictuelle de l’employeur peut également être mise en cause en application de l’article 1240 du code civil, avec la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Enfin, la responsabilité pénale de l’employeur peut être mise en cause à partir du moment où il met en danger la vie de son employé de manière intentionnelle ou non. Cela doit nécessairement venir d’une faute commise par l’employeur, que ce soit une faute délibérée comme prévue par l’article 121-3 du code pénal ou une faute d’imprudence violant une obligation particulière de sécurité. Avec le COVID-19, cette responsabilité de l’employeur en matière de sécurité devient plus importante. En matière civile, il sera nécessaire de prouver la faute inexcusable de l’employeur, c’est-à-dire que l’employeur n’a pas mis en place les recommandations sanitaires du gouvernent au sein de son entreprise bien qu’il ait été conscient du danger découlant de l’absence de mesures prises. En matière pénale cependant, le Sénat vient d’adopter une disposition selon laquelle la responsabilité pénale de l’employeur ne pourra être engagée si l’un de ses employés est contaminé par le COVID, sauf s’il y a un élément intentionnel.
La question de l’exonération de responsabilité face à l’importance des sanctions est donc primordiale.

II. Les conséquences des manquements à cette obligation
Bien que l’exonération de la responsabilité soit possible pour l’employeur (A.), de nombreuses sanctions existent (B.).

A. Les exonérations de responsabilité
Afin d’être exonéré de sa responsabilité, plusieurs options s’offrent à l’employeur. En premier lieu, l’obligation de sécurité s’imposant à l’employeur est une obligation de moyens renforcée, cela permet donc à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité civile s’il parvient à prouver qu’il a effectivement pris toutes les mesures nécessaires dans le but de préserver la sécurité et la santé de ses salariés. Par exemple, en matière de harcèlement moral, l’employeur a été exonéré par la Cour de cassation car il avait mis en place toutes les mesures possibles pour en prévenir toutes les formes. Ce jugement renforce l’importance de la prévention pour l’application de l’obligation de sécurité. Cependant, l’absence de faute de l’employeur ne peut être exonératoire, il reste toujours responsable du fait de son employé. La force majeure ou le fait d’un tiers pourrait théoriquement être utilisés comme moyen de défense pour l’employeur afin de s’exonérer de sa responsabilité mais l’étude du contentieux sur le sujet démontre qu’ils sont rarement utilisés de par leur inefficacité. Les moyens de défense pouvant être utilisés par l’employeur sont les suivants : l’abus de fonctions du salarié et la faute de la victime. Pour le premier moyen, trois conditions doivent être réunies par l’employeur, à savoir un lien avec les fonctions du salarié, l’absence d’autorisation et l’agissement à des fins étrangères à ses attributions. Pour le second moyen, l’employeur sera exonéré si la victime agit de mauvaise foi ou si celle-ci a agit avec une imprudence consciente et délibérée. En matière pénale, l’une des seules causes d’exonération pouvant s’appliquer de manière spécifique à l’employeur en matière d’obligation de sécurité est la délégation de pouvoirs. Cette délégation entraine le transfert de la responsabilité pénale au délégataire et donc une exonération pour l’employeur. Néanmoins, cette délégation est nulle si l’employeur a personnellement participé aux missions effectuées dans le cadre de la délégation ou si l’employeur se trouve être une personne morale. La Chambre criminelle a en effet une jurisprudence constante à cet égard, acceptant toujours l’engagement de la responsabilité pénale de l’employeur. Cette différence de traitement entre la personne physique et la personne morale a fait l’objet d’une QPC à laquelle la Cour de cassation a apporté « réponse énigmatique ».
B. Les sanctions
La première sanction, bien qu’elle ne soit pas judiciaire, est le droit de retrait que peuvent exercer les employés s’ils estiment que leur employeur ne garantit pas leur sécurité et/ou leur santé sur le lieu d’exercice. Cette première sanction a des conséquences pécuniaires immédiates mais également elle influe également sur la réputation de l’entreprise. En matière judiciaire, des sanctions civiles et pénales peuvent s’appliquer à l’employeur qui ne respecterait pas son obligation de sécurité à l’article L.4741-1 du code de travail. Au pénal, le délit en cette matière et la sanction qui l’accompagne sont précisés par cette article, l’amende étant de 10 000 euros, amende qui peut être appliquée autant de fois qu’il y a d’employés concernés par le manquement de l’employeur. Pour les infractions non-intentionnelles, les articles 223-1, 221-6 et 222-19 du code pénal s’applique.
En matière civile, les conséquences peuvent être la rupture du contrat de travail, l’employeur n’ayant pas respecté les obligations inhérentes à celui-ci. Ensuite, l’employé peut saisir le conseil des prud’hommes et ainsi obtenir des dommages et intérêts, une réparation. Dans le même sens, si l’employé saisit le pôle social du tribunal judiciaire, l’employeur s’exposera à une réparation financière du préjudice.