
Bilan sur le plan de modernisation relatif aux canalisations de transport
Par Anne-Lise LE CAVORZIN
juriste QSE
Editions Législatives
Posté le: 06/08/2011 16:40
Les accidents mettant en péril l'intégrité des canalisations sont souvent dus aux travaux à proximité de ces dernières. Viennent ensuite la corrosion et le défaut de conception.
I- Rappel de la mise en place du plan de modernisation et de maîtrise du vieillissement des installations classées
En janvier 2009, un certain nombre d’experts et de professionnels sont invités par le ministère de l’écologie à réfléchir sur la mise en place d’un tel plan.
Dès février 2009, six groupes de travail, regroupant des spécialistes du monde industriel, des experts ainsi que des représentants de l’administration, se mettent en place pour lui donner des bases solides.
En septembre 2009, Chantal Jouanno, alors secrétaire d’Etat à l’écologie, rencontre les principaux dirigeants des sociétés de transport d’hydrocarbures, de gaz et de produits chimiques par canalisations, ainsi que ceux du secteur des industries chimiques et pétrolières et annonce, à cette occasion :
- un renforcement des contrôles des installations à risques, la maîtrise du vieillissement des installations à risques et les systèmes de gestion de la sécurité comme thèmes prioritaires de l’inspection des installations classées pour 2010;
- la réalisation d’expertises indépendantes sur les plan de surveillance des points les plus sensibles des canalisations de transport qui devront être demandées par les préfets et réalisées par des experts reconnus;
- le lancement d’un groupe de travail pour améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux lorsque les canalisations de transport traversent des espaces naturels protégés;
- le dépôt d’un amendement gouvernemental lors de l’examen de la loi Grenelle 2 par le Parlement pour améliorer la prévention des accidents liés aux endommagements des canalisations lors de travaux réalisés à proximité.
Madame Jouanno rappelle également le projet d’une profonde réforme de la législation en application de la loi 2009-526 du 12 mai 2009. Réforme permettant de clarifier les procédures administratives applicables aux canalisations, d’améliorer la consultation du public sur les nouveaux projets et sur les installations existantes, de renforcer les sanctions administratives et pénales applicables en cas de manquement à la réglementation.
La loi 2009-526 du 12 mai 2009 (NOR: BCFX0824886L) de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures a permis au gouvernement d’être habilité à réformer, par ordonnance, sous douze mois l’ensemble de la législation concernant les canalisations.
Le 13 janvier 2010, le plan de modernisation est présenté par la secrétaire d’Etat à l’écologie.
Ce plan contient trente-huit mesures, regroupées en six thématiques, dont une transversale qui comprend la modernisation des systèmes de gestion de la sécurité pour mieux prendre en compte la problématique du vieillissement ainsi qu’une sur les canalisations regroupant huit actions.
II- L’arrêté multifluides du 4 août 2006, une base solide pour la mise en œuvre du plan de modernisation
Cet arrêté, portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz combustibles, d’hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimiques ( NOR: INDI0608092A), a joué un rôle important dans mise en pratique du plan de modernisation et de maîtrise du vieillissement des canalisations. Il permet non seulement de disposer d’un texte commun aux canalisations de gaz naturel, d’hydrocarbures et d’agents chimiques mais il établit également un contrôle strict de la conception à la mise en service des canalisations et fait de l’exploitant le premier responsable de la sécurité de ses ouvrages. Il impose l’élaboration et la remise d’une étude de sécurité, sous la responsabilité du transporteur, aux DREAL avant la construction de la canalisation.
Ces études devaient être remises au plus tard le 15 septembre 2009 afin de définir l’ensemble des mesures de prévention et de protection à mettre en place d’ici septembre 2018 et, pour les cas les plus urgents, septembre 2012.
Des plans de surveillance et de maintenance sont également introduits par l’arrêté . Obligatoires pour les exploitants, ils permettent « d’adapter la nature et la périodicité des contrôle en fonction de l’environnement (densité de la population, milieux naturels sensibles..) dans lequel les canalisations sont installées mais également aux mécanismes d’endommagements auxquels elles sont soumises (corrosion en milieu marin…) ».
Ces plans devront être mis à jour afin de satisfaire les engagements pris par les industriels en septembre 2009.
Les DREAL, qui contrôlent la bonne application de l’arrêté, sont, dans ce cadre, chargées de plusieurs missions. Les principales sont :
- contrôler et de faire compléter le cas échéant les études de sécurité, considérées comme mission prioritaire, dans le respect de la circulaire BSEI n°09-123 du 23 juillet 2009 relative à la méthode d’estimation de la probabilité dans les études de sécurité des canalisations de transport de matières dangereuses;
- établir les dossiers de porter à connaissance adressés par les préfets aux maires dont les communes sont traversées canalisation portant des fluides dangereux. Ce porter à connaissance permet aux maires de prendre en compte la présence de ces canalisations lors de projet d’extension ou de construction d’immeubles de grandes hauteurs et d’établissements recevant du public;
- veiller la bonne application des règles relatives aux demandes de renseignements et au déclaration d’intention de commencement des travaux établies par le décret n°91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l’exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport et de distribution (NOR: INDX8900094D).
III- Les principales réformes mises en place pour 2010 et 2011:
Les réformes promises, harmonisant et clarifiant le droit relatif aux canalisations de transport de fluides dangereux, ont été mises en place dès le début de l’année 2010.
A commencer par l’ordonnance 2010-418 du 27 avril 2010, harmonisant les dispositions relatives aux canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques.
Selon le gouvernement « elle permet de clarifier le processus d’autorisation des canalisations, rénove les mécanismes de consultation du public et renforce les exigences en matières d’études préalables. Elle améliore également la prise en compte de la sécurité et de l’environnement à tous les stades de la vie des canalisations. »
Cette ordonnance a introduit un chapitre V dans le code de l’environnement au Titre V du Livre V, consacré aux canalisations de transport de gaz naturel, d’hydrocarbures et de produits chimiques
( L555-1 Ã L555-30 ).
Elle vise « les canalisations exploitées par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients pour le voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, la protection de la nature, l’environnement et les paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que les éléments du patrimoine archéologique ».
Les dispositions de cette ordonnance entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2012.
L’arrêté du 20 décembre 2010 (NOR: DEVP1031516A) modifiant l’arrêté du 4 août 2006 est également important. Il ne modifie pas substantiellement l’arrêté du 4 août 2006 mais renforce les mesures de sécurité prise pour l’intégrité de la canalisation ainsi que pour la population environnante.
Les principales modifications portent sur :
- la classification des fluides: restriction du champs de la catégorie A (la moins dangereuse) ;
- l’élargissement du champs d’application de l’arrêté aux canalisations sous-marines ;
- l’étude de sécurité ;
- les dispositions particulières de construction (immeubles de grande hauteur et établissements recevant du public) ;
- les formalités avant la mise en service des tronçons ;
- la fréquence de la surveillance et de la maintenance: de 10 à 6 ans ;
- la mise en place d’un système de gestion de sécurité pour les produits les plus dangereux.
La sécurité des travaux à proximité des canalisations, elle, a pu être renforcée grâce à un décret et plusieurs arrêtés pris fin 2010- début 2011:
- le décret n° 2010-1600 du 20 décembre 2010 (NOR: DEVP1018019D) relatif à la création du guichet unique. Ce décret permet la mise en place d’un guichet unique auprès de l’INERIS, destiné à collecter les coordonnées des exploitants de tous les réseaux implantés en France ainsi que les cartographies sommaires de ces réseaux, afin de permettre aux maîtres d’ouvrage et entreprises prévoyant des travaux à un endroit du territoire clairement déterminé , d’avoir accès instantanément et gratuitement à la liste des exploitants dont les réseaux sont concernés par les travaux.
L’enregistrement, sur le site du guichet unique par les exploitants de réseaux en service, de leurs coordonnés est obligatoire à compter du 30 septembre 2011.
L’enregistrement sur le site du guichet unique, par les exploitants de réseaux en service, des zones d’implantation de chacun des réseaux qu’ils exploitent est obligatoire à compter du 30 juin 2013.
Ce décret crée la partie réglementaire du chapitre IV du Titre V du livre V du code de l’environnement relatif à l’encadrement des travaux effectués à proximité des réseaux de toutes catégories (R554-1 à R554-9);
- l’arrêté du 22 décembre 2010 (NOR: DEVP1031532A) fixant les modalités de fonctionnement du guichet unique prévu à l’article L554-2 du code de l’environnement;
- l’arrêté du 23 décembre 2010 (NOR: DEVP1031533A) relatif aux obligations des exploitants d’ouvrages et des prestataires d’aides envers le télé-service « réseaux -et-canalisations.gouv.fr ».
- l’arrêté du 21 avril 2011 (NOR: DEVP1111424A) pris en application du décret n°91-1147 du 14 octobre 1991. Dans les agglomérations de Perpignan et d’Orléans, la demande de renseignement est remplacée, à titre d’expérimentation, par la déclaration de projets de travaux.
Cette expérience cessera le 30 juin 2012.
Selon le bilan détaillés des actions nationales de 2010 de l’inspection des installations classées:
- les études de sécurité ont été remises en totalité mais seulement 1/6 ont pu être examinées au fond ;
- les programmes de surveillance et de maintenance des canalisations régionales et interrégionales ont été reçus en totalité et 2/3 ont pu être examinés;
- le porter à connaissance a été réalisé dans 90% des 11 250 communes traversées par au moins une canalisation de transport.
Selon les actions nationales pour 2011 de l’inspection des installations classée, l’objectif est de terminer l’instruction de 50% des études de sécurité des canalisations de transport et de mener les premiers porter à connaissance spécifiques, en complément aux porter à connaissance génériques menés antérieurement.