Le Conseil constitutionnel a contrôlé la conformité à certains droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 7 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006, fixant le point de départ du délai de prescription de dix ans en matière criminelle au « jour où le crime a été commis ».

Mettant plus précisément en cause son application jurisprudentielle constante aux infractions dites
« continues », pour lesquelles il est considéré depuis longtemps que ce délai ne commence à courir dans ce cas qu’à compter du jour où elles prennent fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets.

C’est dans le cadre d’un long contentieux extraditionnel, d’abord soumis à l’autorité judiciaire, chargée de délivrer un avis, que cette question s’est posée. En 2012, le gouvernement argentin avait demandé l’extradition de Mario Sandoval, à l’occasion de poursuites exercées à son encontre pour son implication au sein de la police politique de l’ancienne dictature, entre 1976 et 1983. La chambre de l’instruction avait émis un avis favorable à cette extradition, mais seulement pour des faits qualifiés en droit français de détention ou séquestration d’une personne, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, précédée ou accompagnée de tortures, qui auraient été commis à l’encontre d’un étudiant argentin.

La chambre criminelle avait cassé cette décision, estimant que la chambre de l’instruction s’était prononcée par des motifs hypothétiques en considérant, pour justifier de ce que les faits n’étaient pas prescrits, que le crime de détention ou séquestration d’une personne était une infraction continue qui se prescrit à partir du moment où elle a pris fin, et que la victime, opposant politique à la dictature argentine, enlevé le 30 octobre 1976, n’avait toujours pas été retrouvée, de sorte qu’on ne pouvait déduire des pièces du dossier que sa détention ou sa séquestration avait cessé.

La chambre de l’instruction saisie sur renvoi avait elle aussi refusé de considérer que la fin de l’infraction pouvait être fixée « de manière arbitraire et théorique en 1983, époque à laquelle la dictature militaire a cessé en Argentine », et la chambre criminelle avait approuvé ses motifs en jugeant que, « la prescription des infractions continues ne court qu’à partir du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets, et que ce point de départ, en l’état de la procédure, ne peut être déterminé »

Le Conseil constitutionnel refuse de reconnaître un PFRLR en la matière, en soulignant que le principe de prescription a déjà été écarté à deux reprises, dans la loi du 9 mars 1928 et dans celle du 13 janvier 1938, pour des infractions de désertion en matière militaire, ce qui empêche d’y voir un ancrage continu dans la loi républicaine d’avant 1946.

En revanche, en se fondant sur le principe de nécessité (DDH, art. 8) et sur la garantie des droits (DDH, art. 16), il consacre pour la première fois un principe selon lequel, « en matière pénale, il appartient au législateur, afin de tenir compte des conséquences attachées à l’écoulement du temps, de fixer des règles relatives à la prescription de l’action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions » (consid. 7). Sur le modèle de ce qui existe en matière de contrôle de la nécessité de l’incrimination elle-même, c’est à un contrôle très restreint que se livrera le Conseil constitutionnel en la matière.

À la lumière de ce principe, le Conseil constitutionnel examine les dispositions contestées, mais estime qu’« en prévoyant que ces infractions ne peuvent commencer à se prescrire tant qu’elles sont en train de se commettre, les dispositions contestées fixent des règles qui ne sont pas manifestement inadaptées à la nature de ces infractions » (consid. 8). Ces motifs pour le moins elliptiques renvoient à l’idée évoquée plus haut, selon laquelle la règle de prescription ne fait ici que s’adapter à la matérialité de l’infraction, dont le caractère continu découle de la persistance dans le temps du comportement délictueux. Le Conseil constitutionnel rappelle par ailleurs que la personne poursuivie ne se trouve nullement dans l’impossibilité de démontrer que l’infraction a pris fin, dès lors que le juge pénal apprécie souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l’infraction a cessé.