Dans cette affaire, devant les juridictions pénales italiennes, il est fait grief à une trentaine de sociétés chargées de la collecte, de la production et d’analyses chimiques des déchets d’avoir attribué à des déchets dangereux des codes destinés à des déchets non dangereux et de les avoir traités dans des décharges pour déchets non dangereux. Par la suite, les prévenus ont effectué plusieurs recours introductifs ainsi que par le procureur de la République près le Tribunal de Rome. La Cour de Cassation italienne a été saisie de l’affaire.
Relevant que deux solutions différentes s’opposaient dans la résolution du conflit, en ce sens que deux interprétations avaient été données aux dispositions nationales découlant du droit de l’Union Européenne, la haute juridiction italienne a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE quatre questions préjudicielles.
La première question préjudicielle est celle de savoir si « l’annexe à la décision (2000/532) ainsi que l’annexe III de la directive 2008/98 doivent-elles être interprétées, s’agissant de la classification des déchets sous des codes miroirs, dans le sens que, lorsque la composition d’un déchet n’est pas connue, le producteur de ces déchets doit procéder à leur caractérisation préalable et, dans l’affirmative, dans quelles limites ? »
La seconde question consiste à savoir si la recherche de substances dangereuses doit-elle être effectuée en vertu de méthodes uniformes prédéterminées ? la troisième question est celle de savoir si la recherche de substances dangereuses doit-elle être fondée sur une vérification précise et représentative qui tienne compte de la composition d’un déchet, si elle est déjà connue ou identifiée lors de la phase de caractérisation, ou bien doit-elle être effectuée selon des critères de probabilité, eu égard aux substances qui pourraient raisonnablement être présentes dans un déchet ? Enfin, la cour de cassation cherche à savoir si en cas de doute ou d’impossibilité de déterminer avec certitude la présence ou non de substances dangereuses dans un déchet, ce dernier doit il en tout état de cause, être classé et traité comme un déchet dangereux, en application du principe de précaution ? »
On le voit les 3 premières questions de la cour de cassation se rapportent à l’obligation de procéder à la caractérisation préalable des déchets et à leur classification. Et la dernière est relative à l’applicabilité du principe de précaution en l’absence de certitude vis-à-vis de la dangerosité d’un déchet.

• Sur l’obligation de procéder à la caractérisation préalable des déchets et à leur classification :
A titre liminaire, le droit italien prévoit que la classification des déchets est effectuée par le producteur qui leur attribue un code. Ainsi, le déchet peut être classé en tant que « déchet dangereux absolu », en tant que « déchet non dangereux absolu » ou sous des « codes miroirs ». Faut-il le rappeler, lorsqu’un déchet relève du code miroir, il faut déterminer les propriétés dangereuses que ce déchet présente afin d’établir si le déchet est dangereux ou non.

La CJUE répond en trois temps.
Au premier chef, elle rappelle la définition d’un déchet dangereux, à travers les dispositions de l’article 3, point 2 de la directive-cadre n°2008/98 sur les déchets au terme duquel un déchet dangereux est : « tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés dangereuses énumérées à l’annexe III » .
Au second chef, la cour répond à la question relative à la composition du déchet traitée par l’article 7 de la directive-cadre notamment celle de savoir s’il faut tenir compte de « l’origine et de la composition des déchets et, le cas échéant, des valeurs limites de concentration de substances dangereuses », pour qu’un déchet soit classé comme dangereux . A ce titre, la cour rappelle que la composition d’un déchet classé sous miroir n’est pas systématiquement connue. Par voie de conséquence, il revient au détenteur des déchets, en sa qualité de responsable de sa gestion, de se munir des informations suffisantes sur la composition du déchet lui permettant d’attribuer le bon code déchet, sous peine de faillir à ses obligations en vertu de sa qualité de gestionnaire des déchets.
En dernier lieu, la cour précise que l’analyse chimique d’un déchet devrait permettre à son détenteur d’avoir une connaissance suffisante sur la composition du déchet afin de déterminer si celui-ci présente une ou plusieurs propriétés dangereuses. Il en résulte que le détenteur n’est pas tenu de vérifier l’absence de toute substance dangereuse. Par conséquent, la cour rappelle que le détenteur n’est pas tenu de renverser une présomption de dangerosité de ce déchet.
En somme, il faut retenir que la CJUE rappelle que : le producteur ou le détenteur d’un déchet doit rassembler les informations relatives à la composition du déchet. Afin, d’établir si ce dernier est dangereux ou comporte de substances dangereuses, en vue enfin, de le classer en fonction de sa nature et de sa dangerosité. Il n’est pas superflu de rappeler in fine qu’à l’analyse de cette décision européenne, il ressort que l’obligation de classification du déchet est à la charge de deux personnes de droit privé notamment le producteur et le détenteur dudit déchet.
Par ailleurs, au-delà de la question de caractérisation préalable et de la classification des déchets, la CJUE s’est prononcée également sur celle de l’interprétation du principe de précaution en l’absence de certitude vis-à-vis de la dangerosité d’un déchet.

• Sur l’interprétation du principe de précaution en cas de doute sur l’existence de la dangerosité d’un déchet.
A la question de savoir quoi faire en cas de doute sur la dangerosité d’un déchet, la CJUE a rappelé avant toute réponse, en quoi consiste le principe de précaution. Elle souligne que ce principe de précaution est l’un des fondements de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement (article 191, paragraphe 2 TFUE). Sur le fondement du principe de précaution, la cour insiste sur la nécessité de vérifier les conséquences négatives des déchets en question sur l’environnement sur base d’analyses scientifiques résultant de la recherche internationale.
La cour renchérit en précisant que dans le doute sur la dangerosité d’un déchet dû à la nature insuffisante, imprécise des résultats d’études menées, la prise de mesures restrictives est justifiée. Mais encore faut-il que ces mesures ne soient guère discriminatoires et objectives.
Pour conclure, la cour de justice décide que si le détenteur d’un déchet se trouve dans l’impossibilité pratique de déterminer la présence de substances dangereuses de celui-ci, le principe de précaution justifie alors que ce déchet soit classé en tant que déchet dangereux. Elle précise in fine que, l’impossibilité de déterminer la dangerosité du déchet doit être indépendante du comportement du détenteur du déchet.