Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) présentant les plus forts risques au regard de la santé publique, de la protection de la nature et de la préservation du patrimoine, sont soumises au régime de l’autorisation.

Le droit d’exploiter ce type d’activité, qu’elle soit agricole, industrielle ou artisanale, est régi de longue date (depuis le XIXe siècle) par une procédure administrative qui s’est alourdie au fil des évolutions sociétales et des accidents traumatisants subis par les riverains de telles installations.

La procédure actuelle est longue – il faut compter 9 mois au minimum – et compte une phase importante d’information aux tiers sous forme d’enquête publique. Si on ne « décrète » pas la participation des citoyens, cette phase de consultation fait la preuve de son utilité chaque fois qu’elle permet d’améliorer techniquement un projet. Elle permet aussi une meilleure acceptation par les riverains. En effet, ceux-ci sont invités à dialoguer avec le porteur de projet si une réunion publique est organisée, ou avec le commissaire-enquêteur, fin connaisseur du dossier, dans le cas contraire.

Cette procédure a connu plusieurs tentatives de rationalisation, notamment sous l’influence de la loi Grenelle 2 (2010) puis de la loi dite Macron du 6 août 2015. Fixée par l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016, la réforme de l’enquête publique a permis d’en réduire les coûts et les délais, notamment par la dématérialisation. Plus moderne et adapté aux pratiques du grand public, le format digital peut néanmoins écarter un grand nombre de citoyens plus âgés ou moins instruits. En revanche, le rôle central du commissaire-enquêteur a été préservé par la réforme, reconnaissant l’efficacité d’une combinaison entre les modalités présentielles et électroniques de l’enquête publique.

Remarquons toutefois que la présence du commissaire-enquêteur avait déjà été réduit du fait de la création du régime d’enregistrement en 2009, régime simplifié où la consultation du public est réalisée par simple affichage, mise à disposition du dossier en mairie et sur le site internet de la préfecture.

La simplification des procédures administratives pourrait franchir un nouveau pas sous l’influence de la loi ESSOC (Loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance). Celle-ci prévoit de remplacer l’enquête publique par une procédure de participation du public par voie électronique (PPVE), pour les projets ayant donné lieu à une concertation préalable. La procédure ainsi revue est expérimentée depuis trois ans en Bretagne et dans les Hauts-de-France ; ses conclusions devraient être dévoilées prochainement.

Dans le prolongement de la loi ESSOC, la loi ASAP (loi d’accélération et de simplification de l’action publique) promulguée le 7 décembre 2020, pourrait à nouveau diminuer les facultés du public d’accéder à l’information.
Outre qu’en ses articles 46 et 47, elle élargit considérablement la notion de « secret des affaires » pour limiter le contenu des informations dévoilées dans le dossier d’autorisation, son article 25 concentre les interrogations, voire les critiques. Celui-ci prévoit en effet que pour les ICPE soumises au régime de l’autorisation mais ne devant pas faire l’objet d’une évaluation environnementale, l’enquête publique soit remplacée par une consultation électronique.

Le décret d’application de ce texte était en consultation jusqu’au 4 mars dernier ; aidés par les résultats à avenir de l’expérimentation similaire conduite depuis trois ans en Région, nous devrions être plus informés des impacts concrets de cette simplification réglementaire. La sécurité juridique des installations classées sera-t-elle renforcée, ou verrons-nous l’économie de quelques semaines de procédure se faire au prix d’une inflation des contentieux une fois les activités lancées ?

Enfin, les projets industriels ne gagneraient-ils pas toujours à être scrutés sous des angles différents, afin de mieux maîtriser les risques environnementaux présents et à venir ? L’expertise en la matière progresse au sein de la population, et on ne peut pas négliger le rôle central des commissaires-enquêteurs dans la procédure d’autorisation, garants de l’intérêt général. L’année 2021 devrait nous procurer un ensemble de premières réponses factuelles.