
L’analyse des risques du stockage géologique du CO2 par l’INERIS
Par Sophie KARANIAN
Juriste en droit de la s�curit� et des risques
CEA Saclay
Posté le: 05/04/2011 9:19
L’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé, sur la sécurité des personnes et des biens, et sur l’environnement. Il mène des programmes de recherche visant à mieux comprendre les phénomènes susceptibles de conduire aux situations de risques ou d’atteintes à l’environnement et à la santé.
Cette étude a été effectuée dans le cadre du programme de recherche de l’INERIS « EVARISTE » sur la filière CSC. Il s’agit d’identifier les principaux risques liés au stockage, dans les aquifères salins profonds, du dioxyde de carbone mais aussi des impuretés qui y sont associées.
Le stockage géologique du CO2 est envisagé comme une des solutions possibles de traitement du carbone récupéré dans les processus expérimentaux de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CCS). Le but est de séquestrer le CO2 et ainsi lutter contre le réchauffement climatique.
A noter : Un aquifère salin est une formation géologique constituée de roches sédimentaires poreuses renfermant une eau salée et donc impropre à la consommation.
Ce rapport explique la méthodologie d’analyse retenue par l’INERIS (1), il identifie 6 scenarios de risque de migration des fluides, susceptibles de contaminer les aquifères ou d’émaner en surface (2), il propose une analyse des impacts sur la santé humaine et l’écosystème (3) et émet plusieurs recommandations (4).
1. La méthodologie d’analyse de l’INERIS
Cette méthodologie se fonde sur les pratiques d’analyse des risques industriels, la connaissance des mécanismes des mouvements de terrain, ainsi que l’évaluation de l’impact sanitaire des substances chimiques.
L’INERIS s’appuie notamment sur une analyse globale des risques adaptée à la filière CSC, en prenant en compte tous les risques générés par les 4 maillons de cette filière : le captage, le transport, l’injection et le stockage du dioxyde de carbone. Il prend aussi en compte plusieurs échelles de temps, depuis le court terme, à savoir la phase de conception et d‘exploitation, jusqu‘au long terme à l‘horizon d‘au moins un millier d‘années. Cette méthodologie permet d’examiner si la filière est ou non une solution fiable pour le stockage du CO2.
L’institut étudie également les impacts des impuretés associés au CO2. Il a donc répertorié l’ensemble des fluides présents et a de cette manière identifié trois substances annexes susceptibles d’être toxiques :
- les impuretés primaires injectées avec le CO2 lors de la phase de captage comprenant certains gaz comme le SO2, des métaux lourds…;
- les gaz présents dans le sous sol comme le méthane ;
- les impuretés secondaires issues de la perturbation de l’équilibre géochimique créée par l’injection du CO2 dans l’aquifère.
A partir de cette analyse, le rapport met en place plusieurs scénarios de fuite de ces substances suite au stockage du dioxyde de carbone.
2. Les principaux scenarios
Six scénarios ont été retenus, trois en situation de stockage normale et trois en situation altérée, c’est à dire en cas d’incident technique ou géologique.
- En conditions normales :
• fuites ponctuelles le long d’un puits (d’injection ou de surveillance) après son abandon et son colmatage. Il est possible que le ciment et les tubages en acier qui constituent le puits se corrodent au cours du temps sous l’effet de l’agressivité du CO2 dissous ;
• fuites diffuses de CO2 qui pourraient se produire dans la couverture réputée imperméable à la verticale du stockage géologique ;
• rejets ponctuels de saumure effectués pour réduire la surpression dans le réservoir due au fort débit d’injection du CO2.
- En conditions altérées :
• fuites ponctuelles de CO2 dues à l’atteinte d’un puits en fonctionnement et externe au site de stockage (ex : puits d’extraction d’hydrocarbures, forage géothermique profond…) ;
• fuites ponctuelles de CO2 depuis une faille majeure située à une certaine distance du puits injecteur, il devra s‘agir d‘une faille ouverte depuis la surface jusqu‘au réservoir de stockage ;
• fuites de saumure potentiellement contaminée par un puits abandonné, un puits extracteur, ou par une faille majeure.
3. L’analyse des impacts
➢ Les cibles concernées
L’institue vise deux cibles : l’homme et l’écosystème.
En effet en cas de fuite des substances remontant vers la surface, les aquifères pourraient être atteints, dont ceux exploités pour la production d’eau potable. En ce qui concerne les populations humaines, il peut exister un risque, en cas d’accumulation de gaz dans certaines zones, comme les garages souterrains et les tunnels, situés à proximité d’une zone de migration des fluides.
➢ Les substances préoccupantes
Il ressort de cette étude que certaines substances semblent plus dangereuses que d’autres, il s’agit notamment du plomb, du nickel et du mercure.
➢ Les impacts potentiels
Avec ce rapport, l’institue fournit une première estimation des impacts de ces scénarios sur la santé humaine.
Il envisage deux types d’exposition aux substances dangereuses :
- par ingestion d’eau issue de captage privée d’eau souterraine;
- par inhalation de substances organiques volatiles ou semi-volatiles présentes dans l’air ambiant à proximité d’une faille.
En ce qui concerne les scénarios étudiés, la fuite le long du puits d’injection est la plus probable mais elle n’aurait qu’un impact sanitaire faible. Les fuites de CO2 par une faille entraîneraient la contamination d’un aquifère d’eau douce. C’est la fuite massive par un puits mal colmaté extérieur au stockage qui aurait le plus d’impact mais il y a cependant peu de risque que cela se produise.
Il faut noter que cette évaluation des impacts a été faite en comparant uniquement les valeurs de concentrations maximales obtenues avec les valeurs limites de gestion dans l’au potable ou l’air. Les résultats de cette étude ont donc été obtenues à partir d’hypothèses majorant le risque pour l’homme et pour l’écosystème et dont la représentativité sur le terrain n’a pas été encore vérifiée.
4. Les recommandations
Au vu de ces résultats, l’INERIS émet plusieurs recommandations quant à l’utilisation du stockage géologique du CO2.
Ainsi, il considère que préalablement à toute démarche, les critères de choix des sites de stockage doivent être précisément déterminés comme par exemple la structure géologique, la perméabilité ou l’épaisseur de la roche.
Il indique également que, dès le stade de la conception d’un projet de stockage, des mesures de maîtrise du risque doivent être adoptées afin de limiter les fuites.
Enfin, il précise qu’il est important d’acquérir une meilleure connaissance des impuretés associées au dioxyde de carbone, ainsi que de collecter toutes les informations relatives aux incidents rencontrés pour remédier au faible retour d’expérience. Tout cela dans le but d’améliorer la sécurité de la filière CSC.