Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders avait annoncé fin avril la proposition d’une réglementation européenne contraignante sur le devoir de vigilance des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants d’ici 2021.
La crise du Covid-19 a mis en évidence l’importance d’un meilleur encadrement des chaines de valeur devenues de plus en plus complexes et mondialisées.
La loi sur le devoir de vigilance française qui impose aux grands donneurs d’ordre de cartographier et de prévenir les risques pesant sur les droits humains sur toute leur chaîne d’approvisionnement fait désormais figure de modèle à suivre.
La proposition d’une réglementation européenne sur le devoir de vigilance s’est accélérée avec la crise du Covid 19. Elle pourrait donc être intégrée au Green Deal ou au plan de relance européen. La pandémie "a douloureusement mis en évidence les vulnérabilités de notre économie et des chaînes d'approvisionnement mondiales non réglementées, souligne Didier Reynders.
Les conséquences sont désastreuses pour les travailleurs, notamment en bout de chaîne, documente le CCFD-Terre Solidaire.
"Les entreprises ayant de meilleurs processus d'atténuation des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement causent moins de dommages et résistent mieux à la crise. Nous devons donc nous assurer que cette conduite responsable devienne la norme, une orientation stratégique pour les entreprises", assure le commissaire européen.

Aujourd’hui, seulement un tiers des entreprises européennes réalise une diligence raisonnable sur l’ensemble des droits humains et 16% vont au-delà des fournisseurs de rang 1, montrant le peu d’efficacité de la seule incitation, selon une étude du British Institute of International and Comparative law (BIIC). Il faudra donc "soutenir et protéger les entreprises dans cette transformation", précise Didier Reynders.

Selon les premières études du commissaire européen, le devoir de vigilance toucherait tous les secteurs d’activité, toutes les tailles d’entreprises et toute la chaîne d’approvisionnement, sur l’ensemble des droits humains (sociaux et environnementaux). Le règlement européen s’imposerait immédiatement aux États et s’inscrirait dans une logique de résultat, sanctions à l’appui.
"Cela obligera clairement les entreprises à renforcer leurs programmes de conformité et à se concentrer davantage sur ces questions pour leur chaîne d'approvisionnement et d'autres relations commerciales, comme les fusions/acquisitions et les accords de financement", souligne le cabinet en conseil juridique Norton Rose Fulbright.

L’annonce a été saluée par les ONG comme la European Coalition for Corporate Justice (ECCJ) qui y voit un "jalon important" pour imposer des "règles contraignantes en matière de responsabilité des entreprises". Mais, elles ne sont plus seules. Dernièrement, une centaine d’investisseurs représentant 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion ont appelé les États à s’entendre pour un devoir de vigilance contraignant au niveau mondial.
Des gouvernements européens travaillent d’ailleurs à la mise en place d’une telle législation, comme l’Allemagne, qui a apporté son soutien à Didier Reynders.
De fait, le contexte a changé, expliquait Dominique Potier, député socialiste qui a porté la loi française, lors de la remise des prix du meilleur plan de vigilance FIR-A2 Consulting, en janvier dernier. "Alors que le patronat s’était fortement mobilisé contre la loi française, les entreprises expliquent désormais comment celle-ci leur a permis de conquérir des marchés", décrit-il. Il faudra tout de même convaincre les récalcitrants, au premier titre duquel Business Europe, le Medef européen, dirigé par l’ancien patron des patrons français, Pierre Gattaz.