La Banque mondiale estime que, chaque année entre 20 et 40 milliards de dollars sont perdus par les pays en voie de développement. L’intégralité de ces sommes représentent entre 20 à 40 % du montant de l'aide annuelle au développement versée.

Le 6 novembre 2018, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, a été déposée sur le Bureau du Sénat par Jean-Pierre SUEUR et d’autres membres du groupe socialiste et républicain.

Cette proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale déposé sur le Bureau du Sénat, rend nécessaire l’interrogation des différents mécanismes de restitution en droit français et en droit international.

Tout d’abord, il est important de s’attarder sur les différentes définitions de la corruption nationale et transnationale (I), avant de s’interroger sur les différents mécanismes de restitutions des avoirs en droit national et international (II).


I. La corruption nationale et transnationale

La définition de la corruption transnationale (A), diffère de la corruption d’agents publics étrangers en droit français (B).


A. La définition de la corruption transnationale

La corruption transnationale, tel que retenue par les auteurs du texte de proposition de loi se définit comme celle « consistant en l'accaparement de biens, publics ou privés, au profit d'une minorité d'oligarques qui bénéficient ainsi d'un enrichissement illicite ». À l’issue de cette définition, trois caractéristiques principales se dégagent, distinguant ainsi la corruption internationale, des autres formes de corruption.

En premier lieu, l'importance des transactions et du volume des flux financiers litigieux.
En second lieu, la grande mobilité de ces volumes financiers et la capacité de les dissimuler à l'étranger grâce à des montages juridiques et financiers très sophistiqués, pour ne pas dire parfois, indétectables.
En dernier lieu, les conséquences économiques et sociales aggravées de manière certaine pour les pays en voie de développement, qui par définition ne peuvent se permettre de laisser hors de leurs pays cet argent.

B. La corruption d’agents publics étrangers en droit français

L’incrimination de corruption est issue de la loi du 30 juin 2000 transposant en droit français la convention de l'OCDE signée en 1997. Elle peut se définir comme l'agissement par lequel une personne investie d'une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant, d'une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. Même si la convention de l'OCDE ne prévoit dans son texte que la corruption active, le droit français distingue deux sortes de corruption d'agents publics étrangers :

- La corruption passive (article 435-1 du Code pénal).
- La corruption active (articles 435-2 à 435-4 du code pénal).

L’article 435-1 du Code pénal, incrime la corruption d’agents publics étrangers en ces termes :

« le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ».


II. Le mécanisme de restitution des avoirs en droit national et international

Le droit international est doté d’un mécanisme de restitution des avoirs (A), le système législatif français possède des carences dans la restitution des avoirs (B).


A. Le mécanisme de restitution des avoirs en droit international

La convention des Nations unies contre la corruption (convention UNCAC, ou convention de Merida 2003), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 31 octobre 2003, ratifiée par 158 États. C’est le premier instrument juridique mondial en matière de lutte contre la corruption et stipule clairement que la restitution des avoirs détournés est un principe fondamental du droit international. L’article 55 portant sur la coopération internationale aux fins de confiscation, les moyens d’action en vue de les recouvrer sont à la seule disposition de l’État victime.

Ainsi, certaines procédures de recouvrement ont abouti. Notamment, une partie des fonds de Ferdinand Marcos détenus en Suisse restitués aux Philippines, de même pour une partie de ceux détenus dans ce même pays par l’ancien Président malien Moussa Traoré ou encore une partie de ceux détenus par l’ancien Président du Pérou Alberto Fujimori en Suisse et aux États-Unis 
Plus de 19 ans après l’adoption et la ratification de la convention de Merida, le mécanisme de restitution des avoirs aux populations victimes, n’est pas totalement effective.

B. Les carences du système législatif français en termes de restitution des avoirs

Il est important de constater que l’article 131-31 du Code pénal permet la confiscation de plein droit ou en tant que peine complémentaire :
« La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse ».

Il est nécessaire de s’attarder sur l’alinéa 3 dudit article, disposant comme suit :
Elle porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ».

A l’issue de la lecture de cet article, il convient de d’observer que le droit français prévoit bien une restitution pour « les biens susceptibles d’être restitués à la victime ». Pour autant, il parait que cela soir beaucoup plus complexe en pratique. En effet, dans la décision du Tribunal Correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, condamnant le Vice-Président de la République de Guinée Equatoriale, Teodorin Obiang Mangue, les juges du quai de l’horloge ont estimé : « qu’il apparaît moralement injustifié pour l’Etat prononçant la confiscation de bénéficier de celle-ci », en ajoutant, « qu’il parait vraisemblable que le régime français des peines de confiscation devrait être amené à évoluer en vue de l’adoption d’un cadre adapté à la restitution des avoirs illicites ».

La lecture de cette décision paraît opaque et assez floue. Les juges font l’aveu, entre les lignes, qu’ils ne disposent d’aucun arsenal juridique pour procéder à la restitution des biens, pire encore, ils renvoient à l’évolution du régime de confiscation de droit français.

De manière similaire, l’Etat irakien après plusieurs demandes de restitution d’avoir en France, celui-ci ne s’est vu restituer que le yacht de Saddam Hussein – restitué par la France à l’Irak en juillet 2008, après que le Tribunal de commerce de Nice avait décidé de le saisir à la demande de l’État irakien, rien de plus.
En définitive, le régime de restitution des avoirs issus de la corruption transnationale, ne dépends que de la volonté politique d’un Etat, en l’occurrence l’Etat français, qui dispose de carences blâmables, tout comme les pays, disposant d’une « justice ». En attendant, les quelques
150 millions d’euros saisis au Vice-Président de la République de Guinée Equatoriale, Teodorin Obiang Mangue, sont intégrés au budget de l’Etat français.

Il ne reste aux victimes, que l’attente et l’espoir.

« L’espérance est cette fleure de la création qui éblouit Dieu lui-même » Charles Péguy.