Concernant le suivi du produit et traçabilité, l’article L. 221-1-2 du code de la consommation, issu de l'ordonnance du 9 juillet 2004, établit le fondement d'une obligation de suivi à la charge du professionnel responsable de la mise sur le marché d'un produit, l'exigence de sa traçabilité qui en est le corollaire. Cette exigence fut spécifiquement déterminée par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999. Pour se tenir informé des risques présentés par les produits commercialisés suivant les mesures prévues par le code, figure l'indication de la référence d'un produit ou d'un lot, ce qui renvoie à la logique de la traçabilité.

Parmi les définitions de cette dernière, celle mentionnée par le règlement communautaire du 28 janvier 2002, relatif à la sécurité alimentaire, apparaît comme particulièrement précise, retenant « la capacité à retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution le cheminement d'une denrée alimentaire, d'un aliment pour animaux, d'un animal producteur de denrées alimentaires [...] » (règlement n° 173/2002, JOCE L 31 1er février 2002, p. 1). Pour l'ensemble des produits, la généralisation de la démarche qualité implique donc la traçabilité des produits concernés, ce qui avait déjà été recherché dans le cadre d'une démarche de normalisation pour l'attribution d'un label de qualité à des produits agro-alimentaires avant que la crise de l'encéphalite spongiforme bovine (ESB) ne conduise à considérer la traçabilité comme la sécurisation d'une chaîne de production et de distribution, avec également le but de rassurer le consommateur face aux incertitudes scientifiques.

Malgré les réticences à admettre le caractère positif du principe de précaution, dans des domaines proches du droit de l'environnement ce dernier a été retenu par le juge. Tel fut le cas des farines animales, stockées en agglomération et à proximité d'un fleuve, le tribunal administratif de Strasbourg fondant sa décision sur l'article L. 110-1 du code de l'environnement, lequel renvoie aux incertitudes liées aux connaissances scientifiques et techniques afin de justifier l'adoption de mesures « proportionnées » et à « un coût économiquement acceptable », destinées à prévenir un « risque de dommages graves et irréversibles » (TA Strasbourg 22 février 2002, Association de défense des intérêts du quartier Centre-Est de Strasbourg, AJDA 2002, p. 766, concl. R. Collier) ».

Les instances communautaires l'ont également consacré en matière d'OGM, la traçabilité devenant un instrument de mise en œuvre du principe, en valorisant d'ailleurs sa dimension procédurale. Cependant les incertitudes demeurent quant à la possibilité d'une extension de la relation entre traçabilité et principe de précaution au-delà du contexte environnemental.

La prévention du risque alimentaire et sanitaire peut assurément relever de l'exigence de prudence ou d'un principe de prévention, mais plus difficilement d'un principe de précaution. L'élaboration d'un processus de suivi de produits, avec la traçabilité, répond d'abord à l'exigence de la prudence, y compris lorsque les connaissances scientifiques ou techniques comportent une part d'incertitude. Cette démarche s'inscrit également, dans une logique traditionnelle de prévention, en permettant d'organiser le retrait de lots de produits pour lesquels les risques seraient avérés.
À cet égard, les contrôles répétés de la DGCCRF et la collecte d'informations qui en résulte faisant suspecter un risque à grande échelle entraînent une réaction de nature préventive. En ce cas, la référence à l'idée de précaution ressortit davantage à la logique comportementale.

Toutefois, sur le terrain juridique, une difficulté subsiste du fait de l'imbrication des exigences environnementales et sanitaires, situation qui est appelée à s'étendre. La présence des premières peut affecter les secondes. De plus, une analyse de la jurisprudence a permis d'étudier les liens entre l'idée d'anormalité et la responsabilité pour faute, alors qu'elle semblerait devoir se cantonner à la responsabilité pour risque. Cette évolution se produit par le rattachement de la normalité à l'idée même de faute, contribuant à consolider par conséquent le recours à la présomption. Mais cette dernière conduit à l'objectivation de la responsabilité pour des raisons d'équité et introduit au principe de précaution. La revendication explicite de ce dernier apparaît largement comme le reflet de l'importance accordée à la sécurité sanitaire, à laquelle se rattache directement la sécurité des produits.

Avec l'adoption de la Charte de l'environnement par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, son article 5 limite explicitement l'application du principe de précaution à l'action des autorités publiques. Toutefois, l'article 4 du texte indique que « toute personne » contribue à la réparation de dommages causés à l'environnement de son fait, ce qui pourrait conduire à réintroduire indirectement le principe de précaution, par l'appréciation du comportement d'un professionnel. Enfin, il convient de souligner que la solution retenue ne vise précisément que la protection de l'environnement. Pourtant, l'intérêt de la référence au principe de précaution est de mettre en relief le rôle déterminant de l'information dans la prévention des risques liés aux produits et services