La France s’appuie sur une riche histoire industrielle et minière. On dénombre sur le territoire près de 320.000 anciens sites d’activités industrielles ou de services, et environ 3000 anciens sites miniers. Autant de zones qui nécessitent d’être particulièrement surveillées vis-à-vis de la pollution qu’elles peuvent générer sur les sols. Pourtant, cet enjeu est "mal mesuré" et "insuffisamment pris en compte dans la législation", déplorent les sénateurs à l’origine de la Commission d’enquête sur la pollution des sols par les activités minières et industrielles lancée en février 2020. "Nous voulons donc poser les bases d’un véritable droit sur la pollution des sols", expliquait la sénatrice Gisèle Jourda, rapportrice de cette commission lors de la présentation du le 10 septembre 2020.

Dans son rapport d’information, la commission d’enquête du Sénat sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions industrielles et minières des sols dresse une cinquantaine de propositions visant globalement à l’élaboration d’un droit pour la protection des sols, au même titre que l’air et l’eau

Ce jeudi 10 septembre, la Commission d’enquête du Sénat sur les sols pollués a rendu son rapport. Il préconise notamment la création de centres régionaux de santé environnementale et d’un fonds national de réhabilitation des sites et sols pollués Les sénateurs demandent une loi sur la pollution des sols et la création d’un fonds de 75 millions d’euros pour la dépollution des sites, alors que certaines communes ne peuvent faire face.

Tout part d’une vallée. Celle de l'Orbiel, dans l’Aude. Pendant des années, on y a exploité le sol. Une mine d'or, à Salsigne, à 15 kilomètres de Carcassonne (voir photo ci-dessus). En 2004, la mine ferme. Mais les ennuis vont commencer. Le sol est fortement pollué à l’arsenic. Si le métal est présent naturellement dans le sol, l’exploitation est directement à l’origine des forts taux constatés. En 2018, des inondations marquent le territoire. Les eaux envahissent les jardins, des terrains de foot ou de rugby. « Ces inondations ont fait apparaître la pollution liée au passé minier dans cette vallée » raconte la sénatrice PS Gisèle Jourda. Sur place, faute d’étude épidémiologique menée par les pouvoirs publics, des parents ont lancé eux-mêmes des tests. Résultats : « Des enfants contaminés à l’arsenic à de forts dosages. Et quand vous avez un nourrisson d’un ou deux mois, qui ne marche pas encore à quatre pattes, qui a des taux extrêmement importants d’arsenic dans ses urines, cela m’a alarmé » raconte la sénatrice de l’Aude. Ce métal lourd est néfaste pour l’environnement. Il est aussi cancérogène… « Aujourd’hui, vous avez des riverains qui ne peuvent plus utiliser leur jardin » souligne la sénatrice PS, et « quand on vous dit après « circulez, il n’y a rien à voir »… » La situation inspire à Gisèle Jourda la création d’une commission d’enquête du Sénat sur les pollutions industrielles et minières des sols, qui vient de présenter ses conclusions, ce jeudi. Un rapport que les sénateurs comptent bien transmettre à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et au ministre de la Santé, Olivier Véran.

Pour l’élue socialiste, « le moment est venu de mettre à plat tout ça ». La rapporteure de la commission d’enquête préconise ainsi « une cartographie des sites pollués précise », qui n’existe pas aujourd’hui, et, surtout, une loi sur la pollution des sols.
La Commission d’enquête a adopté et présenté ce jeudi 10 septembre, son rapport, qui fait suite à 34 auditions et tables rondes, ainsi que deux déplacements. « « la pollution des sols ne peut pas être réduite à des problèmes territoriaux circonscrits, elle exige une mobilisation nationale pour deux raisons majeures : d’une part, l’information du public sur l’existence des pollutions des sols et sur leurs effets sur la santé et l’environnement doit devenir un droit fondamental et sortir d’une vision trop technique et peu lisible ; d’autre part, les collectivités locales doivent être plus intégrées dans le processus de décision et de gestion des territoires pollués en proposant le classement en secteur d’information des sols de certains sites et en se regroupant en association pour faire entendre leur voix », souligne Gisèle Jourda.

Le Rapport sénatorial dégage 5 points fondamentaux :

1. Faire preuve de transparence sur cette problématique

Le premier axe de ce rapport est consacré à l'amélioration de l'information des citoyens sur les pollutions des sites et des sols. "Nous proposons d'établir une cartographie nationale des risques pour la santé et pour l'environnement liés à la pollution des sols", précise Gisèle Jourda. La mobilisation d'une enveloppe de 50 millions d'euros afin de faire l'inventaire des établissements - accueillant des enfants - qui sont situés sur des sites pollués est aussi proposée par les parlementaires.

2. Etablir une législation sur la pollution des sols, pour l'instant une page blanche…

"Il y a des lois qui encadrent la question de la pollution de l'air et de l'eau, mais, à ce jour, pratiquement rien n'est dit, presque rien n'est imposé en matière de pollution des sols", déplore le sénateur du Val-de-Marne Laurent Lafon, président de la commission d'enquête. Le deuxième axe du rapport est donc consacré à l'introduction dans la législation française d'un véritable droit de la protection des sols. Les membres de cette commission d'enquête proposent d'inscrire dans le code de l'environnement cette définition législative, afin de définir les notions d'usages des sols, de réhabilitation et de remise en état des anciens sites industriels et miniers.

3. Faire de la prévention

Mieux surveiller ces sols, afin d'anticiper leur possible dégradation : c'est le troisième grand axe de ce rapport. L'objectif est de renforcer les contrôles sur les sites industriels en analysant notamment de manière plus fréquente la qualité des eaux souterraines qui circulent sous ces sites, afin de pouvoir détecter rapidement la survenue d'une pollution. La commission souligne aussi qu'il est nécessaire de standardiser et d'homogénéiser les méthodes utilisées par les bureaux d'études lors de leurs analyses des sols.

4. Agir plus rapidement face au risque sanitaire

Être plus réactifs face aux risques pour la santé provoqués par ce type de pollution : c'est le quatrième axe du rapport. Les sénateurs proposent de créer des centres régionaux de santé environnementale. Saisis par le Préfet, par l'Agence régionale de santé, par les élus locaux ou par les associations de riverains en cas de suspicion de risques pour la santé liés à une pollution des sols, ces centres régionaux pourront lancer l'établissement d'un plan de surveillance et de gestion des risques. Ce qui pourra déboucher sur des campagnes de dépistages et d'études de santé sur la population environnante, mais aussi sur la mise en sécurité du site ou sur des mesures correctrices imposées à l'industriel concerné.

5. Aménager et réhabiliter les friches industrielles

L'espace Darwin à Bordeaux, le projet de réhabilitation Fives-Cail à Lille, ou encore la friche Belle-de-Mai dans la cité phocéenne sont autant d'exemples qui montrent qu'il est possible de reconvertir d'anciens sites industriels en zones d'activité. Les plus de 300.000 anciens sites industriels que l'on dénombre en France représentent selon l'Agence de la transition écologique (ADEME) un total de 150.000 hectares de friches. Mais le coût de dépollution de ces sites est souvent faramineux ! Un obstacle de nature à décourager les potentiels investisseurs de s'engager dans un tel projet. Afin de pallier ce problème et de réparer les dommages liés à la pollution, la commission propose la création d'un fonds national de réhabilitation des sites et sols pollués, qui sera géré par l'ADEME. Ce fonds, doté d'un budget annuel de 75 millions d'euros, sera en partie alimenté par les amendes qui devront être payées par les entreprises responsables de pollution des sols.