Si le cadre juridique de la transition énergétique impose aux acteurs du transport routier de voyageurs à se conformer aux obligations imposées par ses sources et eu égard aux enjeux environnementaux découlant de celle-ci (I), la conformité seule ne suffit pas à réussir la transition énergétique. Si la conformité correspond tout d’abord à une exigence de conformité du comportement des acteurs économiques aux lois et règlements, la compliance ne saurait se limiter au seul constat de la conformité aux règles applicables. La portée de la compliance environnementale (II) mène les entreprises à aller plus loin que la conformité, à évaluer, en continu son exposition aux risques de sanctions – juridiques ou financières -, aux coûts destinés à permettre le retour à la conformité, et aux risques de dégradation de son image et de sa réputation.

TITRE 1 - Le cadre juridique de la transition énergétique dans le secteur du transport routier de voyageurs

De multiples facteurs bouleversent durablement l’écosystème du transport routier de voyageurs. Les nouvelles attentes des voyageurs en matière de transport, les réformes réglementaires, la réforme territoriale, la digitalisation, l’évolution des technologies, des infrastructures sont autant d’éléments qui amènent à repenser la mobilité et ses usages. Les enjeux environnementaux sont plus que jamais au cœur des préoccupations des acteurs du transport. La transition énergétique impose à l’entreprise de transport routier de voyageurs une obligation de conformité de par ses sources (Chapitre 1), dans le respect des enjeux environnementaux inhérents au secteur du transport routier de voyageurs (Chapitre 2).

Chapitre 1 –La transition énergétique, une obligation de conformité imposée par ses sources

La transition énergétique est devenue une préoccupation majeure pour le secteur du transport routier de voyageurs. Cette préoccupation est illustrée tant à l’international et au niveau européen (Section 1) au moyen d’objectifs de plus en plus précis, comme l’illustre sa transposition en droit interne (Section 2)

Section 1 - Les sources internationales et européennes

Paragraphe 1 – Des sources internationales encore peu contraignantes

Dans l’univers du droit international de l’environnement et son application au secteur du transport routier de voyageurs, il n’existait à ses débuts que des objectifs, souvent peu ambitieux, sans véritable ligne directrice pour la mesurer, la contrôler, y parvenir. Elle était ainsi préalablement d’une efficacité relative.
La mise en œuvre des sources internationales relatives à l’environnement et la transition énergétique ont commencé à prendre en compte l’impératif d’un changement des modes de déplacement, responsables pour une part significative des émissions de gaz à effets de serre ainsi que de la pollution atmosphérique, et contributrices a fortiori au réchauffement climatique. Au niveau international, l’objectif majeur était ainsi de limiter à 2°C le réchauffement climatique.

Paragraphe 2 – Des sources européennes plus ambitieuses

Par ailleurs, afin de réussir la transition énergétique dans le secteur du transport, l’Union Européenne s’est dotée de trois missions principales : la régulation des émissions polluantes, la limitation des émissions de CO2 et l’utilisation d’énergies renouvelables pour les carburants automobiles. Elle s’est dotée à cet effet d’une batterie de normes régulatrices relative à chaque moyen de transport donné, des objectifs échelonnés dans le temps suivies de contrôles réguliers afin d’ajuster les objectifs vers une mobilité toujours plus propre.

Section 2 - La transposition en droit interne

Paragraphe 1 – Les objectifs nationaux

La référence reste la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite loi TECV, qui consacre dans son Titre III un volet consacré au développement des transports propres pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé.
Elle prévoit la priorité aux modes de transport les moins polluants (Chapitre 1 de la LTECV), l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dans les transports (Chapitre 2), la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques et qualité de l'air dans les transports (Chapitre 3), des mesures de planification relatives à la qualité de l'air (Chapitre 4).
En 2017, trois décrets viennent préciser l’application de la LTECV. Ils donnent une définition des véhicules à faibles émissions (VFE) et imposent des obligations d’achat ou d’utilisation de ces véhicules à faibles émissions par les gestionnaires de flottes.

Paragraphe 2 – Les objectifs locaux

La réduction des polluants atmosphérique constitue un enjeu sanitaire majeur et constitue l’un des principaux volets de la loi sur la Transition Energétique pour la Croissance Verte.
A cet effet, le Plan National de Réduction des polluants Atmosphériques (PREPA) fixe les objectifs de réduction à horizon2020, 2025 et 2030. Par ailleurs, il prévoit la poursuite et l’amplification des mesures de la LTECV et des mesures supplémentaires de réduction des émissions dans tous les secteurs, ainsi que des mesures de contrôle et de soutien des actions mises en œuvre dans différents secteurs dont celui du transport.
Les Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), le plan de protection de l’atmosphère a pour mission, dans un délai qu’il fixe, de ramener la qualité de l’air à l’intérieur de la zone concernée par le dispositif, à des niveaux en conformité avec les normes européennes (valeurs limites).

Chapitre 2 : Les enjeux de la transition énergétique dans le secteur du transport routier de voyageurs

La transition énergétique dans le secteur du transport fait face à plusieurs enjeux et défis majeurs : la réduction de l’empreinte environnementale du transport (Section 1) qui passe par la réduction des émissions de GES (Paragraphe 1) et la réduction des émissions de polluants atmosphériques (Paragraphe 2).

Section 1 – La réduction de l’empreinte environnementale du transport

Paragraphe 1 – La réduction des émissions de GES

« Ce qui n’est pas mesuré ne peut être géré », « On ne gère bien que ce que l’on mesure », « On n’améliore que ce qui se mesure ».
La réglementation relative aux émissions de gaz à effet de serre vise à réduire la pollution globale, dont le CO2 fait partie, et ayant une incidence sur le réchauffement climatique global de la planète.
L’information GES des prestations de transport a pour objectif de sensibiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de transport à leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre, et de leur permettre d’orienter, le cas échéant, leurs choix vers des solutions moins émettrices. Il est à noter que l’information GES des prestations de transport devrait prendre en compte un ensemble comprenant la phase de fonctionnement (du carburant à la roue) et la phase amont (du puits à la roue), de l’extraction à son utilisation.

Paragraphe 2 – La réduction des émissions de polluants

Malgré une amélioration notable de la qualité de l’air depuis les années 1990, la pollution atmosphérique constitue toujours un enjeu majeur de santé publique. L’évaluation de l’impact de la pollution de l’air sur la santé humaine demeure difficile à appréhender. La pollution de l’air est un phénomène complexe, consécutif à l’associa¬tion d’un grand nombre de substances, qui interagissent de façons variables entre elles et avec l’environnement qui les entoure.
Aujourd’hui, la surveillance de la qualité de l’air répond à des standards européens et les pays membres de l’Union Européenne sont sanction¬nés lors de dépassements des seuils réglementaires. Ainsi, le secteur du transport est également soumis à une surveillance et à une diffusion de ses émissions polluantes, tout en se fixant des objectifs de réduction de celles-ci.
Il n’est donc plus rare que se multiplient les actions en responsabilité contre l’Etat, notamment pour carence fautive, pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin de protéger et maintenir la qualité de l’air.

Section 2 – La recherche et le développement des technologies alternatives «vertes»

La transition vers une économie à émissions nettes nulles exige le passage d'activités ou de modes de production à émissions élevées à des activités ou à des modes de production à faibles émissions. Pour y parvenir, il est nécessaire d'encourager la croissance des énergies sans carbone.
En vertu de la LTECV du 17 août 2015 et des décrets n°2017-21 et n°2017-23 du 11 janvier 2017 pris en application de l’article 37 de la loi définissant le cadre réglementaire de l’achat de véhicules propres par les opérateurs de transport public, « l’État et les acteurs publics […] procèdent à des achats responsables avec des obligations de renouvellement du parc en faveur de véhicules plus sobres sur le plan énergétique. »
Il existe trois grandes familles de filières énergétiques pouvant accompagner la transition énergétique : la filière comprenant les carburants dits de transition : ED95, HVO, GTL), la filière gaz : GNC, biogaz, GNL, la filière électrique : hybride, hybride rechargeable, électrique et la filière hydrogène, étudiée sous l’angle de la pile à combustible, appartient stricto sensu à la filière électrique.


TITRE 2 : La portée de la transition énergétique dans les activités de l’entreprise de transport routier de voyageurs.

Chapitre 1 : Les obligations de l’entreprise de transport routier de voyageurs

Nous l’avons vu, la transition énergétique est devenue une obligation au secteur du transport routier de voyageurs, dans le respect des enjeux inhérents à ce défi. Ainsi, le respect des principes environnementaux relatifs à la transition énergétique découlant non seulement du devoir de conformité incombe aux acteurs du transport routier de voyageurs (Section 1), mais cette conformité seule ne suffit pas. Réussir sa transition énergétique c’est également une nécessité d’aller plus loin que la conformité (Section2).

Section 1 – Le respect des principes environnementaux assuré par les acteurs du transport routier de voyageurs

Le respect des principes environnementaux est assuré d'une part par l’ensemble des acteurs publics intervenant dans la sphère environnementale et d'autre part par les entreprises de transport routier de voyageurs.
Les autorités organisatrices de mobilité sont en charge de mettre en place des solutions adaptées aux spécificités territoriales. Ils sont dans cette mesure, dotés de nombreux instruments de régulation et de contrôle.
Au niveau des acteurs économiques, la politique de compliance suppose la mise en œuvre de quelques principes qui incarnent désormais la notion : il s'agit notamment de la vigilance, de la transparence de l’information et de sa mise à disposition, de la nécessité du regard d'un tiers extérieur à l’action (audits ou autres) ou à la prise de décision.
Il n'en va pas différemment en matière de compliance environnementale et ce sont bien ces principes que l’on retrouve désormais portés en la matière. La réponse apportée par chaque société différera en fonction de considérations de sociologie d'entreprise qui lui sont propres comme des spécificités du secteur d'activité dans lequel elle exerce.

Section 2 – La compliance environnementale, une nécessité d’aller plus loin que la conformité

La compliance environnementale va plus loin que le respect du corps de règles régissant la transition énergétique dans le secteur du transport routier de voyageurs. La compliance environnementale est une obligation de moyens (Paragraphe 1), une démarche volontaire de l’entreprise dans un objectif d’amélioration continue, de dépassement de ses performances environnementales et de volonté de positionnement plus avantageux au regard de la concurrence. Il s’agit ainsi d’aller plus loin que la conformité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – La compliance environnementale, une obligation de moyens

S’engager dans une démarche de compliance environnementale implique des procédures échelonnées et précises afin d’atteindre un objectif, en l’occurrence, celui de réussir sa transition énergétique.
Il s’agit ainsi tout d’abord de réaliser un état des lieux des exigences environnementales auxquelles l’entreprise est soumise et ensuite quels sont les moyens mis en œuvre pour assurer la présence d’un niveau optimal de protection des acteurs économiques, à savoir l’entreprise pour laquelle on met en place cette démarche de compliance environnementale.


Paragraphe 2 – Aller plus loin que la conformité

La compliance environnementale est une démarche volontaire initiée par l’entreprise elle-même qui souhaiterait tout simplement être en conformité et maîtriser sa conformité au regard des changements normatifs mais également de se démarquer en opérant des améliorations continues en termes d’environnement, tout en travaillant sa marque employeur. Il est intéressant de noter que les générations actuelles, davantage préoccupées par les problématiques environnementales, sont plus à même de travailler dans des entreprises ou des structures conscientes de leur empreinte environnementale et prenant des mesures pour les atténuer, au-delà de toute considération monétaire ou économique.
Les entreprises peuvent par exemple, au-delà de la simple conformité, miser sur le déploiement d’un système de management environnemental à l’instar de la certification ISO 14001, se « benchmarker » par rapport à ses concurrents afin de s’inspirer des bonnes pratiques environnementales, déployer l’écoconduite ou élaborer des plans de mobilité, tout en assurant une communication forte, au moyens, par exemple, de la Déclaration de Performance Extra-financière.


Chapitre 2 : Sanctions, responsabilités et droit comparé

« L’environnement ça coute cher et ça ne rapporte rien ». C’est bien la raison la plus souvent avancée pour retarder la prise en compte de l’environnement dans l’entreprise. C’est encore le sentiment de bon nombre de chefs de petites et moyennes entreprises mais il est aussi souvent exprimé dans les entreprises de dimension moins modeste. Personne ne peut nier l’inexactitude du premier volet, mais heureusement, le second volet peut ne pas être exact.

Section 1 – Les sanctions juridiques et financières de la non-conformité

Paragraphe 1 – Des sanctions juridiques trop peu dissuasives

“Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.” Cette expression latine, bien connue par tout juriste, est une expression qui peut se traduire par : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », le terme « turpitude » signifiant négligence, faute, comportement illégal ou fraude. Ainsi, le simple fait d’ignorer une loi existante, cependant applicable à soi, constitue une infraction. Ainsi, l'ignorance de la loi n'est pas une excuse pour ne pas être conforme. Au regard du foisonnement de la réglementation relative au transport et son empreinte environnementale, il est ainsi d’autant plus important de se doter d’un véritable outil et d’une démarche de compliance environnementale.
Toutefois, il n’existe pas ou très peu de sanctions juridiques relatives au non-respect de la réglementation quant à la protection du climat et la transition énergétique. Et si les sanctions existent, elles sont trop peu dissuasives, notamment pour les plus grandes entreprises. L’essentiel des sanctions seront pécuniaires (et seront abordés en dans le Paragraphe 2 de la présente section), mais semblent parfois insuffisantes au regard des enjeux climatiques contemporains. Peuvent sensiblement être mises en cause la responsabilité des dirigeants, des problématiques de responsabilité extraterritoriales notamment pour les multinationales ainsi que les risques de recours collectifs, système revu par la Commission Européenne suite au scandale du Dieselgate.

Paragraphe 2 – Des sanctions économiques monétisables

Il est important de noter qu’un accident environnemental n’est pas forcément créé par le dysfonctionnement subit d’une installation ou d’un bus. Il peut simplement résulter d’une pratique prolongée qui a généré des effets qui se sont révélés dommageables pour l’environnement, qu’il s’agisse d’une pratique ignorée ou même légalement autorisée. A titre d’illustration, en matière de transport, l’utilisation prolongée d’un véhicule de transport de passagers dépassant les limites d’émission de CO2 ou de polluants atmosphériques, alors même que la loi l’interdit à date, constitue une infraction qui peut avoir des conséquences dommageables sur la santé des riverains mais également sur l’environnement.
La monétisation des impacts environnementaux des véhicules de transport routier de voyageurs sur toute leur durée de vie peut se faire selon ces trois paramètres : soit un calcul basé sur l’énergie, soit un calcul basé sur les émissions de polluants atmosphériques, soit un calcul basé sur les émissions de CO2. L’on remarquera que le seul prix d’un véhicule ne suffit plus à son achat. Par exemple un véhicule roulant à l’euro 1, 2 ou 3 peut certes coûter moins cher qu’un véhicule neuf roulant à l’euro 6, il reste que le coût environnemental demeure plus bas sur toute la durée de vie du véhicule nouveau.

Section 2 - Transition énergétique, comparaison multisectorielle et droit comparé

A titre de rappel, la France s’est fixé pour objectif de réduire de 40 % ses émissions de GES d’ici à 2030 et d’arriver à la neutralité carbone en 2050. Pour y parvenir, la contribution des secteurs autres que le transport, abordé principalement dans le cadre de cette étude, doivent être mis à contribution.

Paragraphe 1 – La transition énergétique : comparaison multisectorielle

La compliance environnementale, dans l’intégralité de sa démarche, peut tout aussi bien s’appliquer dans chacun des secteurs clés ayant une obligation de réussir leur transition énergétique : le bâtiment, le secteur industriel, le secteur aérien, le nucléaire ou encore le secteur agricole. Puisque rappelons-le, la compliance environnementale n’est pas seulement la conformité à un instant T donné aux contours réglementaires régissant chacun des secteurs susmentionnés. Il s’agit bien plus encore d’aller au-delà de la conformité dans une démarche d’amélioration continue.

Paragraphe 2 – Transition énergétique et droit comparé

Les objectifs pour réussir la transition énergétique diffèrent selon les pays et selon la situation géographique, les priorités ne sont pas les mêmes.
La coordination des politiques, ou la mise en place d’une politique et d’une stratégie environnementale, notamment pour une multinationale, est un véritable défi qui demande une prise en considération des spécificités tant de chaque territoire, que de la réglementation qui la gouverne. La différence de législation dans chaque territoire témoigne de la difficulté de coordination pour un groupe implanté à l’international.

Toutefois, choisir de mettre le droit à contribution pour la transition énergétique, c’est aussi et surtout se tenir occupé pour les cinquante prochaines années et travailler afin de contribuer, promouvoir et offrir un « droit à un environnement sain ».