Introduction

Apparu dans les années 30, c’est véritablement dans les années 1970 que le paysage international a été marqué par des changements dans les modes de fabrication du droit public et la prolifération d’instruments de Soft law, dont la portée juridique et politique, contrairement au droit des traités, n’était pas clairement définie.
En matière de théorie générale du droit, il y a règle de droit lorsque le non-respect d’une prescription entraîne une sanction négative – la règle de droit étant une norme créatrice d’obligations, à savoir l’obligation de donner, de faire ou de ne pas faire. Cette sanction est en principe prévue d’avance par les textes en vigueur. Elle est mise en œuvre grâce à des procédures de contrainte. Par conséquent, un texte ou un instrument international qui a une force obligatoire, produit un effet de droit, nous sommes ici dans la Hard law.
Cependant ce qui caractérise le droit dur est aussi ce qui le limite, car il restreint le comportement des acteurs, mais aussi leur action souveraine.
La Soft law propose des instruments dynamiques, adaptables selon les circonstances plus ou moins incertaines. Ces instruments sont en particulier modulables selon les préférences, les intérêts ou les valeurs des acteurs et leur force d’influence.


Pourquoi la Soft law ?

« Dans le paysage international, le développement de l’usage de la Soft law conduit à ce que les concepts traditionnels du droit en tant que contrainte ou limite, cèdent la place à une gamme juridique à graduation diversifiée face au droit dur inscrit dans les textes » (P. M. EISEMANN, « The gentleman’s Agreement comme source du droit international », Journal du Droit International, 1979, p. 329). Deux types d’explications sous-tendent cette évolution.
1. D’un côté, les acteurs internationaux ont de plus en plus besoin d’instruments normatifs adaptés et différenciés, en fonction de la nature et du niveau de l’action entreprise.
2. « De l’autre côté, les gouvernements nationaux préfèrent souvent éviter les engagements contraignants au niveau international, afin de limiter la délégation de leur autorité à d’autres centres de pouvoir » (K. W. ABBOTT and D. SNIDAL, “Hard and soft law in international governance”, International Organization, vol. 54, n° 3, Summer 2000, p. 453).


Histoire :

Dans les années 70, lors de l’apparition du concept de soft law, il était difficile de qualifier juridiquement des actes non obligatoires adoptés d’un commun accord par la collectivité de certains États en vue de définir des principes et des orientations politiques. Etant donné qu’il ne s’agissait pas du droit conventionnel, la qualification « d’actes unilatéraux internationaux » semblait être inoffensive, lui a été préféré le terme de Soft law.
Où trouve-t-on de la Soft law?
On trouve la notion de Soft law en droit de l'environnement, mais aussi dans les constitutions (la nature même des droits-créances) et dans les lois contemporaines.
Les instruments du Soft law constituent un moyen subsidiaire du droit international public. En tant que source matérielle du droit international public, ils appartiennent à l’ordre (juridique) international.
Qui crée de la Soft law ?
Un texte crée de la Soft law quand il se contente de conseiller, sans poser d'obligation juridiquement sanctionnée.
« Sous la poussée de la mondialisation et de la globalisation de l’économie, l’État a perdu son rôle de monopole dans la production normative au profit d’institutions pluri-étatiques ou supra- étatiques » (N. De SADELEER, « Les approches volontaires en droit de l’environnement, expression d’un droit post-moderne »).
Ainsi, comme l’illustre le schéma inspiré de la Pyramide Hans Kelsen en page 3, l’UE produit sous la forme d’Avis, de Recommandation ou de Circulaire de la Soft law. De la même manière le droit international public, notamment environnemental est un producteur important de Soft law.


Zone grise : Frontière entre Soft law et Hard law :

Dans la pratique, il y a de nombreuses lois dont l'application est peu sanctionnée et/ou contrôlée, ce qui tend parfois à complexifier la distinction entre « droit mou » et « droit dur » (Klarsfeld et Delpuech, 2008).
A ce sujet, M. Virally note qu’il est assez difficile « de parvenir à une distinction nette et rigoureuse entre obligation juridique et absence d’obligation juridique, formulée dans des termes qui permettraient de faire disparaître toutes les incertitudes, le plus souvent volontaires, que recèle la pratique ».
Reconnaitre de la Soft law
Les actes élaborés avec les instruments du soft law ont plutôt un caractère programmatique que normatif. Il s’agit d’une sorte de pré-droit. Leur contenu est souvent insuffisamment précis et produit, selon I. Seidl-Hohenveldern, des engagements dénoués (« loose commitments ». C’est une sorte de “soft obligation” (“soft liability ”) pour laquelle, malgré tout, la sanction n’est pas totalement absente. Le caractère pré-juridique, para-juridique ou pour certains « informel » de ces instruments internationaux, dont la légitimité serait difficilement récusable, serait l’indice » (G. Feuer ; voir G. FEUER & H. CASSAN, Droit international du développement, 2e éd., Dalloz, 1991) pour reconnaître lorsque l’on est en présence de Soft law.


Intérêt de la Soft Law

L’intention des États et des organisations internationales, qui font usage des instruments du Soft law, dès lors que cette conduite est jugée conforme, est d’influencer leur conduite mutuelle de façon normative, permissive ou prohibitive. Les actes du Soft law peuvent imprimer un regain de vigueur à l’activité normative internationale en prolongeant ou élargissant son champ d’application en amont comme en aval. Mais ils peuvent tout aussi bien n’intervenir qu’en tant qu’acte de diversion.
La prise de décision est basée sur le pur consentement. Il est plus simple d’accorder son consentement à un acte dont on sait qu’il comporte peu d’engagement juridique.
Par exemple, de nombreuses prescriptions des codes de conduite se prêtent difficilement à une sanction juridique du fait de leur contenu trop vague ou de la nature des comportements visés. Dans ce contexte, un danger surgit concernant les divergences d’interprétation, mais, plus grave encore, les illégalités contre lesquelles il n’y aurait pas de recours.
Un accord international, à portée non seulement politique et morale, mais aussi juridique, doit avoir l’approbation parlementaire. Le Soft Law permet de s’exempter de l’approbation parlementaire.
En dépit de son caractère faiblement contraignant ne doit pas être confondu avec l’importance du contenu (tracer la ligne politique sur une question par exemple).
Autrement dit, un acte faiblement contraignant peut être politiquement contraignant et influer comme moyen de pression politique ; ainsi l’opposition d’un État à un acte peut l’obliger à se tenir sur la défensive et à expliquer sa position. Mais, un acte du Soft law peut être aussi un élément initiateur de la coutume ; c’était le cas avec la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.


Les fonctions du Soft law
Une première fonction de ces instruments serait de constituer un préalable à la formulation du droit dur (hard law). Ils peuvent constituer des actes préparatoires des décisions sans pour autant constituer une base juridique dérivée.
Une autre fonction serait d’accompagner un acte institutionnalisé, quand le dossier concerne des matières qui se chevauchent et qui ne permettent pas d’être traitées avec les mêmes outils juridiques (rôle complémentaire).
La Soft law, à travers son caractère plus ou moins programmatique, procure aussi un cadre de discussions et de négociations futures entre les États. On peut noter le cas d’usage purement « symbolique » que constitue l’annonce d’intentions, afin d’éviter de traiter vraiment la question en prenant une décision contraignante avec des conséquences lourdes.


Détracteurs ou partisans de la Soft law ?

Le droit mou ou souple trouve des défenseurs en France : l'ex-président du Sénat, Christian Poncelet, considère que « la demande sociale en lois nécessite une réponse adaptée, et que l'inflation législative n'est pas un problème ».
Aux antipodes, un rapport de 2007 du Parlement Européen soulignait « que la notion de soft law ne devrait jamais être utilisée ni invoquée dans aucun document officiel des institutions européennes » (Document de séance, 28.6.2007, RAPPORT sur les implications juridiques et institutionnelles du recours aux instruments juridiques non contraignants (soft law), http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A6-2007-0259+0+DOC+PDF+V0//FR).


Problèmes et risques majeurs de la Soft law :

La prolifération du droit mou rend le droit moins accessible aux citoyens en noyant les dispositions obligatoires.
Il participe au mouvement de dégradation de la loi comme source de droit au profit de la jurisprudence, en laissant au juge le soin de décider si une disposition est obligatoire. Il peut créer des conditions d'insécurité juridique.
Quant ’au droit international contemporain peut s’avérer inopérant à force de privilégier l’usage d’actes non contraignants.


Pays de common law

Dans d'autres États européens et dans les pays de common law, les objectifs d'une loi lui sont intégrés et cela facilite l'interprétation de la loi. La jurisprudence constitutionnelle étrangère n'annule pas les dispositions de droit mou, les considérant comme des absences de normes, donc pas attaquables.


L’ampleur de la Soft law a poussé le Conseil d’État de produire un rapport pour l’encadrer.

La Soft law a pris une telle ampleur qu’en 2013, c’est au Conseil d’État de produire un rapport qui entend encadrer ce dernier pour en limiter son potentiel insécurité juridique. Ce rapport annuel sur le droit souple s'inspire notamment de la théorie développée par Catherine Thibierge dans "Le droit souple, Réflexion sur les textures du droit". Le Conseil d'état emprunte la théorie selon laquelle la distinction entre droit souple et droit dur ne serait pas binaire mais qu'elle serait graduelle.
« Le Conseil d'état vient poser trois conditions pour qu'un acte administratif soit un acte de droit souple;il doit avoir pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ; il ne doit pas créer par lui même de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ; il présente, par son contenu et son mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit » (La Documentation française, « Etude annuelle 2013 du Conseil d'Etat - Le droit souple » [archive], sur www.ladocumentationfrancaise.fr; consulté le 20 octobre 2019).


Conclusion

Le Soft law permet qu’un champ d’action élargi soit mis à disposition des gouvernements nationaux au niveau international
« Le fait qu’ils se produisent hors des contraintes afférentes aux mécanismes internationaux, donne une marge de manœuvre importante aux gouvernements en vue de prendre des décisions concertées. Ainsi, l’usage croissant des instruments du soft law procure des incitations juridiques pour la création et l’exercice d’un nouveau type de pouvoirs » (K. C. WELLENS & G. M. BORCHARDT, “Soft law in European Community law”, European Law Review, vol. 14, n° 1, February 1989, p. 309).
« Dans le cas du soft law, au lieu de parler de règles de droit, il serait peut être préférable de parler de règles de comportement qui sont établies selon la volonté des parties. Etant donné le fait que ces règles ne sont pas reconnues comme source d’obligations juridiques, elles constituent plutôt un facteur qu’une source de droit. Elles activent au final la fonction politique des parties, celle du pouvoir « de justifier et persuader » (H. HILLGENBERG, “A fresh look at Soft Law”, European Journal of International Law, vol. 10, n° 3, 1999, p. 515).