Comme mentionné dans un article précédent : l’industrie de la mode est l'une des industries les plus polluantes au monde. Par conséquent, il était grand temps de prendre en considération l’impact de ce secteur quant au besoin de durabilité dans notre société présente, essentielle pour l'avenir non seulement de la planète mais aussi de l'industrie de la mode en général, et de ses entreprises en particulier, puisque nulle entreprise ne peut être pérenne dans un monde où un collapsus écologique s’intensifie. Dès lors, l’idée d’une solidarité et d’une coopération est devenue prégnante dans le dessein d’opérer un changement radical et systémique dans les performances desdites entreprises en matière de développement durable, nécessaire à la sensibilisation des consommateurs, et partant, à la protection de la planète.

Le Fashion Pact est une coalition mondiale dirigée par des chefs d’entreprise représentant actuellement un tiers de cette industrie et regroupant plus de soixante signataires et deux cents entreprises de la mode et du textile —lifestyle, luxe, prêt-à-porter et sport — diverses composée de concurrents, de marques établies mais aussi nouvelles, de labels haut de gamme, de chaînes de distribution ; ainsi que des fournisseurs et des distributeurs, engagés autour d’un but commun relatif aux grands objectifs environnementaux issus des Nations Unies. Lesdits objectifs sont centrés sur trois thématiques du développement durable, d’urgence environnementale, et conduits par des actions prioritaires : l’arrêt du réchauffement climatique par la mise en œuvre d'objectifs scientifiques pour le climat afin d'atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, particulièrement en utilisant 100% d’énergie renouvelable dans tous les domaines d’activité et processus de fabrication du secteur d’ici 2030 et en appliquant la Charte de la mode des Nations Unies ; la remise en état de la biodiversité en mettant en place également des stratégies et des objectifs scientifiques relatifs à la nature comme combattre la déforestation et développer des plans de gestion durable des forêts ; et la protection des océans en réduisant l’impact négatif de l’industrie de la mode sur l’environnement océanique, notamment à travers l’élimination des emballages plastiques et que lesdits emballages soient composés de matières 100% recyclées d’ici 2030. Le Fashion Pact a été présenté aux chefs d’État le 26 août 2019 lors du Sommet du G7 à Biarritz, par le PDG de Kering, François-Henri PINAULT, qui s’est vu confier ce projet d’engagements communs par le Président de la République, Emmanuel MACRON.

L’année 2020 a été une année sous le signe du renouveau, suite à la pandémie du COVID-19 qui a souligné la nécessité pour l’industrie de la mode de se tourner vers une mode plus résiliente et plus durable. Les entreprises, pour se maintenir économiquement et répondre aux objectifs du Fashion Pact, ont du assumer de nouvelles responsabilités et réussir à travailler en collaboration. Seule une action collective mondiale telle que la coalition du Fashion Pact est susceptible d’interrompre ou du moins de réduire de manière conséquente les retentissements négatifs de l’industrie de la mode sur l’environnement. Pour reprendre les mots du président de Prada, Carlo MAZZI : « The beneficiaries are therefore all living beings and the planet itself, with maximum benefits to each. » Il est indispensable de prendre promptement des décisions difficiles afin de s'assurer que des progrès émergent.

Un an après la mise en place du Fashion Pact, les premières avancées significatives vers une mode durable sont tangibles. Outre la gouvernance, les objectifs ainsi que les indicateurs clefs de performance sont établis à travers des actions concrètes et transparentes.
Tout d’abord, en ce qui concerne le climat, 40 à 45% des énergies utilisées par les membres du Fashion Pact proviennent de sources renouvelables ; ce changement se constate par la mise en oeuvre d’action individuelle ayant permis la réduction de 350 000 à 400 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (équivalent CO2) dans les scopes 1 et 2.
Ensuite, eu égard à la biodiversité, le Fashion Pact a permis de susciter un engagement global de l’industrie de la mode. En effet, les signataires soutiennent l’élaboration d’objectifs scientifiques pour la protection de la nature et s’engagent collectivement à prendre des mesures visant à étendre leurs engagements envers la biodiversité afin de diminuer considérablement leur impact sur cette dernière, notamment en luttant contre la déforestation et en protégeant les espèces animales menacées.
Enfin, concernant les océans, on relève une réduction des emballages plastiques nocifs, et notamment à usage unique, ainsi qu’une mise en place d’actions favorisant des alternatives durables auxdits emballages, de la part de 70% des signataires.

En ce sens, la collaboration multisectorielle est la pierre angulaire du Fashion Pact, puisqu’une action collective a plus d’impact qu’une simple action individuelle. C’est ce que soulève Kasper RØRSTED, directeur général d’Adidas, lorsqu’il affirme que c’est la raison pour laquelle dans un sport d’équipe « you achieve much better results. » À travers la collaboration entre signataires aux profils économiques différents —maisons et marques— et experts externes —recherche, science, conservation, stratégie, merchandising, reporting— la découverte et le respect de bonnes pratiques et de solutions innovantes viennent s’harmoniser et permettent une importante amélioration au sein des entreprises. Cependant, toutes les marques ne sont pas sur un pied d’égalité puisque le secteur de la mode peut être divisé en deux catégories : d’un côté ceux qui doivent adopter des bases plus solides en matière de durabilité et de l’autre côté, ceux qui doivent améliorer ces bases. Dans le dessein de supprimer ce clivage, les signataires du Fashion Pact ont mis en place des mécanismes permettant aux grandes marques d’adapter à leur niveau les améliorations apportées par les petites et moyennes marques innovatrices, et en permettant aux entreprises disposant de ressources moindres de s’aligner en intégrant les connaissances et l’expérience des entreprises ayant fait leur preuve en matière de développement durable. La collaboration, à l’instar de la coordination collective, est donc une aubaine permettant aux entreprises de l’industrie de la mode d’atteindre leurs objectifs.

Les succès effectifs réalisés en un an sont la preuve qu’un travail conjoint peut avoir un impact positif sur le monde et pas seulement dans le secteur de la mode ; d’autres industries de biens et de consommation peuvent s’inspirer de cette coalition pour une amélioration continue et une protection substantielle et durable de la planète. L’influence indubitable du secteur de la mode dans le monde entier peut créer un effet boule de neige vertueux pour la protection de l’environnement tant au niveau des entreprises que des particuliers.