
Incendies en Amazonie : La France au centre de la tourmente
Par ARTHUR CATHERINE
Assistant Juriste Droit des Affaires
CABINET HAUSSMANN LEGAL
arthur.elie.catherine@hotmail.fr
Posté le: 26/09/2020 16:18
Il y a un an, l’Amazonie connaissait le plus grande drame de son histoire après que de multiples vastes incendies aient ravagé ce que l’on considère comme le « poumon vert de la Terre ». Près de 22.250 foyers d’incendies avaient été comptabilisés en 2019, ce qui éveilla inexorablement la conscience collective mondiale. "Nous devons répondre à l'appel de la forêt qui brûle aujourd'hui en Amazonie, de manière très concrète, nous allons agir", avait déclaré Emmanuel Macron. Les incendies qui ravageaient alors cette forêt tropicale avaient occupé une partie des discussions du sommet du G7 de Biarritz.
Cependant, entre le 16 juillet et le 15 août 2020, 20 473 nouveaux foyers d'incendies ont été comptabilisés en Amazonie. Selon l'ONG Greenpeace Brésil, quinze mille foyers d'incendies ont été recensés au cours des deux premières semaines d'août, en se basant sur les données de l'Institut national des recherches spatiales (INPE).
Aujourd’hui, ce sont près de 24 ONG de défense de l’environnement qui reprochent à la France sa responsabilité dans les nouveaux incendies qui sont survenus durant ce mois d’août. Alors qu’il y a encore un an, les incendies en Amazonie suscitaient une forte émotion partout dans le monde il est « révoltant de constater cette année non seulement que les incendies recommencent dans des proportions similaires mais qu’en plus absolument rien n’a été fait pour mettre un terme à la destruction irréversible de la plus grande forêt tropicale du monde » s’étonne Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France.
Plus encore, bien que la France ait pourtant publié en novembre 2018 une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) d’ici à 2030, il semblerait que la « France n’ait entrepris aucune action significative » fustige Cecile Leuba. Selon cette dernière, « la SNDI n’est associée à aucune mesure concrète malgré les changements successifs de ministres ». En réalité, la SNDI reste malheureusement non-contraignante et son application se fait encore attendre pour avoir un réel impact sur la déforestation engendrée par la France. Des propositions techniques ont été élaborées et validées pour mettre fin aux importations de soja à risque, mais faute d'un portage politique et interministériel fort, elles restent pour l'instant lettre morte à quelques mois de l'échéance que la France s'est-elle même fixée dans le cadre de la déclaration d'Amsterdam.
Sous l'impulsion du président brésilien Jair Bolsonaro, la déforestation continue de progresser à un rythme alarmant. L'INPE (Institut national de recherche spatiale brésilien) indique que 9 212 km2 de forêts, soit une superficie légèrement plus grande que la Corse, ont été abattus entre août 2019 et juillet 2020, soit 34,5% de plus qu'en 2018-2019. L'Amazonie et les précieux écosystèmes d'Amérique du Sud disparaissent en grande partie pour laisser place aux pâturages pour l'élevage de bœufs et aux cultures de soja.
Greenpeace France dénonce la « culpabilité » du gouvernement brésilien et la « complicité » du gouvernement français pour ses importations massives de soja destinées à nourrir les animaux d'élevage. La France importerait entre 3,5 et 4,2 millions de tonnes par an de soja d'Amérique du Sud, où cette culture contribue à la déforestation et à la destruction d'écosystèmes naturels. « La France continue à importer massivement du soja sud-américain pour nourrir ses animaux d'élevage, sans aucune garantie que ces importations ne contribuent pas à la déforestation et à la destruction d'écosystèmes précieux », critique Greenpeace.
Greenpeace demande au Gouvernement de « prendre de toute urgence » des mesures permettant d'accélérer la mise en œuvre de la SNDI et « de relever son niveau d'ambition ». La pétition, lancée fin juillet par l'Association contre la déforestation importée, a déjà réuni plus de 70 000 signatures
Les rapports des ONG vont plus loin et pointent du doigt un grand nombre de sociétés françaises accusés de méconnaitre leur devoir de vigilance. C’est le cas notamment pour les enseignes CARREFOUR et CASINO soupçonnés d’effectuer un double jeu en commercialisant dans leurs magasins brésiliens de la viande issue de la déforestation. Plusieurs géants bancaires français font aussi l’objet de critique et notamment en ce qu’ils vantent leurs efforts pour une finance verte mais injectent des milliards pour soutenir les responsables de la déforestation.
Il faut savoir que depuis 2017, ces grandes entreprises sont soumises à la loi sur le devoir de vigilance. Il leur incombe de mettre en œuvre des mesures de prévention des atteintes graves aux droits humains et à l'environnement qui résultent de leurs activités et de celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants.
Pourtant, un rapport de 2018 du Carbon Disclosure Project rapporte que 70% des 1 500 entreprises à risques interrogées sur leur engagements "zéro déforestation" pour 2020 n'avaient pas évalué les impacts de leurs chaînes d'approvisionnement, étape préalable à la mise en place de plans d'actions efficaces pour lutter contre la déforestation.
Les incendies survenus en Amazonie ce mois d’août soulève une nouvelle fois les enjeux environnementaux qui repose sur la France, que ce soit au regard du devoir de vigilance des entreprises ou encore les relations diplomatiques et économiques entre le Brésil et la France. Les ONG se rassemblent sous une même voix pour que des mesures d’urgences soient prises en considération de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI).