Les décisions s’additionnent autour de l’affaire des compteurs Linky et le débat autour de leurs conséquences sur la santé humaine, notamment en raison des ondes qu’ils émettent, se poursuit. Depuis leur déploiement en 2015, les controverses sur l’installation de ces compteurs ne cessent de accroître. Certains dénoncent des zones d’ombres sur la collecte des données personnelles ou encore la propagation d’ondes électromagnétiques pouvant impacter la santé. Cette controverse se traduit d’un côté par de nombreuses actions menées par des citoyens ou encore un collectif d’avocats et d’un autre côté par l’action de Maires devant le Conseil d’Etat.


Alors que plus de 20 millions de compteurs Linky ont déjà été installés dans les foyers français par Enedis, sur les 35 millions prévus d’ici 2021, plusieurs centaines de personnes opposées à la pose de ces compteurs ont été déboutées devant les tribunaux et seulement quelques dizaines de personnes victimes d’hypersensibilité ont obtenu gain de cause.


Le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, a débouté le 2 août 2019 457 particuliers qui demandaient le retrait ou l’interdiction de la pose de compteurs intelligents Linky à leur domicile. En l’espèce, les plaignants dénonçaient l’impact des ondes électromagnétiques sur leur santé.


En conséquence, le TGI de Nanterre n’a pas retenu de lien de causalité entre les pathologies des plaignants et l’exposition aux champs électromagnétiques des compteurs Linky. Parmi les plaignants, tous ne souffrent pas seulement d’électrohypersensibilité (12 cas) mais 124 cas sont aussi victimes d’hyperthyroïdie, 63 de diabète et 17 d’épilepsie. Pour fonder son rejet, le tribunal de grande instance a soulevé l’absence de risque imminent, en soulignant le manque d’études établissant un lien de causalité entre les pathologies et le compteur Linky.


Toutefois, la décision du TGI de Nanterre intervient au lendemain de celle du TGI de Tours qui a jugé le contraire en donnant raison à 14 plaignants déclarés électro-hypersensibles. Le tribunal a reconnu un lien de causalité direct entre la pose du Linky et la pathologie développée chez un enfant de 7 ans. En l’espèce, Enedis devra donc retirer son compteur déjà installé chez un plaignant dont le foyer est occupé par ledit enfant.


L’année dernière, un collectif d’avocats avait formé un recours précontentieux fondé sur les risques sanitaires présentés par le compteur Linky d’Enedis. L’action collective de ces avocats dirigée contre l’Etat avait été présentée le 9 avril 2018 et été fondée sur le risque sanitaire.



La juridiction administrative a également pris position récemment en la matière à l’occasion d’un contentieux opposant la commune de Saint-Cast dans le Finistère et Enedis. Par une décision du 11 juillet 2019, le Conseil d’Etat a jugé qu’un maire n’est pas compétent pour s’opposer à l’installation de compteurs électriques communicants en vue de protéger les habitants contre les effets des ondes qu’ils émettent.


L’Etat a la charge de veiller au bon fonctionnement de ces compteurs mis en place par Enedis et à la protection de la santé publique par la limitation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. Pour y parvenir, il dispose de la possibilité de mettre en œuvre des capacités d’expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local.


Le Conseil d’Etat indique que le principe de précaution n’habilite pas en particulier le maire à prendre des décisions relatives à l’installations de compteurs électriques communicants au motif qu’elles protégeraient les habitants des ondes émises par lesdits compteurs. En l’espèce, ni les pouvoirs de police générale, ni le principe de précaution n’autorisait le maire de Cast à prendre la décision de suspendre l’installation des compteurs Linky.


Par ailleurs, le Conseil d’Etat revient sur le propriétaire des compteurs afin d’appuyer ses propos. Il souligne que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est inhérente à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. Or, lorsqu’une commune transfère une telle compétence à un établissement public de coopération, ce dernier acquiert la qualité d’autorité organisatrice sur le territoire de la commune et de propriétaire des réseaux d’électricité. En l’espèce, la commune était membre du syndicat intercommunal d’électricité donc le Maire ne disposait pas la compétence afin de s’opposer au déploiement des compteurs Linky. Effectivement, en vertu des articles L 322-4 du Code de l’énergie et L 1321-1 du Code général des collectivités territoriales, un établissement public de coopération devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et de ce fait propriétaire des ouvrages des réseaux lorsque la commune lui transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité.