En l’espèce, au cours de l’accouchement d’une dame et en raison d’une dystocie des épaules de l’enfant à naître, le praticien ( gynécologue obstétricien), a effectué des manœuvres d’urgence obstétricales. Par la suite, l’enfant a présenté une paralysie du plexus brachial droit. Une expertise a été ainsi ordonnée. L’expertise démontre une absence de faute du praticien et l’inexistence d’un dysfonctionnement de l’établissement de santé. Ainsi, la mère de la victime, agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, a assigné l’ONIAM en indemnisation.

En premier lieu, l’ONIAM fait grief à la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a rendu son arrêt le 7 juin 2018, d’avoir admis que la mère de la victime soit fondée à solliciter l’indemnisation des conséquences de l’accident médical non fautif survenu le 19 avril 2010 et d’avoir constaté que l’état de l’enfant n’est pas consolidé et d’accorder une provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices de celui-ci. L’ONIAM fonde son argumentaire sur l’article L. 1142-1, II du code de la santé publique qui prévoit que les préjudices subis par un patient doivent être imputables de façon directe et certaine, à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins pour pouvoir être indemnisé par la solidarité nationale.
L’ONIAM reproche aux juges d’appel d’avoir constaté que les experts avaient relevé qu’au moment de l’accouchement, le défaut du bras avait évoqué une paralysie obstétricale de plexus brachial droit par traumatisme obstétrical, qu’ils n’excluaient pas l’imputabilité de l’accident médical aux manœuvres obstétrical et que l’enfant ne présentait pas au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de l’accouchement. Il résulte, selon l’ONIAM de ces constations dont il dépourvues de certitude quant à l’imputabilité directe de la paralysie du plexus brachial de l’enfant à un acte de soins. Par conséquent, la cour d’appel aurait violé l’article L.1142-1, II précité.
En clair, l’ONIAM reproche aux juges d’appel d’avoir ignoré l’absence d’imputabilité directe et certaine des soins réalisés lors de l’accouchement au dommage.
Sur la question de l’imputabilité directe et certaine des soins exercés au dommage subi par l’enfant, la cour de cassation rejette les arguments présentés par le demandeur au pourvoi (ONIAM). Pour la cour de cassation, même s’il est établi par le rapport d’expertise que l’enfant au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance, ne présentait pas d’anomalies qui auraient pu interférer sur la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l’accouchement ; il n’en demeure pas moins que la dystocie des épaules est une complication à risque majeur pour l’enfant, telle la lésion du plexus brachial, et que, pour faire face à la dystocie, les manœuvres les plus fréquemment utilisées sont celles réalisées par le praticien. Ainsi, selon la haute juridiction, il est démontré que ces manœuvres au cours desquelles une traction est exercée sur les racines du plexus et sur la tête fœtale, ont engendré la paralysie du plexus brachial. La cour d’appel est alors fondée à déduire de ces constations que les préjudices subis par l’enfant étaient directement imputables à un acte de soins.

En deuxième lieu, il s’est agi de la question d’appréciation de la condition d’anormalité du dommage. Selon l’ONIAM, cette condition d’anormalité du dommage n’est remplie que dans deux cas.
D’une part, elle est remplie quand l’acte médical entraîne des conséquences plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de tout traitement.
D’autre part, lors de l’acte médical, la survenance du dommage devrait présenter une probabilité faible. La détermination de la probabilité de survenance du dommage doit se réaliser au regard de la probabilité que la lésion du plexus brachial entraîne des séquelles permanentes et non au regard de la probabilité que les manœuvres obstétricales entraînent une telle lésion, évaluée par la cour d’appel entre 10 et 25%. La cour d’appel aurait violé l’article 1142-1, II, du code de la santé publique.

En troisième lieu, selon l’ONIAM l’appréciation de la probabilité de survenance du dommage permettant de se prononcer sur la condition d’anormalité de celui-ci, fondée sur les conditions dans lesquelles l’acte de prévention, de diagnostics ou de soins a été accomplie. Il est reproché à la cour d’appel de ne pas prendre en compte l’état de la mère et de l’enfant. Notamment le surpoids de la mère qui pourrait rendre difficiles les manœuvres obstétricales et qui par la même occasion n’avait pas conduit à rendre plus élevé le risque de lésion du plexus branchial de l’enfant. La cour aurait violé de nouveau l’article 1142-1, II, du code de la santé publique.
En dernier lieu, il est fait grief à la cour d’appel, d’être contradictoire dans ses motifs. Ce qui équivaudrait à une absence de motifs. En ce qu’elle aurait tout à la fois constaté que l’enfant souffrait de séquelles permanentes, pour en déduire que la probabilité de survenance de ces séquelles était faible. Et que l’état de consolidation, pourtant indispensable pour caractériser ces séquelles, n’était pas caractérisé. D’où la violation de l’article 455 du code de procédure civile par la cour.

Peut-on solliciter l’indemnisation à l’ONIAM pour un accident médical non fautif ? Existe-t-il une imputabilité directe et certaine entre les soins effectués et les dommages subis par la victime ? Est-ce que la détermination de la probabilité de survenance du dommage doit se réaliser au regard de la probabilité que la lésion du plexus branchial entraîne des séquelles permanentes et non de la probabilité que les manœuvres obstétricales entraînent une telle lésion ? Qu’en est-il de la caractérisation du dommage anormal ?

De manière laminaire, la haute juridiction vise l’article L.1142-1, II, du code la santé publique pour décider que lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme de santé ou celle d’un producteur de produits n’est pas engagée, l’ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu’ils présentent un caractère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de cet état. La cour renchérit en précisant que lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf, si dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entrainé le dommage, il y’a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d’un évènement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.
Sur la caractérisation du caractère anormal du dommage, la haute juridiction énonce d’abord que le risque issu de la réalisation des manœuvres obstétricales, constitué par la paralysie du plexus brachial, est notamment moins grave que le décès possible de l’enfant. Avant de continuer par la démonstration selon laquelle, si l’élongation du plexus branchial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie sont beaucoup plus rares, entre 1% et 2,5% de ces cas, de sorte que la survenance du dommage présentait une faible probabilité. Enfin, la cour déduit de ces constations que l’anormalité du dommage était bel et bien caractérisée. Ainsi, l’ONIAM était tenu à indemnisation au titre de solidarité nationale.

Un peu audacieuse la décision de la cour de cassation notamment sur la question de la probabilité de réalisation du risque, car elle démontre dans un premier temps que la probabilité demeure faible quant à la survenance du dommage. Avant d’admettre que le dommage est bien caractérisé. Il existe effectivement une certaine contradiction dans la démarche de la haute juridiction, à première analyse. Mais, en poussant la réflexion un peu plus loin, les juges de la cour de cassation ont sans doute, suivi la nouvelle tendance jurisprudentielle de la CJUE qui consiste à considérer un risque de préjudice comme un risque réparable peu important son degré de gravité (CJUE 5 mars 2015 : le risque de préjudice est un préjudice réparable. Cette décision de 2015 renverse la solution retenue dans l’arrêt des stimulateurs cardiaques de 2006 dans laquelle on admettait que sans le décès de la victime le préjudice n’était pas de mise donc non réparable).