Depuis le 29 avril 2019, les actionnaires de Danske Bank expriment leur colère, furieux de voir la première banque danoise impliquée dans un scandale de blanchiment d'argent.
Lors de l’Assemblée Générale, les investisseurs présents, au nombre imposant de 700 présents, ont exigé que la direction soit tenue pour personnellement responsable.

En effet, la Danske Bank est au cœur de d’une effrayante affaire de blanchiment en Europe, atteignant 200 milliards d’euros. Ces sommes colossales ont transité à travers les comptes de 15.000 clients étrangers ne résident pas au Danemark, via des activités en Estonie, sans que jamais, les autorités de supervision au Danemark, ne tirent le signal d’alerte.

Outrageusement, dans un communiqué opaque et peu expressif, l'Autorité Bancaire Européenne (ABE), informe avoir classé l’affaire sans suite et mis fin à ses investigations visant les superviseurs bancaires danois et estoniens.

Dans un contexte de lutte contre les infractions financières, il convient de s’interroger sur le dispositif juridique de blanchiment en droit français et celui du lanceur d’alerte.

Tout d’abord, concernant le blanchiment d’argent, il convient de rappeler que l’infraction de blanchiment est incriminée à l’article 324-1 du Code pénal, disposant que :

« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ».

En l’occurrence, c’est l’alinéa 2 dudit article qui nous concerne, à savoir, le blanchiment par le concours à une opération de placement, dissimulation ou de conversion.

Les institutions bancaires mises en cause, dont principalement la Danske Bank, ont directement apporté leur concours auprès de 15.000 clients en plaçant et convertissant les différents flux financiers de différentes activités en provenance d’Estonie. Fortement supposées illicites, provenant donc de crimes ou de délits. Ainsi, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) qui a pour mission de réguler et d’évaluer les risques financiers pour renforcer la stabilité du système bancaire européen, a totalement passé sous silence ces agissements, pire, elle a classé sans suite le rapport accablant la négligence des superviseurs nationaux.

S’il est important d’observer que les superviseurs européens, au regard de leur rôle de régulateur, ne pouvaient ignorer l’importance des flux financiers colossaux transférés de banque à banque, il n’est pas indifférent de souligner qu’en interne, les salariés ayant connaissance de tels faits de blanchiment, peuvent utiliser le dispositif d’alerte interne prévu à cet effet.

En droit français, La loi Sapin II (n°2016-1691) du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – dite Loi Sapin II – et la Loi n°2016-1690 du même jour relative à la compétence du défenseur des droits, créée un statut général et protecteur des lanceurs d’alerte, qu’elle définit en son article 6.

Le droit d'alerte est consacré à l'article 6 de la Loi Sapin II, accompagné d'une nouvelle cause d’irresponsabilité pénale introduite à l’article 122-9 du Code pénal, disposant que :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte ».

En conséquence de quoi, il convient de s’interroger sur la connaissance réelle ou supposée des Directeurs, superviseurs et autorités de contrôle de chaque banque impliquée dans ce scandale de blanchiment d’argent à l’échelle européenne. Et le sachant de surcroit, quelles sont les différentes raisons qui ont conduit les différents protagonistes à ne pas mettre en œuvre le mécanisme d’alerte, quelle est la raison pour laquelle l’Autorité Bancaire Européenne, refuse de continuer son enquête.

Avec la question suivante, qui reste en suspens, ceux qui surveillent, doivent-ils être surveillés ?