Qualité de l'air intérieur
Par Jessica BOUYOUCOS
juriste contrats - environnement
ALLIANZ
Posté le: 07/06/2011 23:27
L’exposition par inhalation de divers polluants situés dans les espaces clos est quotidienne. Depuis peu, le législateur a pris des mesures visant à lutter contre cette pollution dont les effets néfastes ne sont pas encore tous connus.
La problématique liée à la qualité de l’air intérieur fait intervenir de nombreux acteurs dont l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) ayant pour rôle de coordonner la surveillance réalisée par les Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). L’ADEME participe également à l’élaboration de valeurs guides sur l’air intérieur, de protocoles d’évaluation des produits de construction ainsi qu’à la mise au point de méthodes ou stratégies de surveillance de l’air intérieur dans les Etablissements Recevant du Public (ERP) et ce, en coopération avec l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET).
L’Observatoire de la Qualité de l’Air intérieur joue également un rôle important. Ce dernier est placé sous la tutelle des ministères chargés de la construction, de la santé et de l’écologie. Il a pour mission de réunir des connaissances sur les polluants de l’air afin d’aider à l’établissement de politiques publiques de prévention des risques dans les espaces clos.
Poursuivant la voie lancée par le Plan National Santé Environnement, la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 » a introduit au sein du Code de l’environnement une section relative à la qualité de l’air intérieur prévoyant des mesures concrètes pour lutter contre la pollution (I).
Un projet de décret relatif à la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public est soumis à consultation du public jusqu’au 10 juin sur le site internet du ministère de l’Ecologie (II).
I. La réglementation issue de la loi « Grenelle 2 »
1. Rôle de l’Etat et champ d’application de l’obligation de surveillance
L’importance de la surveillance de la qualité de l’air intérieur fait l’objet d’une prise de conscience croissante de la part des pouvoirs publics. Celle-ci se traduit par un rôle accru de l’Etat et par un champ d’application de la loi relativement large.
L’article L221-7 du Code de l’environnement précise le rôle de l’Etat. Ce dernier est chargé de coordonner les travaux d’identification des facteurs de pollution ainsi que d’évaluer les expositions et les risques sanitaires relatifs à la qualité de l’air dans les environnements clos. L’Etat doit également élaborer des mesures de prévention et de gestion destinées à réduire l’ampleur et les effets de la pollution. Enfin, pèse sur l’Etat une obligation d’information du public sur les connaissances et travaux relatifs à cette pollution.
L’article L221-8 du Code de l’environnement met à la charge du propriétaire ou de l’exploitant une obligation de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public déterminés par décret en Conseil d’Etat et ce, lorsque la configuration des locaux ou la nature du public le justifie.
2. Mise en œuvre de la surveillance
La surveillance est assurée aux frais du propriétaire ou de l’exploitant. Ils peuvent s’appuyer sur des organismes agréés visés par l’article L221-3 du Code de l’environnement c’est-à-dire les représentants de l’Etat et de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, les collectivités territoriales, les représentants des diverses activités contribuant à l’émission des substances surveillées, les associations de protection de l’environnement et des consommateurs.
Les conditions de réalisation de la surveillance et les conditions auxquelles doivent répondre les personnes et organismes chargés de la surveillance sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Il fixe également les conditions d’information du représentant de l’Etat et celles dans lesquelles il peut prescrire à la charge du propriétaire ou de l’exploitant la réalisation des expertises nécessaires à l’identification de la pollution ou à la préconisation de mesures correctives. Enfin, le décret donne la liste des polluants de l’air intérieur objet de la surveillance ainsi que les méthodes de prélèvement et d’analyse à employer.
II. Le projet de décret
1. Champ d’application
L’obligation de surveillance de la qualité de l’air pèse sur les propriétaires ou exploitants des établissements publics ou privés d’accueil collectif d’enfants de moins de 6 ans (avant le 1er janvier 2015 ou avant le 1er janvier 2018 pour les écoles élémentaires), les accueils de loisirs, les établissements d’enseignement ou de formation professionnelle du premier et second degré (avant le 1er janvier 2020), les établissements sanitaires et sociaux disposant d’une capacité d’hébergement (avant le 1er janvier 2023 ou avant le 1er janvier 2021 pour les établissements accueillant des personnes âgées), les piscines couvertes et enfin les établissements pénitentiaires pour mineurs (avant le 1er janvier 2023).
Pour les établissements ouverts au public après ces dates, la première surveillance périodique devra être effectuée au plus tard au 31 décembre de l’année civile suivant l’ouverture de l’établissement.
La surveillance doit être renouvelée dans les sept ans suivant la réception des résultats de mesure de la précédente campagne de surveillance.
Si, pour un des polluants mesuré le résultat des analyses dépasse les valeurs préconisées, alors la surveillance de l’établissement doit être renouvelée dans un délai de deux ans au maximum.
2. Mise en œuvre de la surveillance
Un pré-diagnostic des bâtiments doit être réalisé. Son contenu et ses modalités de réalisation sont fixés par décret en fonction de chaque catégorie d’établissement.
Les pré-diagnostiques sont réalisés par des organismes accrédités répondant aux exigences définies par un arrêté des ministres chargés de l’écologie, de la santé, de la construction et de la justice.
Une fois le pré-diagnostic réalisé, et dans les 30 jours de sa visite, l’organisme doit transmettre son rapport au propriétaire ou à l’exploitant.
Les mêmes organismes accrédités doivent réaliser des prélèvements et analyses de polluants. L’organisme qui a effectué les analyses des polluants doit transmettre à l’organisme qui a effectué les prélèvements les résultats d’analyse de mesure des polluants dans un délai de 45 jours suivant la fin des prélèvements. Par la suite, l’organisme qui a effectué les prélèvements des polluants doit transmettre les résultats d’analyse au propriétaire ou à l’exploitant de l’établissement et ce dans un délai de 15 jours suivant leur réception.
A la communication des résultats doit être assortie une information sur les valeurs-guides c’est-à-dire les valeurs au delà desquelles, d’une part, des investigations complémentaires afin d’identifier les causes de la présence de pollution dans l’établissement doivent être menées par le propriétaire ou l’exploitant – ils doivent également fournir les éléments nécessaires au choix de mesures correctives pérennes et adaptées à la pollution – et d’autre part, le préfet de département du lieu d’implantation de l’établissement doit être informé des résultats par les organismes sous 15 jours de leur réception.
Il pèse sur le propriétaire ou l’exploitant une obligation de diffusion des résultats et mesures mis au regard des valeurs-guides. Les modalités de la diffusion sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’écologie, de la santé, de la construction et de la justice.
De plus, le propriétaire ou l’exploitant doit conserver le rapport de pré-diagnostic et le mettre à la disposition, pendant au minimum vingt ans, des officiers et agents de police judiciaire, des personnes chargées de l’inspection des installations classées, des fonctionnaires et agents appartenant aux services de l’Etat chargés de l’Environnement, de l’Industrie, de l’équipement, des transports, de la mer, de l’agriculture, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des agents des douanes et enfin des ingénieurs et techniciens du laboratoire central et des inspecteurs de salubrité de la préfecture de police.
En cas de non réalisation de la surveillance périodique ou de l’expertise le propriétaire ou l’exploitant est passible d’une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe soit 1500 €. Le fait de réaliser un pré-diagnostic, un prélèvement ou une analyse sans disposer d’accréditation sera puni de la même peine. Les personnes morales peuvent également être déclarées responsables pénalement et subir une amende quintuplée.
Les conditions auxquelles doivent répondre les organismes chargés des mesures de surveillance, la liste des polluants surveillés, les méthodes de prélèvements et d’analyse à employer seront fixées prochainement par décret.