(*) Introduction
Au commencement de la crise sanitaire, un certain nombre de salariés avaient exercé leur droit de retrait, parmi eux, nous retiendrons les salariés et agents de la RATP, Louvre, Keolis ou encore Transdev. Mais alors que 6 mois se sont écoulés, que les moyens de protection à la transmission du virus, ainsi que les mesures de santé et sécurité au travail sont rodées dans les entreprises, l’augmentation actuelle de personnes positives au Covid-19 en France doit-elle faire craindre une augmentation de l’exercice du droit de retrait pour la rentrée de septembre 2020 ?

(*) Droit de retrait et Code du travail
Pour rappel : Le droit de retrait est prévu par les articles L4131-1 et suivants du Code du travail :
« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d'une telle situation.
L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment à cause d'une défectuosité du système de protection ».

(*) Le Gouvernement des conditions non-réunies depuis le début de crise
Le Gouvernement quant ’à lui précisait déjà dans un Question Réponse du 28 février 2020:
« Les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies. Si les recommandations sont suivies, le risque pour les autres salariés est limité […], d’après les données épidémiologiques disponibles à ce jour ».
Le ministère du Travail de préciser en avril 2020 dans une fiche récapitulative : « Sécurité et santé des travailleurs : les obligations générales de l’employeur et sa responsabilité » : « Il n'incombe pas à l'employeur de garantir l'absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s'ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement ».

Autrement dit, tant que l'entreprise prouverait qu'elle respecte le « protocole » défini par les autorités, le recours au droit de retrait serait très certainement jugé abusif. Peu importe si une infection au Covid-19 est advenue ou non dans les locaux.


(*) Droit de retrait dans la pratique
Si aucun préavis n’est nécessaire, l’employeur doit être averti en amont et connaître précisément les raisons de ce retrait. Or, comme l’indique l’INRS, le salarié n'a pas à prouver qu'il y a bien un danger, mais doit se sentir menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie, en raison par exemple d’une installation non conforme ou encore de l’absence d’équipements de protection individuelle. C’est bien au salarié d’apprécier au regard de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience si la situation présente pour lui un danger « grave » et « imminent » pour sa vie ou sa santé. En clair : c’est le sentiment d’être en danger qui prime sur le risque réel.


(*) Invoquer le droit de retrait par peur des transports public ?
Le trajet domicile-travail ne relèvent pas de la responsabilité de l'employeur. Il est par conséquence impossible de faire jouer son droit de retrait en raison du risque d'exposition au Covi-19 durant son déplacement.

En revanche, qu’adviendrait-il d’un salarié faisant jouer son droit de retrait en raison de son anxiété et sa peur de contracter le Covid-19 dans l’entreprise compte tenu du nombre de collègues empruntant les transports publics ?
Rappelons à ce propos que le 11 mai 2010, la Cour de Cassation a pour la première fois, en France, reconnu un droit à une indemnisation pour des personnes ayant été exposé à un risque de contamination mais qui n’ont pas encore développé de maladie, durant les fameux procès liés à l’amiante qui ont consacré le « préjudice d’anxiété ».

(*) Recours et propos conclusifs
S’il estime que l’exercice du droit de retrait est abusif, l’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.
L’exercice non fondé de ce droit ne caractérise pas l’existence d’une faute grave, mais peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Enfin, le cas échéant, ce sera au juge prud'homal de trancher en cas de contentieux et d’apprécier les éléments pouvant faire penser que le maintien au poste de travail présente un danger grave et imminent notamment à la lumière de possibles nouvelles anxiétés résultant de 6 mois de crise sanitaire combinées à la peur de certains salariés de revenir physiquement en entreprise.


(*) Principales références :
Extrait du Document : « Question/Réponses pour les entreprises et les salariés » du Ministère de la solidarité et de la santé » https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/coronavirus_entreprises_et_salaries_q-r.pdf.

Extrait de la fiche : Sécurité et santé des travailleurs : les obligations générales de l’employeur et sa responsabilité, publié le20.04.20 mise à jour01.05.20
https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/proteger-les-travailleurs-les-emplois-les-savoir-faire-et-les-competences/proteger-les-travailleurs/article/securite-et-sante-des-travailleurs-les-obligations-generales-de-l-employeur-et#:~:text=Ainsi%2C%20il%20n'incombe%20pas,toutes%20les%20mesures%20utiles%20pour

Les arrêts amiantes : http://www.victimes-amiante.org/prejudice-anxiete-amiante.php