Dans un récent arrêt rendu le 10 avril 2019, la Cour suprême du Royaume-Uni a reconnu sa compétence juridictionnelle dans l’affaire Lungowe v. Vedanta affectant des populations de villages situées en Zambie. La décision s’inscrit dans l’étape selon laquelle la juridiction doit d’identifier le for dans lequel l’affaire peut être dument jugée dans l’intérêt des parties et se prononcer sur l’accès à la justice britannique aux requérants zambiens.



Elle fait suite aux dommages environnementaux de pollution minière causée par la filiale zambienne Konkola Copper Mines appartenant à la société mère anglaise Vedanta Resources.



Dans plusieurs pays, le législateur a adopté une règlementation sur le devoir de vigilance, en s’inscrivant ainsi dans la tendance mondiale qui vise à consacrer une responsabilité des entreprises, concernant les sociétés mères au regard des atteintes aux droits de l’homme et de l’environnement perpétrées par sa filiale étrangère. En France, ce principe est inscrit dans la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre. Cette loi impose de mettre en œuvre un plan comportant « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » résultant des activités de la multinationale, de celles de ses filiales ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs.



Par ailleurs, le devoir de vigilance (« duty of care ») dont il est question dans cette affaire est régi par la théorie sur les torts en droit anglais. On doit noter que la seule question pendante devant le juge dans cette affaire, à ce stade de la procédure, était la question de savoir si les tribunaux anglais étaient compétents.



En l’espèce, en 2015, les requérants zambiens ont intenté une action contre la société mère anglaise et sa filiale zambienne, faisant valoir des dommages corporels, matériels en raison de la pollution environnementale causée par les rejets de la mine de cuivre de Nchanga. Par la suite, en mai 2016, la Haute Cour anglaise a décidé que l’affaire pouvait être poursuivie contre l’entreprise Vedanta au Royaume-Uni. Mais les défendeurs, la société mère anglaise et sa filiale zambienne, ont fait appel : leur recours a été rejeté par la cour d’appel en octobre 2017 par une décision accordant aux demandeurs zambiens de faire valoir leurs droits au Royaume-Uni. Les deux sociétés minières ont de nouveau interjeté appel.




La société mère défenderesse, Vedanta, affirme que la compétence juridictionnelle appartient à la Zambie. Mais les juridictions anglaises se sont déclarées compétentes, tant la Haute cour en 2016 que la Cour d’appel en 2017, considérant l’obligation de diligence que la société mère britannique a envers les demandeurs étrangers. Le juge anglais a estimé qu’une justice substantielle devrait être entendue comme la possibilité d’accès à la justice des victimes, et non pas comme l’indépendance ou la compétence du système juridique zambien. Par ailleurs, cet accès à la justice ne saurait être disponible en Zambie en vertu de plusieurs facteurs que sont le coût financier de la procédure, l’absence d’une équipe juridique et d’experts expérimentés, qui permettraient de poursuivre efficacement le recours contre la filiale.



Par conséquent, si la Cour suprême anglaise donne à son tour son accord pour que l’affaire soit entendue au Royaume-Uni, cela aura un impact majeur sur le cours des contentieux environnementaux dans le monde, notamment en ce qui concerne la responsabilité des multinationales vis-à-vis de leurs filiales et des populations victimes. Ainsi le procès Lungowe v. Vedanta, qui met en jeu l’application du devoir de vigilance de la société britannique Vendetta envers sa filiale zambienne, peut maintenant se poursuivre sur le fond devant les tribunaux britanniques.



Ce contentieux va constituer une étape cruciale dans le développement du droit de l’environnement en Afrique et en Europe. Rappelons enfin qu’au niveau international, un projet de traité international sur la responsabilité des multinationales envers les droits humains est en cours de préparation à l’ONU.