I. Les centrales nucléaires face aux risques naturels

Un séisme de magnitude 6,3 sur l'échelle de Richter à Christchurch en Nouvelle-Zélande fait des centaines de morts en février. Ce mois-ci au Japon, un séisme de 8,9 suivi d'un tsunami pour un bilan certainement beaucoup plus lourd... En France, si des séismes d'une telle magnitude sont peu probables, une nouvelle réglementation sur les règles parasismiques doit entrer en vigueur en mai 2011.

On ne connaît pas encore le bilan des destructions des bâtiments au Japon. Mais le règlement parasismique japonais mis en œuvre devrait sans aucun doute limiter les effets du séisme de force 8,9. « Quand on monte d'un degré dans l'échelle de Richter, on multiplie par 30 l'énergie dégagée par le séisme», explique Victor Davidovici, consultant parasismique de la société Dynamique Concept.

«En termes de réglementation, les centrales nucléaires sont des ouvrages qui appartiennent à une classe de risque à part, au-delà même du «risque spécial» correspondant aux installations Seveso», pose Wolfgang Jalil (Amadeus Consult), professeur à l'Ecole nationale des ponts et chaussées.

Pour dimensionner les installations, on définit le SMS (séisme majoré de sécurité) qui est égal au SMHV (séisme maximal historiquement vraisemblable) auquel on applique un coefficient de sécurité. De sorte qu'en France, les centrales nucléaires sont conçues pour résister à un tremblement de terre dont la magnitude peut aller jusqu'à 6,8 (6,3+0,5).

En outre, la sûreté de chaque installation est réévaluée tous les dix ans au cours du «réexamen de sûreté». «On y vérifie deux aspects: la santé de l'ouvrage qui vieillit et la conformité de l'installation aux normes en vigueur», explique Thomas Houdré, directeur des centrales à l'Autorité de sûreté nucléaire.

Si la France ne risque pas la survenue d'un tsunami comme au Japon, plusieurs incidents intervenus ces dernières années ont mis en évidence la fragilité des équipements techniques (panne des groupes électrogènes...) chargés de garantir le refroidissement du cœur. En 2009, à Cruas (Ardèche), la crue du Rhône avait charrié des végétaux qui ont obstrué la station de pompage. Résultat : durant 10 heures, le réacteur n°4 a été privé de sa source de refroidissement. Plus grave, en 1999, l'ouragan Martin provoque l'inondation d'une partie de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde). Suite à cet incident grave, EDF a rehaussé les digues, procédé à des enrochements... Qui ont donné satisfaction lors des passages successifs de Klaus en 2009 et Xynthia en 2010.

Depuis 2003, EDF dit avoir investi 500 millions d'euros dans des travaux d'adaptation au risque sismique et d'inondations.

II. Nouvelle réglementation parasismique : les changements

Les Eurocodes sont les normes européennes de conception, de dimensionnement et de justification des structures de bâtiment et de génie civil. Les Eurocodes ont pour but d'harmoniser les techniques de construction en Europe afin de permettre le libre accès des entreprises de travaux ou des bureaux d'études techniques aux marchés des autres états membres. Ils sont développés par le CEN (Comité européen de normalisation). C'est le comité technique CEN/TC 250 "Eurocodes structuraux", présidé par l'Allemagne, qui gère les travaux au sein du CEN. AFNOR, membre du CEN, gère ces travaux sur le plan français.
On compte 60 Eurocodes, regroupés en 10 familles; l'Eurocode 8 concerne le calcul des structures pour leur résistance aux séismes (EN 1998)

Ce sont les deux décrets et l'arrêté du 22 octobre 2010 qui rendent enfin applicable l'Eurocode 8 (norme NF-EN 1998,1), venant ainsi combler une longue attente (depuis la conférence de presse le 21 novembre 2005 de la ministre de l'écologie Nelly Ollin) concernant le nouveau zonage sismique et les règles de construction en France.

En France, une nouvelle réglementation parasismique sera donc applicable tant aux bâtiments dont le permis de construire sera déposé à partir du 1er mai 2011 qu'aux travaux sur le bâti existant. En effet, avec ses 17 réacteurs en bord de mer, la France pourra difficilement s'épargner un réexamen de la vulnérabilité de ses installations nucléaires au regard du changement climatique.

D'autant plus que c'est surtout le parc existant qui inquiète les associations écologistes. Celles-ci soulignent le vieillissement des installations françaises, souvent trentenaires, alors que l'un des réacteurs japonais qui a explosé dépassait les 40 ans d'âge.

Les éléments nouveaux du décret portent surtout sur la terminologie utilisée :

- le mot « catégories » est remplacé par « classes », et ces dernières par catégories lesquelles correspondent dans leurs définitions aux classes actuelles, avec une précision concernant la catégorie IV (classe D avant) pour laquelle l'opérabilité des équipements est primordial pour la sécurité et la garantie de la continuité de fonctionnement en cas de séisme ;

- le territoire national est divisé en 5 zones dénommées respectivement : (1) zone de séismicité «très faible», (2) «faible», (3) «modérée», (4) «moyenne», et (5) «forte», pour lesquelles l'arrêté donne respectivement les accélérations horizontales au rocher dites « Agr » suivantes (équivalent de An dans les PS92/2004)) : 0,4 - 0,7 - 1,1 - 1,6 et 3 m/s2 ; soit le bas de la fourchette présentée en 2005 et figurant sur la carte du nouveau zonage.

Outre un nouveau zonage du territoire qui permet d'être en accord avec les principes de dimensionnement de l'Eurocode 8 et une nouvelle classification des bâtiments, ces nouvelles règles auront bien sûr des incidences sur la conception desdits bâtiments, leur implantation et leur mise en œuvre.

Ainsi en ce qui concerne l'implantation, la réalisation d'une étude géotechnique s'impose. L'objectif étant de connaître les caractéristiques du terrain afin de caractériser les éventuelles amplifications du mouvement sismique éventuel. Le bâtiment doit également être protégé des risques d'éboulements et de glissements de terrain provoqués par le séisme. La consultation du plan de prévention des risques (PPR) sismique de la commune apporte des informations sur ce plan. Dans tous les cas, il convient de s'éloigner des bords de falaise, des pieds de crête ou des pentes instables. A prendre en compte également, le risque de liquéfaction du sol c'est-à-dire sa perte de capacité portante. Ainsi des bâtiments « souples élancés » seront davantage adaptés à un sol dur type roche, alors que les bâtiments « rigides massifs » auront un meilleur comportement sur des sols mous.

De nouvelles zones de sismicité du territoire apparaissent, tells que la Vendée, les Deux Sèvres (régions passant de 1 à 3), la région de Lyon, Nantes, Marseille, Lille, Valencienne etc. On remarque que certaines accélérations ont augmenté et d'autres diminué, lorsqu' on est situé sur un bon sol (cas de Nice par exemple : 1,6 au lieu de 2,5m/s2).

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er mai 2011.Une période transitoire de « cohabitation » des PS92/2004 et EC8,1 existera jusqu'au 31 octobre 2012 pour les projets dont les demandes de permis de construire auront été déposés après le 1er mai 2011. Dans ce cas, on pourra continuer à utiliser les PS92/2004, mais avec un nouveau tableau des accélérations « an », donné dans l'arrêté, en remplacement du tableau 3,3 des règles PS92 qui est très défavorable dans le cas des bons sols.