Alors que l’échéance du Brexit, prévue pour le 30 mars 2019, est arrivée depuis longtemps à son terme, et a bénéficié de nombreux report, aucun accord négocié avec l’Union européenne n’a été retenue par le parlement Britannique, entrainant ainsi le risque d’un Brexit sans accord. Une nouvelle négociation d’accord est actuellement en cours devant la commission européenne. Quoi qu’il en soit, accord ou non, le retrait du Royaume-Uni de l’UE va avoir de lourdes conséquences en matière de transport.


Le législateur a donc décidé d’anticiper la situation d’un retrait du Royaume-Uni sans accord, en habilitant le gouvernement, par la loi du 19 janvier 2019, à prendre par voie d’ordonnance des mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. En matière de transport, deux ordonnances ont déjà été publiées, à savoir d’une part concernant le transport routier de personnes et de marchandises (1) et d’autre part, concernant la sécurité ferroviaire dans le tunnel sous la Manche (2). Elles visent à permettre « la continuité des flux de transport de personnes et de marchandises à travers le tunnel sous la manche ». Retour sur ce qui a été prévu dans ce domaine.



1. Transport routier de personnes et de marchandises:

Le transport routier de personnes et de marchandises constitue un point essentiel des échanges commerciaux entre la France et le Royaume-Uni. Or, en l'absence d'accord de retrait et de période de transition, et dans l'attente d'un accord bilatéral entre l'Union européenne ou la France, et le Royaume-Uni, les personnes établies ou résidant au Royaume-Uni ne pourront plus réaliser d'opérations de transport ni pour le compte d'autrui, ni pour leur propre compte en France ou via la France, de même que les personnes établies ou résidant en France ne pourront plus réaliser d’opérations de transport routier sur le territoire britannique en l’absence de réciprocité.

Le législateur a donc prit le 6 février 2019 une ordonnance visant à préparer le retrait du Royaume-Uni en matière de transport. Sont concernées par ce dispositif les opérations de transport routier de personnes et de marchandises entre la France et le Royaume-Uni (a), ainsi que la réalisation d’opérations de cabotage routier de marchandises (b). A noter que les modalités d’application de cette ordonnance seront fixées par décret, en tenant compte des spécificités de chaque type de transport par route.


a) Les opérations de transport routier entre la France et le Royaume-Uni:

Malgré l’existence d’autorisations multilatérales dites « Conférence européenne des ministres des transports » (CEMT) permettant une certaine continuité des transports routiers entre la France et le Royaume-Uni, ces dernières ne permettront pas de couvrir l’intégralité du flux de transport existant dans le cas d’un Brexit sans accord. Ainsi, l’ordonnance du 6 février 2019 vise à permettre, de manière temporaire et sous réserve de réciprocité, « la continuité des flux de transport de passagers et de marchandises entre la France et le Royaume unie à travers le tunnel sous la Manche ».

Par conséquent, les entreprises établies au Royaume-Uni pourront continuer d’effectuer des opérations de transport en France pour le compte d’autrui ou pour leur propre compte après le Brexit, sous réserve de remplir les conditions d’accès à la profession de transporteur routier de personnes ou de marchandises déterminées par la législation britannique. Elles devront disposer des titres administratifs de transport délivrés en application de cette législation. Il faut également noter que le Gouvernement français « sera attentif au maintien d'une concurrence loyale, notamment en matière sociale ; l'adhésion du Royaume-Uni à l'Accord européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route (AETR) apporte à cet égard des garanties en matière de temps de repos et de temps de conduite similaires au droit européen ».


b) Les opérations de cabotage routier de marchandises:

Les opérations de cabotage routier sont primordiales en France puisque représentant près de 1/3 du cabotage européen. Ainsi, il était nécessaire d’encadrer ce type d’opération entre la France et le Royaume-Uni, dans le cas où aucun accord ne serait pris avec l’Europe. Pour rappel, le cabotage routier de marchandises vise « la faculté, accordée à titre temporaire, à un transporteur de marchandises européen non-établi en France et titulaire d’une licence communautaire, de réaliser un transport routier de marchandises, entre deux points, sur le territoire national ».

Ainsi, l’ordonnance du 6 février 2019 permet aux personnes physiques ou morales établies au Royaume-Uni effectuant des transports routiers internationaux de marchandises, de réaliser des opérations de cabotage sur le territoire national dans les conditions fixées aux articles L. 3421-1 à L. 3421-10 du Code des transports. Cependant, en l’absence de mesures réciproques prises par la Royaume-Uni, les personnes physiques ou morales établies en France, effectuant des transports routiers internationaux de marchandises ne pourront pas effectuer d’opérations de cabotage sur le territoire britannique. L’ordonnance prévoit donc un délai de deux mois à compter du 30 mars 2019 afin que le gouvernement britannique prenne des mesures réciproques.




2. Sécurité et sûreté ferroviaire dans le tunnel sous la Manche :

Depuis 1986, la commission intergouvernementale (CIG) gère, pour les gouvernements français et britannique, l’ensemble des questions liées à l’exploitation du tunnel sous la Manche et assure le rôle d’autorité binationale de sécurité ferroviaire sur l’ensemble de la ligne. A ce titre, il vient délivrer les autorisations de circulation des véhicules ainsi que la partie B des certificats de sécurité des entreprises ferroviaires empruntant la liaison fixe du tunnel, dont il assure le contrôle et le suivi. Avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE, la CIG ne pourra plus accomplir son rôle d’autorité de sécurité, le Royaume-Uni n’étant dès lors plus encadré par le droit européen. L’ordonnance du 13 février 2019 octroie donc l’ensemble des compétences de la CIG, concernant la France, à l’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) qui assure déjà le rôle d’autorité de sécurité nationale. L’EPSF devra se coordonner avec l’autorité de régulation qui sera désignée au Royaume-Uni afin d’assurer la continuité cohérente de la sécurité ferroviaire au sein du tunnel sous la Manche.

De plus, en matière de sûreté ferroviaire dans le tunnel sous la manche, l’ordonnance du 6 février 2019 prévoit un certain nombre de règles applicables pour la partie française de la liaison fixe trans-Manche. En effet, le cadre juridique de la sécurité ferroviaire pour la partie française reposait jusqu’alors sur des mesures mises en œuvre par la SNCF dans le cadre de la « consigne trans-Manche », avec un certain nombre de préconisations non contraignantes introduites par une « déclaration d’intention » franco-britannique. Ainsi, un Titre VII est rajouté au livre II de la seconde partie du code des transports, encadrant les mesures en matière de sûreté afin d’assurer la stérilité des trains, c’est-à-dire l’absence d’introduction d’objet dangereux et de personnes non autorisées dans les zones de sûreté.



Il faut noter que les dispositions de ces deux ordonnances s’appliqueront à la date d’entrée en vigueur du Brexit, sous réserve de l’adoption d’un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Elles resteront applicables jusqu’au 31 décembre 2019 (ou 2020 si un décret vient les prolonger), dans l’attente d’un accord bilatéral entre la France ou l’Union européenne, et le Royaume-Uni. A noter qu’en l’absence de dispositions équivalentes prises par le Royaume-Uni, le législateur est habilité à suspendre ces dispositions par décret.




Sources :
LOI n° 2019-30 du 19 janvier 2019 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Ordonnance n° 2019-78 du 6 février 2019 relative à la préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en matière de transport routier de personnes et de marchandises et de sûreté dans le tunnel sous la Manche
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-78 du 6 février 2019 relative à la préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en matière de transport routier de personnes et de marchandises et de sûreté dans le tunnel sous la Manche
Ordonnance n° 2019-96 du 13 février 2019 relative à la préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en matière de sécurité ferroviaire dans le tunnel sous la Manche
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-96 du 13 février 2019 relative à la préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en matière de sécurité ferroviaire dans le tunnel sous la Manche