Dès le début de l’état d’urgence sanitaire, 24 mars 2020, la préfecture de police de Paris a annoncé qu'elle utiliserait des drones pour assurer le bon fonctionnement du confinement. Elle précise également que ce recours aux drones s'effectue dans le cadre « d’un système complet de surveillance et de contrôle de l'espace public dans le cadre de mesures de confinement destinées à protéger la population de la transmission du coronavirus».

Mais leur utilisation est-elle légale en France ?

L’utilisation des drones est régie par les arrêtés du 17 Décembre 2015 , arrêté du 18 Mai 2018 modificatif et le décret du 2 Février 2018 relatif à la formation exigée des télépilotes. Ces textes interdisent leur usage dès lors qu'ils survolent un domicile privé ou lors d’un survol à plus de 150 mètres de hauteur. Ceci s'ajoute à l'obligation d'avoir un certificat de télépilote délivré par la DGAC (Direction générale de l'Aviation civile), et de suivi de la formation pratique délivré par l'opérateur en charge de la formation.

Cependant, la police est autorisée à l'utiliser eu égard du contexte actuel lié à l’épidémie du Covid-19 et en vertu de l'ordonnance du 23 mai 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire. Néanmoins, bien que réglementée par les textes ci-dessus, leur utilisation soulève des questions sur l’atteinte de la vie privée.

Leur utilisation porte-elle une atteinte grave et illégale au respect de la vie privée ?

L’article 9 du code civil stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

Dans un recours en référé auprès du tribunal administratif de Paris, la Quadrature du net et la Ligue des droits de l’homme ont demandé au juge statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020. Ils ont avancé «qu’un tel dispositif affecte directement et sérieusement l'exercice des droits fondamentaux dans l'environnement numérique et les libertés individuelles en matière de traitement informatisé des données, exposant la population à une surveillance illégitime».
Le 5 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours pour erreurs de droit et de fait mais enjoint au préfet de police de Paris de cesser immédiatement, à compter du prononcé de l’ordonnance, de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter, sous astreinte de 1024 euros par jour de retard.

Pour faire suite, le Conseil d'Etat a rendu lundi 18 mai 2020 sa décision. Il annule à cet effet l’ordonnance du juges des référés du tribunal administratif 5 mai 2020 et déplore la violation de la vie privée et des données personnelles impliquées par les drones. C'est ce qui a motivé sa décision de demander l'arrêt immédiat de leur utilisation : « Compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire (…) caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ». Cette décision est exécutoire et prend effet dès 18 mai 2020.

Le conseil précise également que pour pouvoir reprendre leur vol, les drones de police doivent être équipés d'un système bloquant l'identification des personnes sur la voie publique, afin de respecter leurs données personnelles et leur vie privée.

La CNIL s'interroge sur ces pratiques depuis le début de l’état d’urgence sanitaire. Elle a effectué des contrôles auprès du ministère de l'Intérieur concernant l'utilisation de drones dans plusieurs villes. Ces enquêtes portent à la fois sur la situation actuelle et sur ce qui s'est passé pendant la période de confinement. Dans l'attente d'une réponse du ministère de l'Intérieur, la CNIL indique qu'elle prendra position sur cette pratique.