La cour de cassation confirme, à la lumière de cette décision, la nouvelle orientation de la jurisprudence sociale relative au régime de l’obligation de sécurité de l’employeur.
Notons que depuis le fameux arrêt du 25 novembre 2015 ( Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444), la haute juridiction se réfère au motif de principe : « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ». Cette obligation de l’employeur ne découle plus d’une responsabilité de résultat de plein droit. L’employeur peut donc démontrer qu’il a pris toutes les mesures visant à éviter et à faire disparaître le risque professionnel afin de s’exonérer de toute responsabilité (en ce sens, voir l’arrêt de la chambre sociale du 1er juin 2016 n°14-19.702).
Dans le cas d’espèce, la cour de cassation reprend en tête de son arrêt, le motif de principe de l’arrêt de 2015 précité en le complétant pour l’appliquer à la situation d’harcèlement moral : « vu les articles L.1152-&, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ; attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires e prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à faire cesser ».


En l’espèce, à la suite d’une altercation entre deux salariés, l’employeur avait mis en place une réunion entre ces derniers et une autre visant à résoudre leur différend relatif aux difficultés de communication. L’employeur organisa d’autres réunions périodiquement afin de faciliter l’échange d’informations entre services et entre ces deux salariés notamment. L’un des salariés en cause a saisi la juridiction prud’homale aux fins de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. la cour d’appel de Nîmes condamna l’employeur au paiement d’une certaine somme à titre de dommage-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail. La cour de cassation estime de son côté que les mesures mises en œuvre par l’employeur sont insuffisantes. La haute juridiction reproche à l’employeur de n’avoir pas pris de mesures concrètes pour éviter le renouvellement de l’altercation étant donné que ce dernier avait connaissance d’une première altercation entre les deux salariés en question. Ainsi, selon la cour de cassation, l’organisation d’une réunion au lendemain de l’altercation et celle des réunions périodiques de travail concernant l’ensemble des salariés sont insuffisantes pour assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et morale conformément aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

A l’analyse de cette décision, il ressort que nonobstant le fait que les juges ne peuvent plus systématiquement condamner l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité dès que le salarié est victime sur son lieu de travail de violence morale sans rechercher si l’employeur a pris des mesures de prévention ou a réagi immédiatement après l’incident, les mesures entreprises par l’employeur doivent être concrètes. A défaut, il engagerait sa responsabilité.
Cet arrêt permet de comprendre et de mieux cerner les contours de l’obligation légale de sécurité de l’employeur.
Dans cette affaire, l’employeur avait pourtant fait preuve de réactivité en organisant des réunions comme soulignées précédemment. Mais, la cour de cassation juge ces mesures insuffisantes. Qu’est-ce que l’employeur devrait-il faire en plus de l’organisation des réunions ?
L’organisation d’une médiation entre les protagonistes menée par une tierce personne, serait sans doute appréciée par les juges. C’est ce qu’illustre la décision n° 13-18.743 de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 3 décembre 2014 .
La médiation est un mode de résolution des conflits déjà prévue par le code du travail pour le règlement de certains conflits ( articles L.2522-1, L.2522-6, L.2523-1), en matière d’harcèlement moral (article 1152-6) et en matière d’apprentissage (article L.6222-39).